Sur le mode d’un journal de voyage, Gilles Kepel raconte ce qu’il observe de la continuité des révolutions arabes de 2011 à 2013 : il nous fait voyager de Dubaï à la Libye, en passant par Israël et la Palestine, l’Egypte, la Tunisie, Oman et le Yemen, le Qatar, Bahreïn, l’Arabie Saoudite, le Liban, Istanbul et Antioche. Partout il est reçu, ayant noué dans tous ces pays ou ces villes des relations stables et souvent amicales, avec des universitaires, des hommes politiques, des hommes d’affaires, des familles et de simples citoyens. Son analyse et son témoignage prennent toute leur force dans ces temps troublés, où les identités nationales et les affirmations religieuses sont mêlées et font acte de résistance, parfois jusqu’à l’extrême violence, jusqu’à la déraison.
Depuis l’immolation par le feu le 17 décembre 2010 à Sidi Bouzid, en Tunisie, de Tarek (dit Mohamed) Bouazizi, vendeur ambulant de fruits et de légumes, les révolutions arabes ont certes abattu quelques dictatures (régimes de Ben Ali en Tunisie, de Moubarak en Egypte, de Kadhafi en Libye), mais mis au pouvoir les intégrismes religieux, portés par une population pauvre et désenchantée, et renouvelé le pouvoir des organisations islamistes Al-Qaida et Daesh, incarnant les deuxième et troisième générations du terrorisme, la première étant issue de la lutte du GIA algérien dans les années 1980-90. Ces révolutions ont été portées par la puissante chaîne Aljazeera, qui s’est fait « l’impresario des Frères musulmans ».