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Le goût sucré des pommes sauvages, Wallace Stegner (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian , le Lundi, 30 Septembre 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, USA, Nouvelles, Gallmeister

Le goût sucré des pommes sauvages, août 2019, trad. américain, Éric Chédaille, 251 pages, 8,90 € . Ecrivain(s): Wallace Stegner Edition: Gallmeister

Les Editions Gallmeister publient à nouveau ces cinq nouvelles du chantre de la nature nord-américaine, Wallace Stegner. Elles furent à l’origine publiées de 1948 à 1959. C’est donc là une occasion de (re)découvrir cet auteur dont l’amour de la nature et des hommes ne se dément pas tout au long de ces pages. Si la chronologie est respectée dans ce recueil, chronologie des dates de publication d’origine s’entend, l’auteur lui-même précise que les nouvelles ne sont en rien la trace d’une progression, d’un cheminement, mais plutôt la preuve des différents intérêts qui ont jalonné sa vie.

L’amour de la nature tout d’abord. Le titre du recueil, qui est aussi celui de la première nouvelle, illustre le souci de l’auteur d’être au plus près d’un environnement dont l’importance se révèle par touches successives qu’il dissémine dans ses textes. On assiste ainsi comme à l’élaboration d’un tableau, les contours d’abord indistincts, posés comme négligemment sur la toile, se précisent au fur et à mesure de juxtapositions où chaque élément va renforcer la présence des autres. La linéarité, quasi absente des textes, sauf pour le dernier, aide à cette importance accordée au contexte qui devient le sujet, la nature comme élément central.

Les indices de l’oubli, Arnaud Genon (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Lundi, 30 Septembre 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Récits

Les indices de l’oubli, Editions de la Reine Blanche, août 2019, 112 pages, 12 € . Ecrivain(s): Arnaud Genon

 

On est probablement plus qu’un lecteur lorsqu’on se plonge dans Les indices de l’oubli d’Arnaud Genon. Comme Effie, sa fille de huit ans, on l’accompagne d’un bout à l’autre dans sa découverte ou sa redécouverte des photos de famille qu’il a placées, il y a longtemps, dans une pochette bleue. Et il faut dire qu’Arnaud Genon sait nous prendre par la main. A contre-courant d’une époque de plus en plus gagnée par l’accélération, nous sommes amenés à parcourir, presque une à une et quasi chronologiquement, les photographies qui constituent le passé de l’auteur – un passé parfois oublié à jamais, parfois retrouvé partiellement ou, de manière plus rare, complètement. Ce récit, dont les phrases descriptives tentent de saisir le réel dans son objectivité, a d’abord l’essence d’un texte technique, tel le photographe s’appliquant à une mise au point. Or, bien vite, ce travail de reconquête de son histoire ouvre des réflexions et des questions qui dépassent l’image elle-même, et c’est finalement bel et bien sur la mémoire, ses fluctuations, ses coffres-forts fermés à double tour ou ses armoires grand ouvertes sur le temps, que porte l’ouvrage. Ainsi rencontre-t-on au détour d’une pensée sur les contradictions du geste photographique : « l’expérience photographique se transforme immanquablement en une épreuve métaphysique » [p.102]. Aucune narration, aucune élaboration fictionnelle ne découlera pour autant de ces observations, comme le souligne Marta Caraion, la préfacière.

Asta, Jon Kalman Stefansson (par Catherine Blanche)

Ecrit par Catherine Blanche , le Vendredi, 27 Septembre 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Pays nordiques, Roman, Folio (Gallimard)

Asta, traduit de l'islandais par Eric Boury, 2019, 480 p. 8,40 € . Ecrivain(s): Jon Kalman Stefansson Edition: Folio (Gallimard)

 

En bon Islandais, Stefánsson m’a prise dans ses filets, et je ne sais pas bien pourquoi !

Parce qu’il y a toujours dans ses livres des âmes assoiffées de livres, de poèmes, de musique avec des paysages qui sont comme des symphonies ?

Parce qu’il cherche avant tout à forcer le regard vers l’envers de ce qui est donné à voir ?

Les deux certainement !

Ainsi, après Entre ciel et terre (ma première approche de l’écrivain), j’aborde Ásta avec gourmandise.

Le Kurde qui regardait passer les nuages, Fawaz Hussain (par Robert Sctrick)

Ecrit par Robert Sctrick , le Vendredi, 27 Septembre 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman

Le Kurde qui regardait passer les nuages, éditions Zinédi, septembre 2019, 118 pages, 12,90 € . Ecrivain(s): Fawaz Hussain

 

Il est des vies qu’on raconte un peu comme si l’on disait, à chaque image qu’on montre : « Attention, documentaire ! Ne pas s’émouvoir outre mesure ». Cela suppose, certes, une certaine maîtrise de ce que nous appellerions la matière narrative, qui tient l’émotion en lisière et la réserve plutôt à la poésie. La poésie, comme dirait un élève de collège un peu informé, comme ils le sont tous aujourd’hui – ils ont tout vu –, c’est quand on parle de soi. Ou alors de Dieu, sans le savoir, mais pas du monde.

Depuis Tristan et Iseut jusqu’aux Yeux d’Elsa, c’est ainsi. Et savez-vous pourquoi ? Peut-être parce que nous sommes habités par l’Ennui, cette allégorie majuscule qui charge l’œil « d’un pleur involontaire ». Peu s’en faut que Fawaz Hussain, qui se met sous le signe de l’étranger, nous interpelle d’un « Hypocrite lecteur – mon semblable – mon frère ! », ce vrai frontispice des Fleurs du mal. Bien sûr que dans ce monde mondialisé, dans cette vie dévitalisée, sauf pour ceux qui la dévitalisent davantage, c’est le haut qui console. Hamlet aussi regardait les nuages, sinon que lui servait à prendre au piège l’inanité, l’insanité, de l’autre – pour échapper à la sienne ?

Comme Dieu le veut, Niccolò Ammaniti (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 26 Septembre 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Le Livre de Poche, Italie

Comme Dieu le veut (Come Dio comanda, 2006), trad. italien Myriem Bouzaher, 531 pages, 8,30 € . Ecrivain(s): Niccolò Ammaniti Edition: Le Livre de Poche

 

C’est un roman noir. Très noir. Encore un dit-on ? Non UN roman noir, unique en son genre, par sa puissance lyrique, son style qui hache menu, ses personnages époustouflants, improbables, inoubliables. Ammaniti situe son drame dans une banlieue perdue de Turin, peuplée de ces êtres paumés qu’on peut trouver dans les banlieues perdues. Perdus à ce point rarement sans doute. Rino Zena et son jeune fils Cristiano, Quattro Formaggi (qui doit son surnom à sa passion pour les pizzas), Danilo et leurs satellites sont des marginaux d’une extrême pauvreté, qui vivent dans des lieux improbables, la tête bourrée de délires invraisemblables, petits délinquants à la petite semaine. Ce sont surtout des personnages au bord de l’idiotie maladive, dans la grande tradition littéraire des paumés de Steinbeck ou de McLiam Wilson.

Le « chef », c’est Rino Zena. Il est « nazi », affiche des drapeaux frappés de la croix gammée dans son taudis. En fait, c’est lui qui est frappé. Atteint de délires paranoïaques et mégalomaniaques. Le malheureux gamin qui lui sert de fils – le seul personnage à peu près normal de l’histoire – doit subir ce père, qu’il aime profondément. Curieux et impossible chemin initiatique que les pas de ce père.