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La Une Livres

Hieronymus, moi, Jérôme Bosch, Frédéric Grolleau

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Lundi, 14 Novembre 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Arts

Hieronymus, moi, Jérôme Bosch, Les Editions du Littéraire, Bibliothèque de Babel, novembre 2016, 292 pages, 23,50 € . Ecrivain(s): Frédéric Grolleau

 

500 ans après sa mort et à son « corps » défendant, Jérôme Bosch sacrifie pour notre plaisir et notre connaissance à l’autofiction. Frédéric Grolleau le fait parler en un journal intime enrichi de différents documents. Apparaissent les Riches Heures d’un peintre majeur pour lequel l’occultisme devint le ferment d’une esthétique où sont repoussées les dimensions « classiques » du bien et du mal, de la beauté et de la laideur, du multiple et de l’un.

Au service de son sujet, Grolleau va plus loin philosophiquement et littérairement que dans ses biopics de Nicolas Rey et de Tintin en ce qui tient d’une anaphore. Elle ouvre le monde loin de ses attendus en vue d’atteindre une infinitude que peu de peintres ont su toucher d’aussi près. Existe dans l’œuvre de Bosch beaucoup d’atmosphère, beaucoup de souffle souterrain, de « mêmeté » et de beauté moniste. Mais perdurent autant d’altérité et de beauté et laideur convulsives.

Un gâchis, Emmanuel Darley

Ecrit par Marie du Crest , le Lundi, 14 Novembre 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Verdier

Un gâchis, 96 pages, 10,14 € . Ecrivain(s): Emmanuel Darley Edition: Verdier

 

« L’homme-enfant »

Emmanuel Darley écrira quatre romans. Un gâchis est le deuxième et constitue comme un diptyque avec son premier texte, Des petits garçons (1993) édité chez P.O.L. Diptyque de la voix intérieure, de l’enfermement. Ses deux derniers textes eux seront ouverture sur le monde, sur l’humanité en guerre et en exil.

Le mot « gâchis » résonne ici comme une sorte de commentaire sur le roman à lire. Parmi ses sens, il faut retenir celui d’histoire embrouillée. Le court roman d’Emmanuel Darley se donne en effet comme un jeu entre l’auteur et son lecteur. La lecture avance comme le personnage qui parle. Ce narrateur est moins d’ailleurs un personnage qu’une voix. Il a oublié son prénom (p.10) ; il n’a pas d’âge. Il évolue dans une campagne abstraite même si quelques toponymies nous ramènent dans le département de l’Aube. Un monde de paysans pauvres sans réels repères chronologiques. Il ne fait que dire mais dans une sorte de silence, celui d’un monologue intérieur ou d’un soliloque de fou. En outre, la famille, autour du père André, les frères, la mère, sont tous des taiseux (p.9).

Tashuur, Un anneau de poussière, Pascal Commère

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Lundi, 14 Novembre 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie, Obsidiane

Tashuur, Un anneau de poussière, 108 pages, 14 € . Ecrivain(s): Pascal Commère Edition: Obsidiane

 

La ronde des cavaliers tourne dans cette écriture de Tashuur Un anneau de poussière. L’écriture au galop, perche / stylo en main, sur la terre du paysage mongol soulève du sol, en les faisant tourner sur des kilomètres, des corolles détachées des chardons secs ; l’écriture nous emporte dans la figure récurrente du cercle, de la spirale ; un souffle court tout au long du livre, ce vent sournois tournoyant en permanence au ras des steppes de Mongolie.

 

Galope ton cheval coursier du monde la jeep

t’emporte, ton sac d’épaule jeté par-dessus le hayon. Qu’importe

le vieillissement des lunes, l’eau surie. La peau

du monde trésaillé, langue blanchie jusqu’à l’os

Le Commis, Bernard Malamud (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 10 Novembre 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, USA, Roman, Rivages

Le Commis (The Assistant, 1957), octobre 2016, trad. américain J. Robert Vidal, 300 pages, 21 € . Ecrivain(s): Bernard Malamud Edition: Rivages

 

Avec L’Homme de Kiev, mais aussi avec Le Meilleur, on avait compris que Bernard Malamud compose des univers et des trajectoires surdéterminés. La psychologie de ses personnages, leur volonté, leurs forces ou leurs faiblesses, comptent peu face à la puissance des situations et des événements. Les « héros » de Malamud subissent leur vie, ils ne la font pas. En cela, ils s’inscrivent dans une tradition juive séculaire des contes et légendes des villages juifs d’Europe centrale, dans lesquels le malheur souvent, le bonheur rarement, s’abat sur les gens, comme une fatalité, comme un destin écrit d’avance, ou bien comme un hasard.

Le Commis est un roman extraordinaire. Dans une unité de lieu quasi parfaite – la petite épicerie d’un Juif pauvre, Morris Bober, et ses environs immédiats – Malamud déploie un récit au souffle universel. Il sculpte au burin des figures éternelles, comme les ombres d’un destin funeste : Le Juif maudit condamné à la malchance et la pauvreté (« On ne peut pas s’appeler Morris Bober et être riche. Un nom pareil est inconciliable avec la notion de propriété : comme si c’était dans votre sang et votre histoire de n’avoir rien »), le marginal, Frank Alpine, perdu en quête de morale et de dignité, la jeune fille vieillissante, Hélène Bober, soumise au poids de la Loi Divine et parentale, l’épouse juive, Ida Bober, dépressive et paranoïaque.

Parce que les choses peuvent être différentes…, Manuela Carmena

Ecrit par Marc Ossorguine , le Jeudi, 10 Novembre 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Espagne, Editions Indigène

Parce que les choses peuvent être différentes… (Por qué las cosas pueden ser diferentes), septembre 2016, trad. espagnol Delphine Vinck, 160 p. 14 € . Ecrivain(s): Manuela Carmena Edition: Editions Indigène

 

Il y a quelques mois, en mai 2015, pour être précis, Manuela Carmena enlevait la mairie de Madrid tenue par le Partido Popular depuis 1991, portée par une liste d’ouverture de gauche, Ahora Madrid, proche de Podemos. Une élection qui, concomitante de celle d’Ada Calau à la mairie de Barcelone, semblait marquer l’espoir d’une autre politique dans une Espagne épuisée par la crise, les scandales et la corruption de nombre de politiques. De cet engagement, de cette façon de penser et faire de la politique, ce court livre témoigne avec une sincérité, une énergie et une conviction stimulantes, voire communicatives, qui font du bien.

Juge qui a été amenée à occuper les plus hautes fonctions au sein de la justice espagnole, Manuela Carmena revendique d’abord la nécessité de la compétence lorsque l’on prétend gérer les affaires publiques et non l’attachement idéologique, ou plutôt partisan, l’appartenance et la fidélité à un appareil, voire à ses seuls dirigeants. L’entretien des amitiés (même intéressées) pouvant devenir la seule vraie compétence des candidat-e-s ainsi désigné-e-s.