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La Une Livres

Empire des chimères, Antoine Chainas (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Jeudi, 09 Janvier 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Polars, Folio (Gallimard)

Empire des chimères, septembre 2019, 740 pages, 10,20 € . Ecrivain(s): Antoine Chainas Edition: Folio (Gallimard)

 

Au tournant des années 1983 et 1984, alors que l’on commence au cours du premier gouvernement Mitterrand à parler de rigueur budgétaire, et que l’on découvre à Lépanges-sur-Vologne le corps du petit Grégory, à Lensil, autre village de la France profonde, on constate, après une partie de cache-cache, la disparition de la petite Edith. « Décidément – aurait pu dire un célèbre présentateur du journal télévisé de l’époque – la France va mal ! ». À Lensil, alors que le prix du terrain chute, que l’on voit apparaître ici et là d’inquiétantes plaques de moisissures, tous les habitants sont mobilisés, en vain, pour rechercher la disparue.

Pendant ce temps-là, aux États-Unis, une importante société, LIM, qui n’est pas sans rappeler Disney, même si toute ressemblance avec des personnes existantes ou inexistantes ne serait que purement fortuite et involontaire, rêve d’installer en France (par défaut en Espagne) un parc à thème basé sur un jeu de rôle à succès : l’Empire des chimères.

Sus la Talvera, En Marge, Carles Diaz (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 08 Janvier 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie

Sus la Talvera, En Marge, Carles Diaz, Editions Abordo, juillet 2019, Préface, trad. occitan Joan-Pèire Tardiu, 64 pages, 14 €

 

« Je suis sur le papier un croquis. La paille en désordre qui flambe. Le foin que les fermiers ont brûlé. La cendre dispersée qui retient la Hauteur captive. Cette bordure des champs qu’on ne cultive pas et qui en Occitanie s’appelle : la talvera ».

« Soi sul papièr un escapol. La palha escampilhada que flamba. Lo fen que los bordiers l’an cremat. Lo cendre espargit que reten la Nautor captiva. Aquel bòrd de las pèças que se laura pas e que’n Païs d’Òc se ditz : la talvera ».

La poésie, cet éclat musical est une affaire de langue. Ici elles sont deux, la langue d’Oc et la langue de France. Deux langues qui s’accordent, et se répondent, l’une enfante l’autre, l’autre fait entendre la première, « Une langue unique ne suffit jamais pour habiter le monde… ». Carles Diaz en possède au moins deux, celle de son origine, l’espagnol du Chili, « j’ai traversé le mutisme des Andes », et celle de son adoption littéraire et géographique, le français.

La rive s’éloigne..., Eliane Vernay (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mercredi, 08 Janvier 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie

La rive s’éloigne..., Eliane Vernay, éd. La tête à l’envers, décembre 2019, 104 pages, encres de Liliane-Eve Brendel, 18 €

 

La poésie peut-elle absoudre la mort, la vaincre ? Peut-elle nous réconcilier avec l’absence, l’ombre, le vide, l’incompréhensible départ ? Les poèmes des cinq parties qui constituent ce livre de deuil ont pour vertu, quoique éclatés, épars, disloqués, en petites laisses de chagrin ou d’espérance, quoique disséminés sur les pages comme des versets en hommage à la douleur, de dire l’irréparable : « l’ombre de l’ombre », celle des tombes, des cimetières, des lieux de silence.

Eliane Vernay tutoie « la douleur », cherche à lui imposer silence, cerne « l’abîme » et « l’obscur » qui accompagnent tout départ.

Que d’ombres, que de silences, que de déroutes dans ces vers « au plus creux/ de l’obscur » !

La poète sait ajuster sa douleur, creuser une « ligne de vie » à côté de toutes les morts :

L’Affaire Du Collier, Evelyne Lever (par Vincent Robin)

Ecrit par Vincent Robin , le Mardi, 07 Janvier 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Fayard, Histoire

L’Affaire Du Collier, Evelyne Lever, Arthème Fayard Pluriel, 2004, 510 pages, 10 € Edition: Fayard

 

En évoquant intrigues et événements de cour dans la monarchie française finissante, ce récit procède à la reconstitution d’un puzzle historico-judiciaire dont, en dépit du recul éclairant fourni par des archives savamment conservées, l’assemblage n’aura jamais été finalisé. Au XVIIIe siècle, ainsi juste avant que n’éclate la Révolution française de 1789, explosait cette sulfureuse affaire dite « du collier ». L’évènement éclabousserait bientôt de façon retentissante ni plus ni moins que la tête de l’Etat avec l’implication de la reine Marie-Antoinette. Sur ce tableau marqué de prodigalités insensées, de mœurs aristocratiques oisives et dispendieuses, de justice absolutiste, serait également épinglée de façon cinglante et vengeresse l’image rocambolesque du grand aumônier de France, le cardinal de Rohan. D’autres rouages incarnés par de loufoques intrigants ou satellites de cour de piètre reconnaissance viendraient en outre articuler cette sorte de machination révélant la part belle faite à la cupidité et à la révérence malicieuse. Scandale soudain, où ce qui aurait probablement dû rester sous le boisseau s’exposa subitement au grand jour. Voyant la rejoindre de derniers prévenus couverts d’étiquettes et de disgrâce, la célèbre Bastille verrait en même temps l’investir ses tout derniers pans de lumière blafards et brisés.

La Grande Galerie des monstres, Aude Le Pichon (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Mardi, 07 Janvier 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Jeunesse, Seuil Jeunesse

La Grande Galerie des monstres, Aude Le Pichon, octobre 2019, 88 pages, 18 € Edition: Seuil Jeunesse

 

La chimère et l’enfant

Ce très bel album jeunesse de grand format, doté d’un titre intrigant, La Grande Galerie des monstres, et d’une couverture picturale, annonce une sorte de musée imaginaire de l’épouvante et du surnaturel. Trente-sept espèces de prodiges monstrueux sont répertoriées. L’enfant trouvera ainsi plusieurs catégories de créatures extraordinaires, réparties selon les continents, les croyances et les époques – de l’antiquité au monde contemporain –, issues de cultures diverses. Comme l’indiquent le sommaire et la typologie de fantaisie, ces monstres sont soit multiples, hybrides ou uniques. L’ouvrage s’ouvre sur la chimère, qui est sans doute l’archétype de l’animal fabuleux, ici une bête tricéphale, à la fois lion, chèvre et serpent, sculptée à Arezzo, 380-360 av. J.-C.

La visite de la grande galerie commence donc par cette rencontre et se termine par la représentation contemporaine d’une fresque murale urbaine. La chimère, qui est aussi une hallucination et une vanité, se trouve au cœur de l’admirable recueil de Baudelaire, Petits Poèmes en prose, Chacun sa chimère, qui débute ainsi :