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Recensions

Correspondance 1946-1954 Saint John Perse, Calouste Gulbenkian

Ecrit par Guy Donikian , le Mercredi, 17 Avril 2013. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Gallimard, Correspondance

Correspondance, 1946-1954, Saint-John Perse, Calouste Gulbenkian, Gallimard, 333 pages, 22 € . Ecrivain(s): Saint-John Perse Edition: Gallimard

 

 

Une étonnante correspondance nous est livrée ici entre Saint-John Perse (Alexis Leger), le poète diplomate, et Calouste Gulbenkian, l’homme d’affaires, d’origine arménienne, le mécène fortuné qui constitua une collection de peinture reconnue mondialement et aujourd’hui exposée à Lisbonne. Cette édition a été établie par Vasco Graça Moura, poète, député européen et directeur de la fondation Gulbenkian à Lisbonne.

Ce sont 52 lettres de Saint-John Perse et 37 de Calouste Gulbenkian qui composent cette correspondance. Cet échange a lieu alors que le poète est exilé aux Etats-Unis, après l’armistice qu’il refuse. Les deux hommes, qui se surnomment Douglas, vont aborder des sujets qui auront trait à la situation politique internationale, à l’aménagement du parc des Enclos, propriété que Gulbenkian a acquise, et à leur santé mutuelle, parce que ce sont deux hypocondriaques.

L'étrange réveillon, Bertrand Santini/Lionel Richerand

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Mercredi, 17 Avril 2013. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Grasset, Jeunesse

L’étrange réveillon, Bertrand Santini, Lionel Richerand, Grasset-Jeunesse, octobre 2012, 13,50 € . Ecrivain(s): Bertrand Santini Edition: Grasset

 

L’étrange réveillon est un album pour la jeunesse qui se situe à l’intersection exacte de deux cours d’eau magnifiques, d’une précise tempétuosité : celui de Tim Burton (oh vous qui êtes séduit par le gothique, ne changez pas de route, cet album est fait pour vous) et celui d’Edward Gorey, moins connu mais non moins intense, d’une intensité qui conjugue l’inoubliable.

Cette filiation profonde tient en premier lieu aux dessins, qui nous surprennent dans leur hiératisme presque, dans la façon qu’ils ont de conjuguer l’épure, sachant également, à chaque fois que cela est nécessaire, se perdre presque en une profusion de détails qui nous enchantent, notre attention devenant soudain cette main tendue qui cherche à attraper le plus infime trait et à lui donner une signification. Si le noir, filiation oblige, trône, le dessinateur en joue comme en jouait Manet, c’est-à-dire comme s’il s’agissait d’une véritable couleur. Et se sert des autres couleurs présentes dans l’album pour exaucer celle-ci, précisément l’exaucer, la rendant à son trouble originel. À son trouble sans fin. Afin que ce noir nous apparaisse comme le noir de l’inconscient. Afin qu’il nous happe et nous entraîne en son fond, où l’on débusque une histoire rimée, qui achève de tisser, au moyen d’une ferveur et d’une délicatesse, la filiation avec Burton et Gorey.

De l'érotisme, Robert Desnos

Ecrit par Ivanne Rialland , le Mardi, 16 Avril 2013. , dans Recensions, Les Livres, Essais, La Une Livres, Poésie, Gallimard

De l’érotisme, et Voici l’amour du fin fond des ténèbres, Annie Le Brun, février 2013, 116 p. 6,90 € . Ecrivain(s): Robert Desnos Edition: Gallimard

Gallimard propose sous la couverture de la collection « L’imaginaire » la réunion d’un texte de Desnos paru dans le recueil Nouvelles Hébrides et autres textes (1922-1933) édité chez Gallimard par Marie-Claire Dumas (dont les notes sont reprises ici), et de l’article publié par Annie Le Brun en 2011 dans le n°3 de la revue L’Étoile de mer (nouvelle série), cahiers de l’Association des Amis de Robert Desnos.

Le texte de Desnos, écrit à la demande du mécène Jacques Doucet en 1923, constitue une brève histoire de la littérature érotique de l’Antiquité à Guillaume Apollinaire. Cette histoire est partielle, et forcément partiale, puisque, comme l’explique Desnos dans un chapitre préliminaire, « l’érotique est une science individuelle ». La place laissée à Sade n’est cependant guère contestable, et Desnos bâtit entièrement son texte autour de son œuvre. Elle est en effet à ses yeux un ferment essentiel de l’esprit moderne, et cela bien au-delà du seul érotisme. Desnos distingue ensuite l’œuvre de Sacher-Masoch, le masochisme étant « la seule forme d’amour qui se soit développée depuis Sade ». S’il salue chez Apollinaire « le rôle essentiellement moderne du fouet », le lecteur ne peut s’empêcher d’évoquer la grande scène de flagellation du pensionnat d’Humming-Bird, dans La liberté ou l’amour !qui cristallise soudainement un fantasme érotique que Desnos place au cœur des « mystérieuses arcanes de [s]on érotique imagination » (La liberté ou l’amour, ch. X « Le pensionnat d’Humming-Bird Garden »).

Guérillères ordinaires, poèmes dramatiques

Ecrit par Marie du Crest , le Mardi, 16 Avril 2013. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Théâtre, Espaces 34

Guerillères ordinaires, poèmes dramatiques, 2013, 75 pages, 12,80 € . Ecrivain(s): Magali Mougel Edition: Espaces 34

 

Les guérillères ordinaires ou les trois guerrières tragiques


Les éditions espaces 34 ont réuni trois poèmes dramatiques de Magali Mougel : Les guerrillères ordinaires forment une trilogie fondée sur le destin de trois femmes dont nous entendons le monologue. Elles ont face à elles trois figures masculines qui leur font violence, Georg, le mari, Egon Framm le patron et enfin le père chasseur dans le dernier texte. Elles choisissent toutes les trois la violence de la mort pour se libérer. La mère à l’existence rangée dans le quartier français de Séoul ; Lilith est une mère infanticide : ses « deux petits princes » reposent dans des tiroirs du congélateur familial. Son histoire rappelle à grands traits l’affaire Véronique Courjault qui avait bouleversé l’opinion publique en 2009. Sa sœur de souffrance, Léda Burdy, pour garder son emploi d’hôtesse d’accueil, détruit son corps pour porter du 34 répondant aux exigences de son patron, Egon, Zeus ordinaire et implacable. Enfin la jeune lesbienne trahit son amie que les chasseurs tueront comme du gibier. Elles portent la mort, comme des combattantes des guerres dans la folie des jungles.

Superman est arabe, Joumana Haddad

Ecrit par Cathy Garcia , le Samedi, 13 Avril 2013. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Roman, Moyen Orient, Sindbad, Actes Sud

Superman est arabe, traduit de l’anglais par Anne-Laure Tissut, février 2013, 232 pages, 20 € . Ecrivain(s): Joumana Haddad Edition: Sindbad, Actes Sud

 

Joumana Haddad, dans la continuité de J’ai tué Shérazade, nous donne à lire un pamphlet aussi réfléchi que passionné, bouillonnant, à la fois très personnel dans la forme : truffé de citations qui soulignent les propos, elle alterne faits, pensées, coups de gueule, récit, poésie, témoignages – et d’une nécessité universelle vitale dans le fond.

Ce livre sous-titré « De Dieu, du mariage, des machos et autres désastreuses inventions » est une attaque en règle contre le système patriarcal qui sévit dans le monde arabe mais pas seulement, loin de là. Un système qui s’enracine ici dans les trois religions monothéistes, avec tout ce qui en dérive : machisme, discrimination, violence, assassinat, privation de liberté et qui, si les femmes en sont les victimes directes, n’épargne pas non plus les hommes, qui se doivent d’adopter certains comportements, qui ne font que camoufler en vérité un profond malaise, des peurs et un sentiment d’insécurité non affrontés de face et qui surtout les empêchent d’accéder à la totalité de leur être et donc à leur propre liberté.