D’une Australie blanche, conquise sur les populations aborigènes en 1788 – qu’une odieuse fête de commémoration, deux siècles plus tard, rappela en grandes pompes –, il reste pour les Aborigènes quelques réserves, des missions, des lieux de misère pour tout dire, où, parqués, ils peuvent à loisir crever de faim, de saleté, d’injustice, de haine quotidienne à leur égard. Le poète Kevin Gilbert (1933-1993) chante tout cela dans des poèmes âpres, non vindicatifs, mais emplis d’une énergie qui vise à condamner l’état de fait et à espérer – oser espérer – un changement.
Le peuple noir, voulu par les colonisateurs, déchu, infirme et inférieur, a vécu, recourant à ses propres légendes, pour supporter le réel infligé.
Notre seul combat
Est de survivre
Nos tambours de guerre sont les fracas de la mort
Et le cri de douleur des mères (p.203).