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Roman

Le grand jeu, Céline Minard

Ecrit par Zoe Tisset , le Samedi, 20 Août 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, La rentrée littéraire, Rivages

Le grand jeu, 190 pages, 18 euros, août 2016 . Ecrivain(s): Céline Minard Edition: Rivages

 

Nous voici avec un, ou plutôt une Robinson Crusoé moderne. Une femme décide de s’isoler dans une région montagneuse sur une terre qu’elle a achetée. Elle y a construit une sorte de grande bulle moderne à l’abri des intempéries et du regard des autres. « Et subitement mon habitacle m’est apparu comme le dernier éclat d’une technologie avancée tandis que toutes les villes gisaient à mes pieds, pétrifiées, recouvertes, méconnaissables et même insoupçonnables. » Expérience extrême et existentielle. Tout au long du livre, elle rend compte de ses questionnements sur elle et sur le rapport ou non rapport à autrui. «  Le regret engendre la détresse. « Je n’aurais pas dû » est le début et le fond de la détresse. Le conditionnel tout entier, ce temps révolu qui n’est même pas le passé est le fondement et peut -être le créateur de la détresse. L’occasion qu’elle s’installe » affirme-t-elle en début de récit. Cette femme veut à la fois vivre parmi la nature et mettre à l’essai ses propres limites. « Est-ce que s’affoler, ne plus rien maîtriser - ni ses sensations, ni ses pensées, ni ses actions - c’est refuser le risque ? Refuser de le courir, de le prendre mais aussi refuser qu’il comporte une part de calcul  (un aspect prévisible) et le jeter du côté du danger. Paniquer c’est choisir un maître. »

Le congrès de littérature, César Aira

Ecrit par Marc Ossorguine , le Samedi, 20 Août 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Amérique Latine, Christian Bourgois

Le congrès de littérature (El congreso de literatura), avril 2016, trad. espagnol (Argentine) Marta Martinez-Valls, 128 pages, 14 € . Ecrivain(s): César Aira Edition: Christian Bourgois

Ceci est le livre d’un auteur qui voulait écrire un livre. Ou, autrement dit, le projet de ce livre, c’est le livre que vous tiendrez dans les mains le jour où vous le lirez. Voilà une manière d’avancer sans trop se risquer, et pourtant… Et pourtant, les choses avancent à un rythme tel qu’il aura fallu près de deux décennies pour que nous en arrive sa petite centaine de pages et après 9 autres titres publiés par le même éditeur, plus quelques autres chez Gallimard, Maurice Nadeau ou Actes Sud, entre autres.

A la veille de rejoindre un congrès de littérature au cœur d’une cité andine, le narrateur commence par résoudre naturellement une énigme du Nouveau monde et saura tirer le « fil de Macuto », comme d’autres tirent le fil de leur histoire, et amener à lui les trésors des temps légendaires de la piraterie… se sauvant du coup du naufrage dans lequel le marasme de l’édition pourrait bien l’entraîner. Car le narrateur est, précisons-le, écrivain. Qu’irait-il faire sinon à ce congrès de littérature ? Raconter des histoires ? Racontez une histoire ? Peut-être celle de toutes les histoires ? Peut-être…

Il était une fois, donc… un scientifique qui menait en Argentine des expériences sur le clonage de cellules, d’organes, de membres et qui en était arrivé à la possibilité de reproduire à volonté des individus entiers en quantité indéfinie.

Derniers Feux sur Sunset, Stewart O’Nan

Ecrit par Didier Smal , le Samedi, 20 Août 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, L'Olivier (Seuil), La rentrée littéraire

Derniers Feux sur Sunset, août 2016, trad. anglais (USA) Marc Amfreville, 396 pages, 23 € . Ecrivain(s): Stewart O’Nan Edition: L'Olivier (Seuil)

L’annonce d’un nouveau roman de Stewart O’Nan (1961) est une bonne nouvelle, si l’on veut bien laisser de côté le plutôt mitigé Joueurs (2013) : que ce soit par son hommage à Stephen King (avec qui il a coécrit une nouvelle, Un Visage dans la Foule, 2014), le puissant Speed Queen (1998), par son grand roman sur les séquelles de la guerre du Vietnam (conflit au sujet duquel il a publié une anthologie définitive en 1998, The Vietnam Reader : The Definitive Collection of Fiction and Nonfiction on the War, qui n’a malheureusement pas encore trouvé traducteur), Le Nom des Morts (1999), par son beau diptyque sur la vieillesse, Nos Plus Beaux Souvenirs (2005), et Emily (2012), ou encore par son intense roman sur l’Amérique d’après la Guerre de Sécession, le percutant Un Mal qui Répand la Terreur (2001), cet auteur a régulièrement démontré un grand talent de raconteur capable d’aller au fond des choses, d’extraire de sa matière narrative un sens auquel se confronte le lecteur.

Lorsqu’on apprend de surcroît que le nouveau roman de Stewart O’Nan s’intitule Derniers Feux sur Sunset, et raconte l’expérience hollywoodienne de Francis Scott Fitzgerald (1896-1940), on se réjouit de cette rencontre entre deux grands auteurs : certains romans sur la littérature sont de franches réussites, on pense en particulier à L’Auteur ! L’Auteur, de David Lodge, sur l’expérience dramaturgique de Henry James, et au Voyage de Shakespeare, de Léon Daudet, sur l’éveil artistique du Barde, et on n’en attend pas moins de celui-ci.

Eclipses japonaises, Éric Faye

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 19 Août 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Seuil, La rentrée littéraire

Eclipses japonaises, août 2016, 240 pages, 18 € . Ecrivain(s): Eric Faye Edition: Seuil

 

Nagasaki et Malgré Fukushima ont mis en lumière le talent d’Éric Faye (1963), auteur d’une trentaine de livres. Parfois, il faut un prix d’automne ou un séjour littéraire à l’étranger – ce fut le cas du Prix du roman de l’Académie française 2010 pour le premier titre cité, et pour le second, une résidence à la Villa Kujoyama à Kyoto – pour qu’un auteur accède à une notoriété de bon aloi.

Le nouveau roman de l’écrivain épris de culture orientale comblera plusieurs publics de lecteurs : tout d’abord, ceux qui éprouvent pour le style une ferveur particulière ; ceux pour lesquels un vrai roman ne fait pas d’impasse sur l’intrigue ; tous les vrais liseurs de littérature française de qualité d’aujourd’hui : voilà un nom à ajouter depuis quelque temps déjà à ces « jeunes » écrivains qui honorent les lettres romanesques françaises. Je citerai, entre autres, L. Mauvignier, O. Adam, L. Gaudé, M. Enard…

Comment faire d’une réalité historique brevetée par des témoignages un roman de fiction : voilà la mission littéraire que s’est donnée Faye pour traduire des faits de disparitions étranges dans les années 60 et 70 sur les côtes japonaises ou à la frontière coréenne. Le titre suggère déjà ces êtres qui se volatilisent un beau jour, dans le plus grand mystère.

Les Chats de la rue Saint-Séverin, Anne-Marie Mitchell

Ecrit par Michel Host , le Vendredi, 19 Août 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, La Une Livres

Les Chats de la rue Saint-Séverin, éd. Lucien Souny, coll. L’Histoire des pays, mai 2016, 235 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): Anne-Marie Mitchell

Ill. couv. Le Magasin pittoresque, 1872, d’après un tableau de E. Lambert

 

« Les bêtes, elles, ne savent que vivre »

« Dans la rue de la Tournelle / Un coup de foudre est tombé. / Il n’a pas cassé de cervelles / Car il n’en a pas trouvé »

Vaudeville du Pont-Neuf

Dans la nuit du 16 au 17 novembre 1730, à Paris, sous le règne de Louis XV, eut lieu un massacre de chats, dans la rue Saint-Séverin. Les faits sont attestés par des chroniqueurs du temps, et des historiens plus récents (1). Ils appartiennent à ce que Jacques Chessex (2) appelle joliment et que nous rappelle la romancière « … les murmures dans les parois, les souffles qui hantent les murs, les recoins, les resserres. Ce qui ne se voit pas. L’oublié. L’autre histoire qui insiste dans l’ombre ». Le roman, en tant que roman, mêle fiction et réalités, avec ici ou là de plaisants anachronismes, et des « personnages et lieux réels [qui] situent le roman dans son contexte ».