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Roman

Aucun homme ni dieu, William Giraldi

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 23 Avril 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Autrement

Aucun homme ni dieu (Hold the dark). Traduit de l’américain par Mathilde Bach. Mars 2015. 310 p. 19 € . Ecrivain(s): William Giraldi Edition: Autrement

 

« Notre vie est un voyage

dans l’hiver et dans la nuit

nous cherchons notre passage

dans ce ciel où rien ne luit »

 

C’est à un voyage glacial et sombre que William Giraldi nous convie. L’espace – aux confins de l’Alaska – le cœur de ses étranges habitants, les affreux événements, le poil des loups, tout est noir comme la nuit la plus profonde. Pas une lueur. On pense souvent à ces paroles d’une chanson des grognards de Napoléon qui ouvrent le « Voyage au bout de la nuit » de Céline, cités ici en épigraphe.

Humeur noire à Venise, Olivier Barde-Cabuçon

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 22 Avril 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Actes Noirs (Actes Sud)

Humeur noire à Venise, Une enquête du commissaire aux morts étranges, Olivier mars 2015, 336 pages, 22 € . Ecrivain(s): Olivier Barde-Cabuçon Edition: Actes Noirs (Actes Sud)

 

« La beauté n’en est que plus belle lorsqu’elle est éphémère. Volnay fit arrêter la voiture pour admirer la vision de cette ville en apesanteur, les flancs caressés par l’eau… La cité flottante se hérissait de clochers et de mâts de bateaux. Voilé d’azur, le soleil levant illuminait de ses rayons les toits des palais et l’eau des canaux renvoyait l’image déformée de ceux-ci à l’infini ».

Venise de jour et de nuit pour Volnay et son moine de père invités à résoudre une énigme – des pendus que l’on retrouve sous les ponts – à éviter un drame – la mort annoncée et programmée du comte de Trissano – L’instant où surgit la vérité a quelque chose de magique qui sort l’homme de sa torpeur. Mais aussi à débarrasser son père de l’humeur noire qui le mine. Venise et ses masques, ses intrigues, ses complots, ses terres et sa mer, ses canaux, ses palais, sa flamboyance en ce XVIII° siècle, le siècle d’Humeur noire à Venise, sous l’œil et la plume de William Shakespeare et de Carlo Goldoni et sous la haute protection de Marco Polo.

Dépendance day, Caroline Vié

Ecrit par Martine L. Petauton , le Mercredi, 22 Avril 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits, Jean-Claude Lattès

Dépendance Day, février 2015, 212 pages, 17 € . Ecrivain(s): Caroline Vié Edition: Jean-Claude Lattès

 

Alzheimer ; les démences ; séniles, ou un peu moins. On les lit parfois – plutôt peut-être en essais ; on les regarde – plutôt en documentaires. Mais, progressivement, ça gagne du terrain, parce que c’est la vie de nos vieux parents, de cette voisine, pourtant pas si mamie que ça ; parce qu’à la fin, c’est nous, nos imaginaires, nos projections, que la chose attaque. Sinistre et mortifère fin de jeu de dominos. Alzheimer. Terreur à portée de nous tous.

Le livre de Caroline Vié – son roman ? – son récit probablement, pose là devant nos yeux, des destins de femmes – trois générations, et la moitié d’une autre. « Sous le marronnier du jardin, trois générations réunies… » chantait Francesca Solleville, d’une dure, mais, ensoleillée vie de femmes.

De mère en fille, ici, toutes, à un moment, voient se poindre l’hydre des cauchemars ; celle de la mémoire à trous, puis en lambeaux infimes. Une vie, des apprentissages, des manières, des usages, des savoirs, bien sûr – ce poème, cette chanson ; ces visages et ces lieux, qui se défont, goutte après goutte, et détricotent la charpente jusqu’au quasi rien final. Pernicieux mal, qui tue autrement que la mort franche.

La Maison au toit rouge, Kyoko Nakajima

Ecrit par Stéphane Bret , le Mardi, 21 Avril 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Seuil, Japon

La Maison au toit rouge, traduit du japonais par Sophie Refle, mars 2015, 301 pages, 21 € . Ecrivain(s): Kyoko Nakajima Edition: Seuil

 

Une dame d’âge respectable, Taki, rédige pour son neveu les souvenirs de ses années de service passées dans la famille Hirai, un foyer de la bourgeoisie tokyoïte. Le maître de maison est sous-directeur d’une entreprise de jouets, passablement prospère. Il a fait construire récemment une maison à Tokyo pour son épouse, Tokiko, et le fils de celle-ci. Tout le récit du roman de Kyoko Nakajima est articulé autour du basculement incessant entre deux époques, celle des années 30 du Japon de l’entre deux-guerres, conquérant, impérialiste, mais où il fait bon vivre, où les mœurs sont stables, confinent à l’immobilité ; et le Japon des années soixante, celui de la croissance économique, d’une entrée dans le monde occidental, au moins en apparence…

Ainsi, la narratrice souligne-t-elle le temps que les maîtresses de maisons dignes de ce nom devaient passer à préparer le nouvel an, à peaufiner la préparation des mets, à la visite systématique de tous les voisins… Tâches perçues pourtant par Taki comme nobles, valorisantes. Dans le domaine de la perception de l’histoire de son pays, Taki, peut-être à l’instar d’une grande majorité de ses compatriotes, revisite l’histoire de son pays d’une manière surprenante, qu’un observateur contemporain pourrait aisément qualifier de révisionniste. Le fils de son neveu, Takeshi, lui fait remarquer que le Japon faisait déjà la guerre en 1936 :

La chaise numéro 14, Fabienne Juhel

Ecrit par Martine L. Petauton , le Samedi, 18 Avril 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, La Brune (Le Rouergue)

La chaise numéro 14, février 2015, 280 pages, 21 € . Ecrivain(s): Fabienne Juhel Edition: La Brune (Le Rouergue)

 

« La mission : il s’agissait de se rendre en ville pour tondre une putain, la femme avait couché avec l’ennemi. Pas plus compliqué que ça… Ils avaient dit oui. Ils étaient partants ».

Le sujet : cerné comme dans une tragédie de l’âge classique, mené avec ces unités de temps, de lieu, qu’on trouve chez Corneille. Les femmes tondues, en France, à La Libération ; les excès de l’Épuration, comme on dit en Histoire, quand – et ce n’est que normal – on repousse en paragraphe de fin ces moments-là dans l’ombre de la Résistance ou de la Collaboration. Parce que l’essentiel en termes de quantité et d’importance est ailleurs. Jusqu’à un livre comme celui-ci, où l’éclairage change d’objet, et, où passe, à travers l’incarnation, le chagrin et pas mal d’humanité ; de quoi retenir son souffle.

Fabienne Juhel, souvent, écrit des récits à couleur fantastique, parfois épiques à souhait. Là, elle livre une sonatine – quelques instruments, où dominent les pleurs du violoncelle, quelques couleurs comme dans un Goya – dominante le blanc sur fond sombre. Sobre et rigoureux est ce conte moderne, aux airs de tragédie inéluctable.