La Panthère des neiges, Sylvain Tesson (par Philippe Leuckx)
La Panthère des neiges, octobre 2019, 176 pages, 18 €
Edition: Gallimard
Le dernier Prix Renaudot consacre l’auteur de vingt-huit livres depuis 1996. Déjà primé pour ses nouvelles, ses essais, le voici récompensé, non pour un roman mais pour un récit de voyage, parsemé de pensées, d’aphorismes (« voir les fauves cachés derrière les paravents banals », p.124), de références Tao.
Tesson, sous l’égide de son ami photographe animalier Monnier, flanqué de deux comparses, Marie et Léo, a pour dessein de voir dans le Tibet profond, entre Golmud et Lhassa, ces panthères si insaisissables.
Le petit groupe part ainsi, guettant, affûtant sa vue, à des hauteurs où le gel est un compagnon de route. On loge sous tente et les froids sont aigus. À plus de quatre mille mètres, yacks, vautours, loups, sont les seules surprises des attentes très longues à fixer les sommets, les autres versants.
« L’affût commande de tenir son âme en haleine » est le credo de ces voyageurs des « ineffables sommets et silences des neiges » (je synthétise une « approche »), en page 164.
Ils vont loin pour surprendre, par regards et photos interposés, ce qu’il reste du monde élémentaire, précieux et intouché d’avant.
En petits chapitres de quelques pages, l’auteur relate une expérience liée à la nature qu’il ressent comme un dernier domaine à préserver, loin, dans cet Himalaya du temps arrêté et des affûts (le mot est souvent répété) remarquables.
Mais peu de suspense, de longues relations d’expéditions (avec le froid, avec la frustration de n’avoir rien vu…), de longues descriptions des alentours, d’incessantes digressions empêchent le lecteur d’adhérer totalement à cette narration de « soi-à-l’affût-du-monde » (je résume) en dépit de belles pensées philosophiques. Mais trop de pensées tuent l’aventure « romanesque » et interrompent le flux du récit !
L’écriture, en petites phrases descriptives (qui n’évitent pas toujours la banalité, le ressassement), mêle, composite en diable, diverses sources : le récit pur, les explications naturalistes, les sensations scientifiques, l’expérience métaphysique, la relation de voyage, les réflexions modernistes, le poème, l’aphorisme oriental, les indications de guides pour touristes branchés, etc. Peut-être est-ce beaucoup pour un seul livre. Tesson n’est pas Théodore Monod.
L’épilogue se clôt sur ces phrases :
« Nous en avons fini avec la Terre.
L’univers allait à présent apprendre à connaître l’homme.
L’ombre gagnait.
Adieu panthères ! »
Philippe Leuckx
Sylvain Tesson, grand voyageur, nouvelliste, essayiste, a notamment publié Une vie à coucher dehors(2009), Dans les forêts de Sibérie (2012).
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