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La Une Livres

La première chose qu’on regarde, Grégoire Delacourt

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 17 Mai 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Jean-Claude Lattès

La première chose qu'on regarde, mars 2013, 264 pages, 17 € . Ecrivain(s): Grégoire Delacourt Edition: Jean-Claude Lattès

 

« Arthur Dreyfuss aimait les gros seins ». C’est par cette phrase déclarative et définitive que commence le roman, présentation on ne peut plus directe du personnage principal et du trait essentiel de son caractère.

Son attirance, depuis toujours, pour cette partie de l’anatomie féminine, « la première chose qu’on regarde », n’empêche pas Arthur de mener une scolarité normale, et de devenir bon mécanicien chez le garagiste Payen, après une enfance marquée par de terribles épreuves : la mort de sa sœur Noiya dévorée par le chien du voisin, l’absence de son père parti quelque temps après dans la forêt pour n’en plus jamais revenir, et la dégénérescence éthylique de sa mère jamais remise de la mort atroce de Noiya et de la disparition consécutive de son mari.

« Arthur Dreyfuss aimait les gros seins ».

Stefan Zweig en La Pléiade Gallimard

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 16 Mai 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Langue allemande, Roman, Nouvelles, Récits, La Pléiade Gallimard

Stefan Zweig, Romans, nouvelles et récits. Avril 2013. 2 tomes. Prix de lancement 116 € (130 € après le 31 août 2013) . Ecrivain(s): Stefan Zweig Edition: La Pléiade Gallimard

 

L’arrivée en La Pléiade d’une œuvre est en soi, toujours, un événement. Pour le lecteur français, francophone, c’est une sorte de consécration éditoriale suprême d’un auteur et de ses œuvres. La publication de Stefan Zweig constitue donc un événement, et à plus d’un titre. Toute l’œuvre est là, bien sûr, mais aussi et surtout, dans son cas, la dernière demeure en fin de compte de celui qui n’en avait plus vraiment depuis l’exil et qui, en choisissant la disparition physique, disait au monde que son œuvre était son dernier refuge. Ecoutons à ce propos Jean-Pierre Lefebvre dans sa superbe préface :

« Il n’avait pas déserté le monde, (…) Il avait seulement fait « sécession », lui aussi. Non pas dans la rumeur dorée d’une architecture nouvelle fortement imprégnée de ses héritages, ni dans un repli religieux, mais dans le jardin d’un monde de demain, pour mettre un terme à la fuite infinie, et se replier avec armes et bagages dans la seule vie de ce qu’il avait écrit. »

Le dossier secret de l'affaire Dreyfus, Pierre Gervais, Pauline Peretz, Pierre Stutin

Ecrit par Vincent Robin , le Jeudi, 16 Mai 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Livres décortiqués, Essais, Alma Editeur

Le dossier secret de l’affaire Dreyfus, 2012, 348 pages, 22 € . Ecrivain(s): Pierre Gervais, Pauline Peretz, Pierre Stutin Edition: Alma Editeur

 

Au travers des sorties de livres d’enquêtes historiques surgissent souvent des œuvres plutôt discrètes, qui méritent cependant de se voir élogieusement saluées. Une belle association d’auteurs, celle de Pierre Gervais, Pauline Peretz et Pierre Stutin fournira ici l’occasion d’un assez exemplaire cas d’espèce. Vif, précis, efficace et pertinent, leur commun Dossier secret de l’Affaire Dreyfus inspirera sans guère de doute au lecteur un rapide et passionnant intérêt. Peu dire serait alors que, sous ce titre, leur travail embrassât l’un des plus délicats sujets. S’immiscer à nouveau dans un épisode historique expurgé de ses zones d’ombres majeures (comme on aurait pu le croire) aurait en effet exigé de quiconque un apport suffisamment novateur.

Après les travaux monumentaux dédiés au « cas Dreyfus » par Marcel Thomas en 1961, Jean-Denis Bredin en 1981 ou encore Vincent Duclert en 2006 (ne parlons pas de Reinach pour 1901), fallait-il de la sorte aux co-auteurs de cette entreprise ne point se risquer aux faux-pas de la redite ou même du plagiat. Que restait-il alors à dire sur cette chronique militaro-judiciaire, ayant autrefois déchaîné la passion politico-médiatique, qui ne fût déjà précisé par une séculaire et exhaustive collecte d’informations ?

Mourir tendre, Guy Régis Jr

Ecrit par Marie du Crest , le Jeudi, 16 Mai 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Livres décortiqués, Théâtre, Les solitaires intempestifs

Mourir tendre, 2013, 96 pages, 13 € . Ecrivain(s): Guy Régis Jr Edition: Les solitaires intempestifs

 

 

« Le théâtre est mon rêve d’homme »

 

Le titre d’une œuvre est comme une clef d’or qui nous ouvre les portes d’un lieu mystérieux. Guy Régis Jr plus que tout autre auteur nous invite à une lecture où l’incertitude syntaxique dit déjà le monde autrement. Il ne s’agit pas d’exotisme haïtien, créole, mais d’une vision poétique nouvelle. Mourir va généralement avec jeune, vieux ; mourir ici s’associe à un mot doux. Nous le comprendrons totalement à la fin du texte (p.90) quand l’un d’entre eux dira « je voudrais mourir tendre » comme un oiseau. Tendre de mourir en plein vol. Et d’ajouter « De mourir de la vie ».

Tout le texte de la pièce tendra vers ce point de délivrance, vers son mot ultime « finissement ».

Les étrangers, Sándor Márai

Ecrit par Martine L. Petauton , le Mercredi, 15 Mai 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Pays de l'Est, Roman, Albin Michel

Les étrangers, traduit du Hongrois par Catherine Fay, octobre 2012, 445 pages, 22 € . Ecrivain(s): Sandor Marai Edition: Albin Michel

 

Livre complètement à part, que ce Sandor Marai, publié en 1930. Superbe écriture classique, qui vaudrait modèle pour tellement d’écrivains actuels se pensant aboutis ; modernité totale de la syntaxe, du phrasé, de l’organisation du récit, de son parti pris, aussi, et, pour tout dire, du sujet.

Filiation, certes, dans les pas de Stafan Zweig – cela a été dit, ça et là – mais, aussi, en fond d’écran, passe L’idiot, et cette Suite française d’Irène Némirovsky, qui offre à l’identique une facture parfaitement classique et une étonnante modernité.

L’histoire tient dans le petit sac que l’étranger porte sur le dos, dans son errance française : Hongrois – milieu aisé, intellectuel (le père vit au bord des vignes, en peaufinant un ouvrage d’Histoire, jamais fini, au titre impossible). Lettré et diplômé lui-même, nanti de bonnes études en Allemagne. Il prend le train pour Paris – c’est le début du livre –, et le dernier chapitre le trouve en gare, avec, à la main, un billet retour pour Budapest. Entre les deux, la France de l’entre-deux guerres ; les pérégrinations de ce Hongrois, jeune, dont on ne sait même pas le nom ; ses ressentis, ses rares rencontres.