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Les Livres

Lune de loups (Luna de Lobos, 1985), Julio Llamazares (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 08 Novembre 2023. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Espagne, En Vitrine, Verdier, Cette semaine

Lune de loups (Luna de Lobos, 1985), Julio Llamazares, Editions Verdier Poche, 2009, trad. espagnol, Raphaël Carrasco, Claire Decaëns, 187 pages, 10,20 € Edition: Verdier

 

Après La Pluie jaune (La Lluvia Amarilla), Llamazares continue ses sombres chemins montagneux dans cette novella aux accents obsédants de la peur et de la mort. Lune des Loups (Luna de Lobos) raconte la fuite effarée, dans les forêts du León, de quelques combattants républicains après la Guerre Civile et la victoire des fascistes de Franco. Les héros de ce roman sont les combattants dérisoires d’une guerre déjà perdue. Les résistants de ce maquis montagnard ne résistent plus à personne ni à rien si ce n’est à l’imminence de la mort promise, incarnée par les gardes civils qui les traquent inlassablement. Chaque sente est un piège potentiel, chaque hameau traversé un guet-apens possible. La peur est collée aux pas des hommes, elle suinte de leur corps, de leur esprit, de leur âme. Toute personne rencontrée est une dénonciation virtuelle, une trahison à venir.

La Bièvre, Joris-Karl Huysmans (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Mercredi, 08 Novembre 2023. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

La Bièvre, Joris-Karl Huysmans, éditions le Réalgar, janvier 2023, 30 pages, 5 € . Ecrivain(s): Joris-Karl Huysmans

 

« (…) seule, piétinant dans sa boue, hébétée de fatigue ».

 

En une trentaine de pages, Huysmans, avec La Bièvre, invite le lecteur à une promenade à la fois précise et songeuse. Géniale intuition, la défunte rivière parisienne, déjà canalisée et en partie recouverte en 1890, est personnifiée dès les premières lignes. La figure de la « fillette à peine pubère », « née près des saules », fuyant sa campagne, « spoliée de ses vêtements d’herbes », « cernée par d’âpres négociants qui l’emprisonnent à tour de rôle », permet ainsi à l’auteur d’esquisser, par le biais d’une analogie entre exploitation industrielle et servitude féminine, une poétique de la perte de l’innocence, de la corruption, du déclassement.

Mes anticorps, Jean-Pierre Otte (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 08 Novembre 2023. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Poésie

Mes anticorps, Jean-Pierre Otte, éditions Le Temps qu’il fait, octobre 2023, avant-propos de Manuel Schmitz, 168 pages, 20 €

La fortune sourit aux audacieux, et le hasard aux curieux. Audacieux, Otte l’est naturellement. « L’âme serait-elle le bénéfice immatériel de l’audace ? », demande-t-il benoîtement, et c’est oui pour lui : ses excès de confiance réussis sont son capital spirituel. L’audace part vérifier dangereusement ce qu’elle a pensé possible, et cet auteur est cela même : avide de dangers, osant avancer, et ne décidant du bien et du mal qu’à l’intérieur du courage, jamais avant.

« Curieux », le mot est faible. Jean-Pierre Otte pousse (explicitement) plus loin le fameux mot de Pasteur (« Le hasard favorise les esprits préparés ») en un : prépare-toi, et le hasard te voudra du bien. Ne savoir que ce qu’on ne veut pas ne requiert aucune curiosité, mais « savoir inventer ce qu’on veut » (p.66), si : c’est un virtuose, non seulement de l’art de deviner les arcanes, mais de celui de renaître. Il semble y avoir de l’arrogance à estimer que « celui qui n’est pas en train de naître est occupé à mourir » (p.66), mais l’esprit humain ne choisit pas de devoir assumer tous les mystères, puisqu’il est le premier d’entre eux. L’activisme spirituel nous est un devoir, car il y a « nécessité pour nous de prendre présence dans le présent » (p.127), nécessité vitale, invitation indéclinable.

La Morale anarchiste, suivi de L’Esprit de révolte, Pierre Kropotkine (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 07 Novembre 2023. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Russie, Petite bibliothèque Payot

La Morale anarchiste, suivi de L’Esprit de révolte, Pierre Kropotkine, Payot & Rivages, octobre 2022, 112 pages, 5 € Edition: Petite bibliothèque Payot

 

L’origine de l’anarchie se perd dans la nuit des temps. Nul ne sait qui fut le premier anarchiste et nous pouvons supposer que les cyniques de l’ancienne Grèce ne furent pas les précurseurs du mouvement. Derrière Diogène, resté célèbre pour ses excentricités et ses provocations, se dissimule toute une école, dont l’existence se prolongea sur un millénaire. Mais l’anarchisme des cyniques grecs fut avant tout un individualisme, revendiqué par certains personnages hauts en couleurs, et non un mouvement visant à modifier en profondeur la société au sein de laquelle ils vivaient, à bouleverser les rapports sociaux. L’anarchisme moderne apparaît dans le sillage des idées neuves (ou donnant l’apparence de la nouveauté) énoncées à la Renaissance, puis reprises et développées par le Siècle des Lumières et la Révolution française. Aristocrate, géographe, explorateur, Pierre Kropotkine (1842-1921) en fut un des théoriciens. Il fit partie de ces Russes qui, rompant avec l’isolement séculaire de leur nation, multiplièrent les voyages et les contacts avec l’Europe de l’Ouest.

La Contrée obscure, David Vann (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Mardi, 07 Novembre 2023. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, USA, Roman, Gallmeister

La Contrée obscure, David Vann, éd. Gallmeister, août 2023, trad. américain, Laura Derajinski, 506 pages, 26 € . Ecrivain(s): David Vann Edition: Gallmeister

 

Hernando de Soto, né en 1496 ou 1497 en Estrémadure, à Barcarrota ou à Jerez de los Caballeros, en Espagne, et mort le 21 mai 1542 dans l’actuel Arkansas, est un conquistador et explorateur espagnol. Arrivé dans la baie de Tampa en 1539, il erre pendant trois ans entre la Floride et le Mississippi. Il meurt près du fleuve américain, sans avoir découvert les immenses richesses dont il rêvait.

Ce formidable roman de David Vann, exubérant produit du jaillissement bouillonnant d’une imagination intarissable, est le récit, donc fictionnel bien que fondé sur des détails historiquement réels dont la précision témoigne de recherches approfondies de la part de l’auteur, de la lamentable odyssée de de Soto dans les immensités, la plupart du temps marécageuses, de ces terres alors inconnues des Européens, que l’explorateur appelle la « Florida » et sur lesquelles il proclame sa souveraineté, en arguant d’une capitulación royale, dès qu’il en aborde le littoral.