Ces textes sont extraits du Mauvais démiurge (Gallimard, collection NRF Essais, 1969). Plongeons-y sans rien savoir de Cioran ou tout du moins en oubliant ce que l’on sait, afin d’entrer directement dans l’essence de ce qui est écrit.
Toutes les voies peuvent mener à la sagesse, y compris celles du désespoir et du pessimisme les plus noirs, bien qu’on ne puisse imaginer qu’elles aient été délibérément choisies. Cioran, en tout cas, y est naturellement enclin, et on lui doit, outre une intelligente réflexion poussée parfois jusqu’à son extrême, des éclairs de génie qu’il traduit en phrases lapidaires, d’une force percutante et d’un humour ironique sans doute salvateur.
« Dieu est le deuil de l’ironie. Il suffit pourtant qu’elle se ressaisisse, qu’elle reprenne le dessus, pour que nos relations avec lui se brouillent et s’interrompent ».
La frontière entre les deux étant mince, son ironie flirte souvent avec le cynisme, mais Cioran est doté d’un sens aigu de la critique dont il ne s’exclut pas et d’un besoin sans doute intense de sincérité avec lui-même.