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La Une Livres

Une mer d’huile, Pascal Morin

Ecrit par Martine L. Petauton , le Lundi, 04 Septembre 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, La rentrée littéraire, La Brune (Le Rouergue)

Une mer d’huile, août 2017, 127 pages, 13,80 € . Ecrivain(s): Pascal Morin Edition: La Brune (Le Rouergue)

 

On hésite : « Décaméron » façon Pasolini (1971) posé un été de littérature ? Renaissance des sons si particuliers à la grande Sagan sur les routes sinueuses suspendues au-dessus de la Méditerranée ? Un peu de tout ça ou autre chose ? Assurément, on va dire les deux, et c’est là que réside le climat – tous sens du mot – le rythme et l’étrange et prenant charme de ce livre.

Les images du Décaméron de Pasolini, irriguant de sa lumière trouble et dérangeante l’Italie desséchée, nous accompagnent de bout en bout et Pascal Morin le sait, l’utilise habilement, comme en montré-caché. Mais c’est en moins vénéneux, presque en miroir adouci, en moins violemment solaire. Il y a de ça, en autre chose. Mantra du regard du lecteur sur le livre. Et ce mezzo voce, tant dans les personnages que dans les situations, est sans doute plus efficace, plus terrible aussi, car il entre en chacun de nous, en nos itinéraires, nos souvenirs, nos rêves, de façon plus profonde que par le fracas de Pasolini.

Encore vivant, Pierre Souchon

Ecrit par Martine L. Petauton , le Vendredi, 01 Septembre 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Récits, La rentrée littéraire, La Brune (Le Rouergue)

Encore vivant, août 2017, 248 pages, 19, 80 € . Ecrivain(s): Pierre Souchon Edition: La Brune (Le Rouergue)

 

Sempervirens, encore vivant, dit le latin, pour ce plus que curieux arbuste – un chêne vert – poussant comme épiphyte sur le tronc du séquoia, au milieu de la garrigue. Bizarre, comme tout l’est dans ce livre-récit, car Pierre, celui qui parle, l’est. Tenace, pour autant comme l’arbrisseau, comme Pierre.

Il est reconnu – étiqueté – « Bipolaire type 1 ; diagnostic tardif après cinq ans d’alternance de phases dépressives, libres, hypomaniaques ». Ses crises maniaques s’entrecroisent – on n’oserait dire, s’enrichissent de délires paranoïaques :

« Je suis en enfer, et les autres peuvent revenir… j’ai besoin de protection ; pas loin, il y a la statue de Jean Jaurès… je mange mon buis, perché sur ma statue… on est le 7 Janvier à Montpellier… avec Jaurès on se bidonne ; on les a bien eus. Ils repartent ».

Des hospitalisations en HP, comme d’autres iraient au marché, pile régulières, à chaque négligence du traitement de cheval – un rituel parmi d’autres. Il est jeune, celui qui nous parle ; avenir prometteur dans le journalisme ; vient d’épouser, lui, le péri communiste, une fille de la haute du faubourg Saint Germain, « au digestif, mon beau-père s’est déclaré déçu par Sarkozy ».

Comprendre l’inclusion scolaire, Julien Fumey, Annick Ventoso-y-Font

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 01 Septembre 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais

Comprendre l’inclusion scolaire, Julien Fumey, Annick Ventoso-y-Font, Canopé éditions, coll. Éclairer, 2016, 128 pages, 9,90 €

 

Ouvrage essentiel, pour tout enseignant. Et, par voie de conséquence, pour tout parent attentif à l’enseignement au sein duquel se meut son enfant.

Ouvrage indispensable. Car ouvrage prenant en compte, de lumineuse manière (avec une clarté qui laisse à l’intelligence toute sa place), la question – peut-être – centrale de tout enseignement, à savoir celle de l’inclusion.

Un enseignant ne peut que donner corps, à sa manière, à une pratique de la pédagogie différenciée, « [l]’approche par compétences inclu[ant] nécessairement la différenciation pédagogique » [1] ; « [c]haque enfant arrive différent : il porte avec lui ses besoins, ses soucis, ses préoccupations. Comment tenir compte de cette diversité et mener quand même toute la classe vers des savoirs partagés ? » [2].

Anthologie bilingue de la poésie créole haïtienne de 1986 à nos jours

Ecrit par Marc Ossorguine , le Vendredi, 01 Septembre 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie, Actes Sud

Anthologie bilingue de la poésie créole haïtienne de 1986 à nos jours, édition établie par Chalmers, Chantal Kénol, Jean-Laurent Lhéris, 192 pages, 22 € Edition: Actes Sud

 

Haïti terre francophone ? Pour les élites peut-être. Sûrement même. Mais Haïti terre créole. D’abord, sans doute. La langue d’un pays ne saurait être seulement celle de son colonisateur, de quelque langue qu’il fût. Cette anthologie bilingue est donc double découverte pour nous, lecteurs francophones ignorants de la créativité créole : celle d’un langage et celle d’une langue.

Langage de la poésie qui résiste à toutes les catastrophes, à toutes les ignominies, qui sait gronder, rire, bercer, pleurer, aimer, admirer, accuser et plus encore. Sans doute pourrait-on dire cela de beaucoup de poésie, de beaucoup de poètes. Oui, sans doute, sauf qu’ici il semble que chacun soit poète en cette île étonnante. Le poète et romancier Makenzy Orcel nous le confirmait lors d’une rencontre, en Haïti, tout le monde peut écrire de la poésie, et la publier, généralement de qualité. Tout le monde ne fera pas carrière dans le monde des lettres, mais chacune, chacun peut s’y essayer. En créole ou en français.

Vera, Karl Geary

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 31 Août 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, USA, Iles britanniques, Roman, La rentrée littéraire, Rivages

Vera (Montpelier Parade), 30 août 2017, trad. anglais (Irlande/USA) Céline Leroy, 254 pages, 21,50 € . Ecrivain(s): Karl Geary Edition: Rivages

 

Un livre débordant d’amour, délicat, touchant sans une once de pathos, est un objet rare en littérature. C’est avec un talent exceptionnel et un humanisme sans fond que Karl Geary vient occuper cet espace avec ce roman superbe qui laisse le cœur du lecteur tourneboulé.

Sonny est un jeune garçon né dans une famille très pauvre de Dublin. Il va au lycée et donne des coups de main dans une boucherie le soir et le samedi, ou à son père, maçon, à l’occasion. Geary nous emmène, avec force et conviction, dans un univers à la Ken Loach. La brutalité fruste des relations familiales, les difficultés de la vie, n’empêchent pas un amour profond pour la mère, distante mais aimante, pour le père surtout, géant taiseux qui ne peut cacher, malgré sa pudeur, son affection paternelle. On est là au cœur de ce roman : ce n’est pas l’amour qui manque mais le pouvoir, le courage, l’envie de le dire, de le mettre en mots, de l’annoncer à l’autre. L’amitié de Sonny avec Sharon, petite jeune fille délurée, solitaire, écorchée vive, est le sommet de cette impossibilité de dire l’amour, comme s’il s’agissait d’une faute inexpiable que d’aimer.