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La Une CED

Journal de lecture du Don Quichotte en la Pléiade (8) - Du simulacre à la fiction

Ecrit par Marc Ossorguine , le Samedi, 07 Mai 2016. , dans La Une CED, Les Chroniques, Chroniques régulières

Au moment où il écrit cette « page » de journal, le journalier voit s’approcher le jour de la Sant Jordi, la fête catalane qui est aussi fête mondiale du livre et encore plus, l’anniversaire de la disparition de notre auteur, père de Sancho et de son maître. Voilà quatre siècles qu’ils tracent leur chemin dans nos imaginaires littéraires, devenant plus réels que bien des personnages réels que nous croisons au quotidien. Sans éclats, sans violence, ils se sont installés en nous, toujours prêts à nous répondre ou à nous surprendre au milieu de notre quotidien, de nos conversations ou de nos rêveries. Il peut parfois nous arriver de les oublier, de les perdre de vue dans le brouhaha et la noise qui trop souvent nous submergent, mais ils sont toujours là, ombres ou silhouettes qui ont l’éternelle patience de nous attendre, acceptant nos errances et nos hésitations, sans rien nous reprocher…

De fait, d’autres ces derniers temps sont parvenus à parler plus fort et à s’imposer, à s’interposer, éloignant le lecteur trop compulsif de leur pas et de leurs aventures. Mais comme ils sont de ceux qui ne disparaissent pas, nous savons les retrouver à peu de chose près à l’endroit où nos chemins se sont pour un temps séparés. Alors nous hâtons le pas sur les sentiers d’encre et de papier, impatients de les retrouver, et accordant à nouveau notre souffle de lecteur au rythme de leurs paroles, de leur chevauchée et de leurs aventures.

De plus en plumes -6- Epilogue, par Joëlle Petillot

Ecrit par Joelle Petillot , le Samedi, 07 Mai 2016. , dans La Une CED, Ecriture, Nouvelles, Ecrits suivis

 

A ce rythme, elle allait sûrement mourir là, devant la porte de la chambre numéro vingt-quatre. Sa tarte aux mûres dans une main, son sac dans l'autre, impossible de frapper sans mettre au moins un des deux chargements en équilibre précaire.  Elle serait minable, elle le savait,  Mais soigner son entrée n'en était pas moins vital.

Le cœur battant au point que ses oreilles sifflaient, Lise poussa la porte entr'ouverte d'une épaule intimidée, s'attendant à en prendre plein la gueule.
Une femme plus jeune qu'elle amarrée à son fauteuil, Elodie l'accueillit d'un regard qui l'eût réduite en cendres, sans ce léger éclat, ce pétillement inconnu tempérant les rasoirs qui flottaient dans la pièce.
- Ah, dit sobrement Elodie, voilà la salope. Ton oiseau a pas crevé tout de suite, je vois ?
- Il... n'a pas vécu très longtemps, répondit Lise, stupide. Elle ajouta, plus pour ne pas tomber que par nécessité informative: "Il est mort dans la main de Tournemine, je veux dire, le menuisier..." 
Quand on marche sur des sables mous, on ne peut que s'enfoncer. Elle ajouta comme si cela relevait du secret-défense: "Il aime mes gâteaux".

La maison fendue (4), par Sandrine Ferron-Veillard

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Jeudi, 05 Mai 2016. , dans La Une CED, Ecriture, Nouvelles, Ecrits suivis

 

Melbourne celebrates Chinese New Year like no other with a city wide festival that spreads from the rivers and laneways to the outer limits.

Les Australiens disent à la télévision que c’est l’année du chat, les Chinois celle du mouton, tu as compris que les constellations n’ont ni la même taille ni le même nom. Demain il fera beau.

Ils rentrent demain. Les chartreux ont dû le sentir. Ils sont nerveux. Tu passes l’aspirateur, tu fais la poussière, tu refais les vitres, les caisses, tu lances deux ou trois lessives. Tu ranges. Tu laves aussi le linge tassé dans l’évier de la buanderie même si ce n’est pas le tien. Il pue. Tu t’es retenue d’explorer leurs deux armoires. L’odeur sans doute. Le désordre.

Tu sors, tu rachètes l’ensemble du contenu du réfrigérateur et des placards que tu as vidé. Deux cents dollars/cent-soixante euros. N’oublie pas de leur donner la carte Opal que tu n’as pas utilisée, t’es-tu d’ailleurs interrogée sur le choix d’un tel nom pour une carte, naturellement non. Les Australiens ont découvert sa formidable palette de couleurs dans les années soixante, tu avais vingt ans. Cette pierre est à elle seule un arc-en-ciel, elle en porte toutes les teintes. Les spectres.

Mummy is dead, par Murielle Compère-Demarcy

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mercredi, 04 Mai 2016. , dans La Une CED, Ecriture, Création poétique

 

novembre pressenti

de poix et de bitume

embaume ces lieux saints

recueillis

 

dans ces fleurs et ces gestes

presque automatiques

/ automatisés

aux effluves de cire

Assia Djebbar peut encore vivre si on le veut, par Kamel Daoud

Ecrit par Kamel Daoud , le Mardi, 03 Mai 2016. , dans La Une CED, Les Chroniques, Chroniques régulières

 

Chouyoukhs contre écrivains. Imams contre livres. Fatwas contre fictions. La fin du monde contre le monde. La mort contre le conte.

Le pays a choisi, un peu, parfois, souvent. D’un côté les écrivains, chassés parfois, morts tellement de fois, exilés, forcés, réduits ou transformés en caricatures d’eux-mêmes ; de l’autre la montée triomphante et dopée de ces armées de « Savants » qui tuent le monde par la langue, salissent la vie et transforment une religion en sexologie de malades.

D’un côté l’écriture qui cherche du sens sans tuer l’homme, restitue la dignité, l’énigme ou la gravité, de l’autre ceux qui veulent tuer la femme, la liberté, la promenade et le corps et le sens. Le pays, entre le gouffre et le roman, le rite et la rature, un livre et tous les autres livres. Question de fond : le pays a-t-il besoin de ses écrivains ? Presque pas.

A quoi sert un écrivain dans un pays où la fiction n’est pas tolérée ? Où la fiction est sommée ou soupçonnée ? Où l’imaginaire n’est pas un droit mais le diable ?