Identification

La Une Livres

Une brûlante usure, Journal 2016-2017, Gérard Bocholier (par Luc-André Sagne)

Ecrit par Luc-André Sagne , le Lundi, 06 Mars 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Biographie

Une brûlante usure, Journal 2016-2017, Gérard Bocholier, éditions Le Silence qui roule, Coll. Les Cahiers du Silence, 2020, 152 pages, 15 € . Ecrivain(s): Gérard Bocholier

 

Auteur d’une œuvre conséquente, commencée au mitan des années 1970 et marquée de plusieurs prix et distinctions, Gérard Bocholier nous ouvre les portes de son atelier de création, là où il puise son inspiration et forge son écriture, au travers de deux années de son journal qu’il publie en 2020. Une occasion rare de pénétrer dans l’intimité du poète.

Tenir un journal pour lui, c’est d’abord, à la suite d’Antoine Emaz, écrire « un récit minimal, une autobiographie par défaut » mais c’est aussi « une autre forme de portrait ». Affaire de toute une vie (il n’a que 19 ans à peine quand il débute son premier journal), ce travail de diariste, par la force des choses, est un révélateur de soi pour les autres mais aussi pour soi-même. Ainsi, à un ami qui trouve ces pages tristes, Gérard Bocholier reconnaît « ce fonds très lourd et très opaque qui est le fondement de tout : une tristesse qui remonte à l’enfance, que rien n’a jamais pu chasser ».

Boire la lumière à la source, Parme Ceriset (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Lundi, 06 Mars 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Poésie, Editions du Cygne

Boire la lumière à la source, Parme Ceriset, Editions du Cygne, janvier 2023, 54 pages, 10 € . Ecrivain(s): Parme Ceriset Edition: Editions du Cygne

 

Un intense souffle poétique

Ouvrir un recueil de poésies, c’est découvrir un monde de mots marquants, choisis, riches de significations, c’est également entrer dans un univers de sonorités, d’images et de fantaisies évocatrices. On se souvient de la belle remarque de Paul Valery dans « Tel Quel » : « La poésie, cette hésitation prolongée entre le son et le sens ». Une langue qui se cherche, musicale et qui fait vibrer notre intellect, voilà une première approche de l’essence de la poésie qu’on pourrait retenir. Et, c’est ce que l’on ressent fortement en abordant l’ouvrage de Parme Ceriset, Boire la lumière à la source, publié aux Editions du Cygne. Et, on reste séduit par ce recueil où l’on perçoit un délicieux mais intense souffle poétique.

L’Usine à lapins (The Rabbit Factory, 2001), Larry Brown (par Sandrine-Jeanne Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Jeudi, 16 Février 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, USA, Roman, Gallmeister

L’Usine à lapins (The Rabbit Factory, 2001), Larry Brown, éditions Gallmeister, 2019, trad. américain, Pierre Furlan, 416 pages, 10,90 € Edition: Gallmeister

 

… prépare-toi. Tu en vas en prendre plein la figure. Tu vas comprendre ce que signifie une histoire et ne t’attends pas ici à ce que nous te la racontions.

Être dévoré par elle. Renversée par une voiture. De l’intérieur, exploser. Pour ne retenir qu’un seul mot, au féminin. Idiosyncrasie, issu du grec idiosugkrasia. Prononce-le à voix haute, nullement pour citer ton érudition, mais pour saisir son émanation. Son tempérament. Cette empreinte qui marque chaque être dans sa chair et qui le conduit à adopter un comportement particulier. Tu le jugeras pour cela. Son comportement. Quant à l’être, il sera menotté. Il sera trimbalé dans un coffre de voiture. Il se pissera dessus, violé ou bastonné, il sera émasculé. Découpé en morceaux entre deux destinations. Dans une forêt opaque. État du Tennessee.

O, l’œuf, Yves Namur (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 15 Février 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Poésie

O, l’œuf, Yves Namur, éditions La Lettre volée, Coll. Poiesis, janvier 2023, 143 pages, 20 €

 

Le zéro, l’eau, le murmure

Quelle difficulté pour un écrivain de resserrer son écriture sur un ou deux éléments forts ! Ici l’on se trouve dans la danse et dans la musique du poème en un pas répété sur une musique minimale. L’on pourrait tout d’abord rapprocher ce texte du Plat de poissons frits de Ponge, pour donner à ressentir le jeu et la complexité de l’épure. Mais je retiendrai surtout le côté volatil du corps dansé.

Quels sont ces éléments ? L’œuf et sa déconstruction, des fragments graphiques que Francis Édeline qualifie de Zone Image, et aussi les 3 ou 4 lettres dont l’une est double (un E dans l’O) de ce fameux œuf, plus dégustation que forme intrigante et parfaite. Puis l’impression maritime, aqueuse, le murmure de la mer, ostinato très léger et parfois confinant à l’humour. Enfin, une langue très simple voire elliptique et pauvre.

Adrienne Mesurat, Julien Green (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 14 Février 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Le Livre de Poche, En Vitrine

Adrienne Mesurat, Julien Green, 377 pages, 7,90 € Edition: Le Livre de Poche

 

Adrienne Mesurat, assurément, a sa place dans les grandes figures de la littérature française. Julien Green, à travers cette femme recluse dans sa vie autant que dans ses rêves, comme dans une âme hermétiquement close, nous offre un portrait unique d’obsessionnelle, vivant dans une famille d’obsessionnels. Dans sa préface, Julien Green souligne que son roman a été souvent accueilli, à son grand dam, par le signalement de son caractère freudien. Étonnamment, c’est plus encore son caractère anachroniquement « lacanien » qui va nous intéresser ici.

Adrienne Mesurat est un roman borroméen. Partant d’un trio de personnages liés étroitement les uns aux autres, Green va défaire le nœud qui les tient à la manière d’un nœud borroméen* – passion de Jacques Lacan – c’est-à-dire en défaisant un anneau du nœud qui libère du coup les deux autres. La métaphore du nœud borroméen est encore plus frappante quand on sait que, pour Lacan, les trois anneaux (ou maillons) du nœud symbolisent le Réel, le Symbolique et l’Imaginaire. Or il est entendu en psychanalyse que la folie tient à la confusion de ces trois ordres. Adrienne Mesurat, au long de ce roman, va peu à peu fusionner (« confusionner ») les trois, s’écartant tragiquement de leurs dimensions propres.