Identification

Les Livres

Délivrances, Toni Morrison

Ecrit par Victoire NGuyen , le Vendredi, 28 Août 2015. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Christian Bourgois, La rentrée littéraire

Délivrances, août 2015, trad. de l’Américain par Christine Laferrière, 197 pages, 18 € . Ecrivain(s): Toni Morrison Edition: Christian Bourgois

 

Briser les chaînes

Si le lecteur se penche sur le titre, il peut y voir certains indices qui guideront sa lecture car les thématiques chères à l’auteure sont inscrites en filigrane dans ce simple mot à onze caractères : Délivrances. Si son sens premier se rapporte à la dernière phase de l’enfantement, il a aussi une signification figurée qui vient appuyer l’idée de rendre la liberté à un sujet ou à un état opprimé. Il est aussi synonyme de libération mais à un niveau individuel. L’individu est délivré de sa souffrance ou/et de son aliénation. C’est ce sens figuré qui, niché, dans chaque mot donne au roman Délivrances une dimension psychologique. Mais de quoi s’agit-il ?

Bride, la fille de Sweetness a réussi sa vie. Cadre dans une firme cosmétique, elle roule en Jaguar. Elle fait pâlir d’envie ceux qui l’entourent par son port altier et ses habits blancs qui accentuent les contrastes de sa peau d’ébène. Cependant, un mal la ronge. Elle ne se remet pas de sa rupture amoureuse, d’autant plus qu’une faute du passé la rattrape et la laisse dans un état de culpabilité qui la pousse à tomber dans un traquenard dont elle sort défigurée… Au fil des pages, le lecteur entend aussi la voix de la mère et perçoit mieux la profonde détresse de Bride sous sa rutilante réussite…

François Mitterrand, Michel Winock

Ecrit par Vincent Robin , le Vendredi, 28 Août 2015. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Biographie, Gallimard, Histoire

François Mitterrand, mars 2015, 430 pages, 25 € . Ecrivain(s): Michel Winock Edition: Gallimard

 

« Elu, je changerai le cours des choses et donc la vie des hommes de mon temps » (La Paille et le Grain). Durant la longue période qui devança son accession à la présidence de la République, François Mitterrand présentait ainsi, avec conviction, son projet politique à ses compatriotes. Vingt ans après sa mort et surtout suite à ses deux septennats passés à la tête de l’Etat, examiner avec le recul nécessaire (avec du temps laissé au temps) le style autant que les marques imprimées sur le pays par cet indétournable conquérant du pouvoir sera cette fois devenu une affaire d’analyste. Après certains chroniqueurs qui n’auront pas attendu ce délai probatoire mais en proposant à son tour et à contretemps une biographie du président socialiste soutenue par une documentation étoffée, l’historien Michel Winock se plie aujourd’hui à l’exercice. La vie des hommes soudain transformée par le changement du cours des choses ? Au crédit du IVe président de la Ve République et aux yeux du présent examinateur s’impose d’abord un aspect unique et performant de tribunat. Viennent ensuite sa responsabilité dans des mesures sociales tranchantes, son implication dans un projet européen ambitieux ou encore, comme signe temporel plus intime, sa dédicace de monuments au patrimoine national.

La vie conjugale, David Vogel

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 27 Août 2015. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue allemande, Bassin méditerranéen, Roman, L'Olivier (Seuil)

La vie conjugale, mai 2015, trad. de l’hébreu par Michel Eckhardt Elial, 458 pages, 15,90 € . Ecrivain(s): David Vogel Edition: L'Olivier (Seuil)

 

Toute la puissance – impressionnante – de ce roman est dans la véritable oppression que subit son principal personnage. Une oppression qui, parce qu’elle est volontaire et choisie, se déploie narrativement comme un cauchemar.

Gurdweil est un petit Juif viennois, sans envergure, sans importance, sans ambition. Il a quelques amis, dont la très jolie Lotte, qui de toute évidence et on ne sait trop pourquoi, l’aime secrètement. Un jour, dans un des cafés de la Vienne flamboyante des années vingt, Gurdweil aperçoit une dame non moins flamboyante, une femme qui d’emblée provoque chez lui un trouble immense.

« Il se sentit soudain pris d’une indéfinissable sensation de malaise, comme à l’annonce d’un malheur proche ».

Cette étrange sensation née lors de la rencontre avec la femme qui sera sa femme, sonne comme un sombre avertissement de ce que sera cette relation faite de haine pure. La Baronne Thea von Takow – c’est ainsi que se présente la dame – sera le bourreau quotidien – cruel jusqu’au pur sadisme – du malheureux Gurdweil, écrasé par une passion masochiste qui le dépasse.

Les chemins de retour, Alfons Cervera

Ecrit par Marc Ossorguine , le Jeudi, 27 Août 2015. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Espagne, La Contre Allée

Les chemins de retour (Los caminos de vuelta), juin 2015, traduit de l’espagnol par Georges Tyras, 96 pages, 8,50 € . Ecrivain(s): Alfons Cervera Edition: La Contre Allée

 

Dans ce court livre, l’auteur de ce qu’on a désigné en Espagne comme les romans de la mémoire – cinq romans ouvrant les portes de la mémoire des vaincus oubliés du franquisme (La Couleur du crépuscule, Maquis, La Nuit immobile, L’Ombre du ciel et Cet hiver-là, dont seuls les deux premiers sont à ce jour disponibles en France) – revisite son travail, retissant les liens entre réalité et fiction, entre mémoire et littérature, entre témoins et œuvre littéraire.

Un texte un peu paradoxal qui peut sembler aussi un drôle de pari éditorial, l’œuvre d’Alfons Cervera n’étant pas encore complètement traduite et le livre en question n’étant pas à ce jour publié dans sa langue d’origine. Cela pourrait du coup sembler ne s’adresser qu’aux « afficionados » (mais le mot résonne bizarrement concernant cette œuvre unique, exigeante dans sa simplicité et sa poésie), aux connaisseurs qui ont lu les éditions françaises, voire plus en se plongeant dans le texte original. Complété par des photos qui n’ont rien de spectaculaire, qui sont comme le quotidien dont on parle peu, comme la mémoire que l’on oublie et que l’auteur traque de livre en livre, ces chemins reviennent sur l’œuvre autant que sur les pas de l’écrivain.

Corps désirable, Hubert Haddad

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Mercredi, 26 Août 2015. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La rentrée littéraire, Zulma

Corps désirable, août 2015, 176 pages, 16,50 € . Ecrivain(s): Hubert Haddad Edition: Zulma

 

On sait aujourd’hui greffer chez les humains de nombreux organes internes avec un taux de réussite élevé. Récemment est venue s’ajouter à la liste, une greffe totale du visage. En dehors de cette dernière et de celle de la main, aucune des précédentes n’impactait l’apparence physique du greffé. Plus récemment encore, le neurochirurgien Sergio Canavero a présenté dans un congrès de chirurgie américaine son projet de greffe de la tête comme réalisable techniquement dès 2016, sous réserve de lever les fonds nécessaires. « Une folie qui permettrait aux tétraplégiques de marcher, dit-il, et aux cerveaux les plus brillants de ne jamais disparaître… ». Le rêve d’éternité sous-tendu par ces propos excluant que le cerveau lui-même puisse dégénérer et rendre caduque la tentation de recourir à ce type d’intervention. Une annonce qui déclencha le scepticisme et le questionnement éthique, bien au-delà du seul corps médical.

Hubert Haddad a fait sienne cette idée pour littérairement devancer le neurochirurgien Turinois et se livrer à l’exploration intime des conséquences d’une telle opération sur son héros, Cédric Allyn-Weberson.