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Russie

Il Est Difficile d’Etre un Dieu, Arcadi & Boris Strougatski

Ecrit par Didier Smal , le Vendredi, 18 Septembre 2015. , dans Russie, Les Livres, Critiques, Science-fiction, La Une Livres, Folio (Gallimard)

Il Est Difficile d’Etre un Dieu, janvier 2015, trad. du russe Bernadette du Crest, 304 pages, 7,50 € . Ecrivain(s): Arcadi & Boris Strougatski Edition: Folio (Gallimard)

 

Arkanar est une planète similaire à la Terre mais suffisamment éloignée d’elle pour que le Soleil ne soit qu’« étoile minuscule, à peine visible » ; peu importe comment et pourquoi, mais une civilisation humaine s’est développée sur cette planète éloignée, elle est toujours au stade féodal et des historiens russes viennent l’étudier. Parmi ces historiens, Anton « don Roumata d’Estor », qui se fait passer pour un noble dilettante aux yeux du pouvoir en place, et confronte la « théorie du Féodalisme » aux événements et évolutions en cours sur Arkanar. Car Arkanar vit une révolution :

« De belles maisons en pierre de taille bordent les rues principales, d’accueillantes lanternes brillent aux portes des auberges. Des boutiquiers bien nourris et béats, installés à des tables très propres, boivent de la bière en affirmant que le monde n’est pas si mal que ça : le prix du blé baisse, celui des cuirasses monte, les complots sont découverts à temps, on empale les magiciens et les clercs suspects, le roi, à son habitude est auguste et éclairé, don Reba est extraordinairement intelligent, ayant l’œil à tout. […] Dans les rues, le pavé résonne sous les bottes cloutées de garçons en chemises grises, trapus, rougeauds, tenant de grosses haches sur l’épaule droite ».

L’églantier fleurit et autres poèmes, Anna Akhmatova

Ecrit par Marc Ossorguine , le Samedi, 21 Février 2015. , dans Russie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

L’églantier fleurit et autres poèmes, édition bilingue La Dogana, traduit du russe par Marion Graf et José-Flore Tappy . Ecrivain(s): Anna Akhmatova

 

De la poétesse Anna Akhmatova (1889-1966), on connaît en général Requiem, dans la traduction de Paul Valet qu’ont publié et réédité les éditions de Minuit. La Dogana nous offre l’occasion de redécouvrir Requiem dans une autre traduction, due à Marion Graf et José-Flore Tappy, mais surtout de découvrir d’autres facettes de l’œuvre de la poétesse russe dans une belle édition bilingue.

Dès les premières pages, nous découvrons des textes où se mêlent inextricablement la joie et la tristesse, les regrets et les espoirs, les amours enflammés et craintifs, presque désespérés mais d’un lyrisme toujours retenu, puissant et sans emphase. S’il est toujours difficile de rendre compte de ce qui peut nous toucher dans la lecture de la poésie, ou plutôt des poèmes, il semble que cela devienne encore plus difficile avec cette œuvre-là, au delà même du fait que la traduction ne peut nous donner qu’une vague idée de ce que la langue originale recèle. L’oscillation, le balancement et l’alliance entre les contraires ne peut sans doute se mesurer et s’apprécier qu’à la lecture du texte lui-même, restituant toute l’ambivalence et la complexité des sentiments humains, dans un lyrisme empreint d’une certaine austérité.

Les nombres, Viktor Pelevine

Ecrit par Cathy Garcia , le Mardi, 09 Décembre 2014. , dans Russie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Alma Editeur

Les nombres, traduit du russe par Galia Ackerman et Pierre Lorrain septembre 2014, 380 pages, 19 € . Ecrivain(s): Viktor Pelevine Edition: Alma Editeur

 

Qu’arrive-t-il à un homme quand il soumet sa vie et son destin tout entier au pouvoir d’un nombre ? C’est ce que fait Stopia, alias Pikachu pour les intimes, antihéros de ce roman amoral qui est avant tout une impitoyable satyre d’une ex-URSS décadente et libérale, qui n’a cependant pas lâché les bonnes vieilles méthodes de l’époque KGB.

« Je me demande bien Tchoubaïka, pourquoi on traite la bourgeoisie libérale de libérale. Elle est porteuse d’une idéologie totalitaire extrême. Si on l’y regarde de près, tout son libéralisme se réduit à la permission donnée aux travailleurs de s’enculer à volonté pendant leurs heures de repos » et Tchoubaïka répondait : « Excusez-moi Zouzia, mais c’est un grand pas en avant si on compare avec le régime qui percevait même cette activité comme sa prérogative ».

Ainsi, après quelques tâtonnements, c’est au numéro 34 que Stopia va confier la totalité de sa vie, de ses choix, décisions et orientations, privés ou professionnels, et le 43 deviendra donc par conséquent l’anti-nombre, le nombre d’entre tous dont il faudra le plus se méfier.

Les Ongles, Mikhaïl Elizarov

Ecrit par Patryck Froissart , le Mercredi, 17 Septembre 2014. , dans Russie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La rentrée littéraire, Serge Safran éditeur

Les Ongles (Nogti), août 2014, traduit du russe par Stéphane A. Dudoignon, 170 pages, 16,50 € . Ecrivain(s): Mikhaïl Elizarov Edition: Serge Safran éditeur

 

Dans un orphelinat de l’Ukraine post-soviétique en plein délitement politique et social, où sont entassés des enfants nés difformes et atteints de troubles mentaux, grandissent vaille que vaille un bossu, de père et mère inconnus, à qui les nurses ont donné comme état civil le nom de Gloucester, et son étrange ami Bakatov, dont l’essentielle raison de vivre est de se laisser pousser les ongles des mains et des pieds jusqu’à ce qu’ils atteignent la taille suffisante pour être rongés à l’occasion d’un cérémonial occulte très précis qui pourvoit pendant toute sa durée leur propriétaire de puissants et dangereux pouvoirs.

Le narrateur est Gloucester lui-même, la narration se faisant à la première personne, ce qui permet à Elizarov de décrire le monde tel que le voit le bossu, avec sa subjectivité d’innocent, à la manière des personnages de Faulkner.

La Confession d’un voyou suivi de Pougatcheff, Sergueï Essenine

Ecrit par Marc Ossorguine , le Mardi, 16 Septembre 2014. , dans Russie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, L'Âge d'Homme

La Confession d’un voyou (1921) suivi de Pougatcheff (1921)traduit du russe par Marie Miloslawsky et Franz Hellens, préface de Franz Hellens . Ecrivain(s): Sergueï Essenine Edition: L'Âge d'Homme

Sergueï Essenine fait partie de ces poètes russes dont le lyrisme enflamme et illumine nos représentations – plus ou moins imaginaires – de l’enthousiasme révolutionnaire d’octobre 17, l’exaltation politique et artistique que l’on aime y découvrir. Une Révolution qui consuma aussi les poètes, musiciens, cinéastes, peintres dont elle avait elle-même fait ses icônes. Pour la poésie, son nom brille aux cotés de ceux d’Anna Akhmatova et de Vladimir Maïakovski. Au-delà de la légende qui nimbe pour beaucoup d’entre nous ces poètes à la fois adulés et maudits, de leur vivant même, quelques traducteurs nous permettent de découvrir vraiment leur œuvre.

Il faut dire que Sergueï Essenine, mort à tout juste 30 ans, rassemble bien des éléments de la mythologie du « Poète » : une œuvre inscrite dans l’histoire de son temps, une vie qui semble vouée toute entière à l’œuvre et qui n’aura pas le temps de s’épuiser dans les honneurs ou l’oubli. Né dans les dernières années du XIXe siècle, sont œuvre s’affirme au moment même où la Révolution prend son essor. Il côtoiera quelques-unes des grandes figures cosmopolites de l’époque (il fut brièvement le mari d’Isadora Duncan lorsque celle-ci vint dans la toute jeune Union Soviétique) et sa vie s’achèvera par un suicide plus ou moins suspect.