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L'Atelier Contemporain

Pas encore une image, Jean Daive (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Jeudi, 28 Novembre 2019. , dans L'Atelier Contemporain, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres

Pas encore une image, Jean Daive, novembre 2019, 304 pages, 29 € Edition: L'Atelier Contemporain

Si, et comme l’écrit Bataille, « L’œuvre est œuvre seulement quand elle devient l’intimité ouverte de quelqu’un qui écrit et de quelqu’un qui la lit », il arrive que les choses se « compliquent » dans la littérature et l’art contemporains. S’y déploie la contestation mutuelle du pouvoir de montrer et d’écrire. Et ce, depuis le départ d’une expérience qui chez Jean Daive est presque viscérale. Pour s’en convaincre – avant de revenir plus avant – il suffit de se reporter aux derniers mots du livre : « Pas encore une image présente un établi de calculs, de méthodes, de chaos progressant vers un état d’unité. Il y a croissance à l’envers parce que l’enfant marchera, parlera grâce aux nœuds de développement ». Surgit dans le livre le bilan de cette marche. L’enfant est devenu vieux. Mais qu’importe. Le corpus n’en est que plus puissant. Rassemblant des entretiens avec Toni Grand, Sophie Calle, les Klossowski, Jacqueline Risset, Daniel Buren, et bien d’autres, Jean Daive prouve comment – et en interactions et connivences – art et littérature ont ouvert leur champ selon divers « incestes ». Par le corps exhibé de la peinture, l’écriture trouve parfois une ouverture capitale. En retour, elle crée des seuils aux images. Si bien qu’à la fin du siècle dernier s’instaure l’apogée d’une communauté inavouable entre les deux.

L’Emerveillement, Pascal Dethurens (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Mardi, 15 Octobre 2019. , dans L'Atelier Contemporain, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Arts

L’Emerveillement, Pascal Dethurens, mai 2019, 288 pages, 25 € Edition: L'Atelier Contemporain

 

Le soleil éblouissant de l’œuvre d’art

Autant l’écrire tout de suite, l’ouvrage de Pascal Dethurens, L’émerveillement, est d’une richesse étonnante. Comme l’indique son sous-titre, De la présence dans la poésie et l’art modernes, il nous invite à nous interroger sur l’expression de la « présence » des choses, des êtres, de l’être dans l’œuvre d’art. Sujet à première vue déconcertant, et pourtant… Bien que l’auteur soit un universitaire qui manie le verbe avec rigueur, précision et emphase, son ouvrage intéressera quiconque aime l’art. Surtout ceux qui sont restés parfois de longs moments à contempler une œuvre d’art ou qui ont lu et relu un poème aimé, autant dire tout le monde.

L’ouvrage relève d’une sorte de Musée imaginaire au sens que Malraux a donné à cette expression. On voyage devant des œuvres, émasculées de leur enracinement historique, à la quête de cet élémentaire qu’elles disent toutes, la présence de l’être. Une quête qui selon l’auteur anime toute une partie de la création esthétique.

Pierre Bonnard, Au fil des jours, Agendas 1927-1946, Céline Chicha-Castex, Alain Lévêque, Véronique Serrano (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 24 Mai 2019. , dans L'Atelier Contemporain, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Arts

Pierre Bonnard, Au fil des jours, Agendas 1927-1946, Céline Chicha-Castex, Alain Lévêque, Véronique Serrano, avril 2019, 280 p. Edition: L'Atelier Contemporain

 

« Bonnard remplissait ses agendas comme des carnets de notes et de croquis, les ayant toujours à portée de main pour saisir un motif sur le vif, poursuivre une recherche graphique ou écrire une pensée, à côté d’annotations triviales de la vie de tous les jours », Céline Chicha-Castex, Les agendas de Bonnard.

« Le dessin c’est la sensation. La couleur, c’est le raisonnement », Pierre Bonnard, Observations sur la peinture.

Nous sommes en 1927, le 3 octobre, le peintre va avoir 60 ans, il a acheté Le Bosquet au Cannet, ce sera sa maison et c’est aujourd’hui son musée. Il peint, il dessine, et tient son agenda, on y lit : « beau temps doux très beau paysage bleu du port. Couleur – lumière – couleur – couleur ». Tout est là, toute peinture peut advenir : le ciel, le port, la lumière, les couleurs seront au rendez-vous, le peintre est doté d’une vue sur-aiguisée, il voit cette lumière, qui demain, loin du motif, sera sa lumière unique, ses lumières.

À ton tour, John et Yves Berger (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 25 Mars 2019. , dans L'Atelier Contemporain, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Arts

À ton tour, février 2019, trad. anglais Katya Berger Andreadakis, 104 pages, 20 € . Ecrivain(s): John et Yves Berger Edition: L'Atelier Contemporain

 

Le pouvoir de l’image

Correspondance originale du père et du fils, animée d’images : telles sont les lettres qu’accaparent des images, et soulignent le lien filial d’un père écrivain et d’un fils peintre. Car si la lecture d’une correspondance joue souvent, pour le liseur, sur la figure absente du destinataire, ici le vide est occupé par des illustrations venues de la grande peinture occidentale notamment. Ces vignettes ont ce pouvoir : manifester la présence. Elles sont ainsi supérieures au langage, dont le registre sourd facilite surtout la présentification de l’écrivain, de l’auteur. Cependant, ce ne sont pas des mots qui viendraient coudoyer, faire surgir les images, lesquelles au contraire serviraient à heurter l’écrit, à déformer suffisamment la forme écrite pour faire coexister un sentiment, et en ce cas la filiation paternelle, d’un lien filial entre un père et un fils, dont les références picturales sont des sortes de chevaux de Troie introduits dans chaque lettre, et qui ouvrent sur un champ qui dépasse manifestement la simple relation épistolière. Que l’on voie la Conversion de St-Paul du Caravage, ou les bouquets du Manet finissant, on ne quitte pas le propos fondamental : comment communiquent les images, et peuvent-elles soutenir l’expérience humaine d’une filiation réussie ?

Journal, 1908-1943, Käthe Kollwitz (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 19 Octobre 2018. , dans L'Atelier Contemporain, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue allemande, Arts

Journal, 1908-1943, mars 2018, trad. allemand Micheline Doizelet, Sylvie Doizelet, 312 pages, 25 € . Ecrivain(s): Käthe Kollwitz Edition: L'Atelier Contemporain

Née en 1867 à Königsberg (Kaliningrad, en 1946), Käthe Kollwitz mourut le 22 avril 1945. Ce gros volume, richement illustré, introduit par Sylvie Doizelet (pp.7-32), reprend le « journal » tenu par la graveuse et sculptrice durant 36 années.

De belles photos en noir blanc de l’artiste, de ses proches (Karl, son mari, ses fils Hans et Peter…), de ses ateliers, de ses œuvres ; des reproductions couleurs de ses crayons, encres, plumes, pastels, eaux fortes, lithographies, sculptures, occupent une quarantaine de pages (pp.33-80). La couverture (photo de K. Kollwitz dans son atelier, Berlin, 1936), l’autoportrait par Philipp Kester de 1906, en page de couverture 2, l’Autoportrait de face, lithographie de 1904, en 3ede couverture, nous insèrent dans l’univers des mains et du visage de l’artiste, à l’image d’une densité et d’une intensité sans pareilles.

Entrer dans ce journal, c’est vouloir comprendre « une vie » toute consacrée à la famille et à l’art, ce ne sont pas simplement des mots faciles, c’est l’essentiel de cette vie, puisque les tragédies familiales (la perte de son fils Peter, âgé de 18 ans, la première année de guerre, 1914), les aléas de la vie de tout artiste dans la quête du plus juste, du plus nu, du plus vrai vont s’imbriquer de telle manière qu’on ne peut s’attacher à les voir séparément. La vie artistique et la vie familiale sont liées inexorablement, intimement, résolument.