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La vie volatile, Jacques Demarcq (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mercredi, 21 Octobre 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie

La vie volatile, Jacques Demarcq, Editions Nous, août 2020, 397 pages, 30 €

 

Jacques Demarcq : filles et fils de l’air

Jacques Demarcq sait que chacun bat les cartes avec ses ombres et se perd dans son propre désert – il n’a même pas besoin de celui des autres. Bref, chacun va avec sa bougie. Flamme flotte avec un petit panache de fumée. Mais pour sa part il avance avec ses Zozios dont il donne une suite après son premier tome apocryphe (2008).

Son autre monde (mais il est aussi d’ici) est fait d’aventures avec les oiseaux et autres animaux. Il passe désormais par des voyages aux Amériques, en Afrique et Asie et se complète par un tour du monde des arts traditionnels et modernes de tous les continents.

Se crée un body building animalier, un bestiaire immense, et c’est une manière de nous réjouir de tout ce qui nous dépasse par ce qui nous fait chavirer et envoyer en l’air. C’est une manière aussi de persévérer la sérénité, en se déplaçant du nid glacé des hommes pour le remplacer par ceux – plus chauds – des animaux et des arts en suivant notre poétique « professeur » d’art et de sciences naturelles. Pour lui, « Les oiseaux sont une chance à saisir, à l’égal de l’amour ».

Ragtime, E.L. Doctorow (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 20 Octobre 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, USA, Roman, Pavillons (Poche)

Ragtime (1975), trad. américain, Janine Hérisson, 399 pages, 8,90 € . Ecrivain(s): Edgar Laurence Doctorow Edition: Pavillons (Poche)

 

Doit-on vraiment continuer à chercher le « roman américain » ? Ce fameux roman qui serait pétri de l’Amérique même, son histoire, sa folie, sa grandeur, sa violence ? La lecture de Ragtime est assurément l’occasion de se poser la question tant on a l’impression de le tenir dans les mains. L’épopée américaine du premier XXème siècle – celle de l’époque dite « belle » – se fait roman sous la plume corrosive, ironique, puissante de Doctorow. Une épopée en noir et blanc bien sûr tant la présence des esclaves et descendants d’esclaves a scandé d’épisodes sanglants et effroyables l’Histoire des États-Unis. C’est avec une finesse aiguë que Doctorow a choisi son titre, Ragtime, musique noire qui, durant des décennies du XXème siècle, a fait danser les Blancs. C’est le roman entier qui est écrit à ce rythme effréné, syncopé, haletant : Changements de temps dans la scansion des phrases, passages d’un thème à l’autre, d’une histoire à l’autre, d’un personnage à l’autre.

2 romans de Kathya de Brinon aux éditions Maïa (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Mardi, 20 Octobre 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman

 

Des larmes dans les yeux et un monstre par la main, Kathya de Brinon, Éditions Maïa, 2018, 334 pages, 19 €

La femme aux cicatrices, Survivante de l’inceste, Kathya de Brinon, Éditions Maïa, 2019, 315 pages, 24 €

 

Deux livres pour pousser un cri, deux livres pour appeler au secours contre l’inceste et la pédocriminalité. Et un lourd réquisitoire prononcé par l’auteure qui témoigne de plus de 60 ans de souffrance après son viol par l’un de ses grands-pères à l’âge de 9 ans.

Kathya de Brinon a attendu longtemps mais sa parole n’en est que plus forte pour parler de son enfance définitivement gâchée et de sa vie d’adulte morcelée le 15 août 1948. Pour porter l’éclairage le plus juste sur les dégâts causés par ce traumatisme initial elle a pris son courage à deux mains et sa rage aidant a écrit sa biographie.

La naissance d’un père, Alexandre Lacroix (par Arnaud Genon)

Ecrit par Arnaud Genon , le Lundi, 19 Octobre 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Allary Editions

La naissance d’un père, Alexandre Lacroix, Allary Éditions, août 2020, 461 pages, 20,90 € Edition: Allary Editions

 

Le père, ce héraut…

La figure paternelle hante depuis son premier roman l’œuvre d’Alexandre Lacroix. Premières volontés (Grasset, 1998) commençait par l’image du corps du père du narrateur, pendant au bout d’une corde, et contenait l’histoire d’un pardon, celui d’un fils qui avait honte de l’avoir ainsi perdu, qui souffrait, dans une violence sans nom, de cet abandon. Dans la deuxième partie de L’Orfelin (Flammarion, 2010), le narrateur revenait à La Villedieu, la ville natale, pour faire l’inventaire, vingt ans après sa mort, des dix-sept cartons qu’avait laissés ce même père. Ce roman se clôturait par l’évocation de sa propre paternité. L’enfant était à son tour devenu père. La boucle, disait-il, était bouclée…

Comment Alexandre Lacroix aurait-il pu cependant s’arrêter là ? La paternité n’est-elle pas un sujet en or d’autant plus précieux que rares sont les écrivains à l’avoir exploré ?

Être dans ce qui s’en va, Tarjei Vesaas (par André Sagne)

Ecrit par Luc-André Sagne , le Lundi, 19 Octobre 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Pays nordiques, Poésie

Être dans ce qui s’en va, Tarjei Vesaas, éditions Editinter / Rafael de Surtis, Coll. Pour une rivière de vitrail, 2006, trad. néo-norvégien, Eva Sauvegrain, Pierre Grouix, édition bilingue, 124 pages, 17 €

 

On pourrait être tenté de définir la poésie de Tarjei Vesaas par la négative en disant qu’elle n’est ni concrète ni métaphysique, ni réaliste ni métaphorique parce qu’au fond elle est un peu tout cela à la fois. Véritable aboutissement d’une œuvre littéraire conséquente qui rapproche son auteur de ses illustres compatriotes Henrik Ibsen ou Knut Hamsun, elle est, à la différence de ses romans et nouvelles, inédite en français. Poésie d’une rare intensité, traversée d’un fort sentiment de la Nature, de la vie, de l’amour et de la mort mais aussi d’un sens aigu des apparences et de leur jeu. Car, chez Tarjei Vesaas, le poème ne s’arrête pas à ce qu’il décrit ou même suggère, il va plus loin, il ouvre un autre horizon, il se diffracte. Il cherche à creuser sous la surface ou le vernis des images et des mots.

C’est ainsi que l’on pourrait qualifier cette poésie de poésie des profondeurs, tant le thème du souterrain, de ce qui est caché, des racines y est prégnant, tout ce travail invisible des « choses (qui) / se rencontrent en lutte dans les profondeurs ». Sonder « la profondeur du feu » alors que « calme est la surface » et que « l’obscurité vient d’en haut », voilà l’ambition suprême du poète, qui est non pas d’inverser, encore moins de détruire, mais de révéler.