Après le feu, un murmure doux et léger, Evie Wylde
Après le feu, un murmure doux et léger, traduit de l’anglais (Australie) en 2013 par Mireille Vignol, mai 2013, 380 pages, 23 €
Ecrivain(s): Evie Wylde Edition: Actes Sud
Le titre l’annonce et il n’y a pas de tromperie sur la marchandise : c’est un mélo. Tous les ingrédients y sont ou presque.
Ingrédient n°1 : un personnage avec un passé chargé.
Il est ainsi question d’un certain Frank qui, après une dispute, une de trop, avec Lucy, quitte Canberra pour s’installer sur la côte nord-est australienne. Mais que s’est-il vraiment passé entre eux ?
Ingrédient n°2 : Franck est sujet à des troubles du comportement. C’est beaucoup mieux quand le héros a des failles.
« Il referma le frigo, reprit sa liste et, juste pour se rappeler quel connard fini il était, il se poignarda violemment la paume avec le stylo qui se brisa dans le creux de sa main baignée de violet ».
Ingrédient n°3 : un décor pittoresque.
Frank va s’installer dans une cabane au milieu de la nature. Lui le citadin (re)découvre des bruits étranges la nuit, des araignées et plein de petites bêtes exotiques pour nous autres européens, aux noms étranges. Mais c’est juste pour planter le décor. Finalement, les seuls animaux auxquels il s’intéressera vraiment seront des poules. Rajoutez-y un voisin sympa, mais quand même un peu bizarre.
Ingrédient n°4 : le poids du passé et de l’héritage.
La cabane de Frank est celle où se sont autrefois réfugiés son père et son grand-père. Parallèlement à la vie de Frank, on suit celle de Leon, son grand-père. Ses parents tenaient une boulangerie à Sydney et se sont échappés un beau matin pour s’installer dans la cabane septentrionale. Lui a continué à faire tourner l’affaire tout seul comme un grand, alors qu’il n’était qu’adolescent…
Ingrédient n°5 : la petite histoire dans la grande Histoire.
Leon, le grand-père, va faire la guerre du Vietnam. Il va en sortir transformé. Evidemment.
Ingrédient n°6 : le mystère.
Juste avant l’arrivée de Frank, une fillette a mystérieusement disparu. Mais qu’a-t-il bien pu lui arriver ? Le nouveau venu n’est-il pas justement un coupable en puissance pour les autochtones ?
Les ingrédients sont là, mais, sans être immangeable, la mayonnaise a un goût un peu fade.
La maladie de Frank s’annonce comme une perspective intéressante. Voilà un homme qui tout à coup perd ses nerfs et se mutile. Ça lui arrive une fois ou deux et ensuite, c’est tout, comme si l’auteur avait oublié cette donnée en cours de route.
La partie consacrée au Vietnam n’a pas grand intérêt. Elle occupe une partie non négligeable de l’ouvrage, mais on a malheureusement l’impression d’avoir déjà tant et tant lu de pages sur le sujet. Et de bien meilleures. Ce n’est pas mauvais en soi, mais une question se pose : pourquoi s’acharner sur tant de pages à faire moins bien que ce qui a déjà été fait ? Il manque un angle original. Ainsi, on suit une petite troupe. On sait qu’ils vont tous mourir les uns après les autres. Sauf le héros. Et on sait qu’à son retour, le héros sera mal dans sa peau et complètement déphasé, et en plus rejeté par la société qui avec les vétérans, vous savez… (Sur le sujet, on ne saurait trop conseiller à l’auteur l’excellentYellow Birds de Kevin Powers, récemment sorti dans la collection La Cosmopolite de Stock).
Le livre n’est pas désagréable. Mais tout au long, on a quand même tendance à se demander où l’auteur cherche à nous emmener. Evie Wyld pose quelques situations. Il y a des mystères à éclaircir. Pourquoi Frank a-t-il fui ? Que s’est-il passé ? La résolution tombe un peu à l’eau. Ce qu’on en comprend (si l’on a bien compris), c’est que Frank aurait tapé sa femme parce que son grand-père a fait la guerre et a tué des hommes ? Si c’est la morale du livre, elle est quelque peu discutable.
Yann Suty
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