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Articles taggés avec: Banderier Gilles

Ainsi fut Auschwitz, Témoignages (1945-1986), Primo Levi (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 04 Juin 2019. , dans La Une Livres, Anthologie, Les Livres, Critiques, Histoire, Les Belles Lettres

Ainsi fut Auschwitz, Témoignages (1945-1986), février 2019, texte établi par Fabio Levi et Domenico Scarpa, trad. Marc Lesage, 304 pages, 14,90 € . Ecrivain(s): Primo Levi Edition: Les Belles Lettres

 

Même s’il en a publié d’autres, Primo Levi demeure pour la postérité l’homme d’un seul livre, Si c’est un homme, auquel tous les autres semblent subordonnés, comme les branches à un tronc. Rien a priori ne destinait ce chimiste turinois à devenir écrivain. Rien, sauf une expérience indicible et l’impératif moral de porter témoignage au nom de ceux qui jamais ne revinrent. Il avait compris que le silence de chaque rescapé était un cadeau posthume offert au nazisme.

Recueil de textes brefs, écrits pour les journaux ou à la sollicitation des autorités soviétiques et de la justice, Ainsi fut Auschwitz est un livre composé en partie à quatre mains, avec un autre homme de science, ou plutôt de l’art (les médecins considèrent ainsi leur discipline), Leonardo De Benedetto. Le titre du premier texte, signé des deux hommes, « Rapport sur l’organisation hygiénique et sanitaire du camp de concentration pour juifs de Monowitz (Haute-Silésie) », publié dans la Minerva Medica, un hebdomadaire de praticiens bien connu de l’autre côté des Alpes, trahit une tension vers l’objectivité scientifique.

La Société ouverte et ses ennemis, Karl Popper (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 27 Mai 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Points

La Société ouverte et ses ennemis, juin 2018, trad. anglais Jacqueline Bernard, Philippe Monod, deux volumes, 342 et 336 pages, 9,50 € chaque volume . Ecrivain(s): Karl Popper Edition: Points

 

Karl Popper eut le privilège à la fois douteux et involontaire de fêter ses seize ans lorsque s’acheva la Première Guerre mondiale et d’être né dans une ville qui, à bien des égards, fut à la fois la matrice de la modernité européenne et le centre géométrique de ses névroses : Vienne. Dans le bouillonnement intellectuel qui caractérisait la capitale de la jeune Autriche, Popper publia ses premiers travaux scientifiques, portant sur l’épistémologie. Il jugea ensuite préférable de s’éloigner du continent européen, se rendant en Grande-Bretagne, puis aussi loin de Vienne qu’il soit possible d’aller sans changer de planète : en Nouvelle-Zélande. Ce fut depuis ce pays lointain, dernière escale avant le Pôle Sud, qu’il assista à l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne nazie et à tout ce qui suivit, même si les informations ne lui parvenaient que lentement. Ce fut également en Nouvelle-Zélande que Popper rédigea La Société ouverte et ses ennemis, qu’il déclara avoir récrit une trentaine de fois. À la fin de 1945, il fut recruté par l’université de Londres où il travailla jusqu’à sa retraite. Il ne retourna dans le monde germanique que pour donner des conférences et Vienne ne recueillit que ses cendres.

Freddie Mercury, Selim Rauer (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Vendredi, 24 Mai 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Biographie, Fayard

Freddie Mercury, octobre 2018, 342 pages, 20,90 € . Ecrivain(s): Selim Rauer Edition: Fayard

 

« Nous prêtons peu d’attention, dans les biographies d’hommes illustres, aux événements de l’enfance. Nous tendons à nous concentrer sur l’épopée, les hauts faits de l’âge mûr. Mais moi qui n’ai été qu’une ombre […] je sais ce qu’il en est de l’enfance, de ce que l’enfance laisse comme trace ou comme oubli » (Camille de Toledano). Sur son enfance comme sur ses origines, celui qui se nommait à l’état-civil Farrokh Bulsara fut extrêmement discret. C’était, il est vrai, en ces temps lointains où un individu ne se définissait nullement par son appartenance à telle ou telle communauté ; en ces temps où ni l’Internet, ni le tintamarre hystérique des réseaux « sociaux », ni les smartphones n’existaient, qui font de chaque individu un voyeur et un paparazzo en puissance, un suppôt du panoptisme et de la surveillance généralisée.

La biographie que Selim Rauer a consacrée à Freddie Mercury parut pour la première fois en 2008. Elle est réimprimée dix ans plus tard, comme on le devine, dans le sillage du « film biographique » Bohemian Rhapsody. Elle est, qu’on se rassure, bien supérieure à cette production cinématographique.

Un sacré gueuleton, Jim Harrison (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 14 Mai 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Récits, Flammarion

Un sacré gueuleton, novembre 2018, trad. anglais (USA) Brice Matthieussent, 374 pages, 21,50 € . Ecrivain(s): Jim Harrison Edition: Flammarion

 

Jim Harrison est mort le 26 mars 2016, dans sa « résidence d’hiver », en Arizona. Il est rare que, deux ans et demi après son départ, un écrivain adresse à ses lecteurs un salut aussi plein de vie.

Pour diverses raisons, les livres de Jim Harrison se vendaient mieux en France que dans son pays natal. La postérité dira s’il n’y eut pas quelque malentendu dans cette réception (le chef-d’œuvre écrit en neuf jours qu’est Légendes d’automne est ce qu’il y a de moins « harrisonien » chez Jim Harrison). Mais il est indéniable que la France l’aimait et il le lui rendait bien. Son itinéraire gastronomique le conduisait de Paris à Collioure en passant par Lyon, Arles et le Morvan. Il ne faisait pas partie de ces Américains qui, en période de brouille diplomatique, achètent des flacons de vins français pour les vider à l’égout (imagine-t-on une manière de protester plus stupide ?). Certes, le vin français acheté par Jim Harrison au long des ans a également fini à l’égout, mais non sans un certain nombre d’étapes, de transformations – de sublimations.

Sigmund Freud et Romain Rolland, Un dialogue, Henri Vermorel (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 09 Mai 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Albin Michel, Essais

Sigmund Freud et Romain Rolland, Un dialogue, août 2018, 632 pages, 29 € . Ecrivain(s): Henri Vermorel Edition: Albin Michel

 

La correspondance entre Sigmund Freud et Romain Rolland fut publiée pour la première fois en 1966, dans une thèse de la Faculté de médecine de Paris. À qui s’en étonnerait, on rappellera que Freud était médecin et que la psychanalyse entretient avec la médecine des rapports, certes ambigus, mais réels. Cette correspondance est d’un faible volume et l’on peut de prime abord s’étonner que la republication d’une vingtaine de lettres (il n’y en a pas davantage) aboutisse à un volume de six cents pages. C’est que l’intérêt de cette correspondance est inversement proportionnel à ses modestes dimensions matérielles et Henri Vermorel, qui les republie, les annote et les éclaire, a fait un authentique acte de lecture, digne de tous les éloges. Il reprend le livre qu’il avait publié en 1993 (Sigmund Freud et Romain Rolland, Correspondance 1923-1936, Presses Universitaires de France), en le mettant à jour pour tenir compte de la découverte de nouveaux documents dans les archives de la maison Fischer, l’éditeur de Freud.