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Critiques

Malraux & Picasso, une relation manquée, Raphaël Aubert

Ecrit par Frédéric Aribit , le Lundi, 09 Décembre 2013. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Biographie

Malraux & Picasso, une relation manquée, Infolio, Collection Archigraphy Poche, 2013, 9 € . Ecrivain(s): Raphaël Aubert

 

L’histoire des arts fourmille de « relations manquées », à l’instar de celle, plus générale, de tous les hommes qui se cherchent et ne se trouvent finalement pas quand tant d’étincelles auraient pu crépiter entre eux. Et l’on se demandera encore longtemps ce que certains auraient pu se dire s’ils avaient seulement pu ou su se parler. Celle que Raphaël Aubert radiographie n’est pas, parmi de nombreuses autres au XXe siècle, la moins intéressante en termes de ratage. Car il faut attendre la mort de Picasso pour que Malraux en vienne enfin à mesurer l’ampleur d’un peintre qu’il a à peine côtoyé et longtemps ignoré. Dès l’introduction de son livre, Raphaël Aubert énonce clairement ce qui fait obstacle entre eux deux : d’une part, sur le plan esthétique, le relatif « conservatisme » de Malraux qui délaisse des pans entiers de la modernité picturale et plastique au nom du seul Georges Braque ; d’autre part, sur le plan politique, une fois l’ennemi commun du nazisme abattu, l’aveuglement communiste de Picasso, qui achoppe sur l’orientation gaullienne de Malraux, farouchement opposé à Staline.

Histoire grecque, Claude Orrieux et Pauline Schmitt Pantel

Ecrit par Vincent Robin , le Samedi, 07 Décembre 2013. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Histoire

Histoire grecque, PUF, 2° édition Quadrige Manuels, juin 2013, 512 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): Claude Orrieux et Pauline Schmitt Pantel

 

 

A travers la seconde édition de leur travail consacré à l’une des civilisations majeures d’Occident (la précédente datait de 1995), le couple Orrieux-Schmitt Pantel propose un compte à rebours historique au pourtour de la mer Egée depuis la plus haute antiquité. Le déroulement abordé s’étire de –40.000 ans jusqu’au second siècle avant J.-C. « Histoire grecque » et non « Histoire de la Grèce », la distinction n’est pas anodine. Le présent traité ne se rapporte en effet nullement à la formation progressive d’un état dans la perspective de son affirmation autonome récente. L’inverse en serait même plutôt le principe, en considération de la multiplicité des territoires et sociétés concernés par un champ d’investigations aussi étendu et ramifié.

Au monde, Joël Pommerat

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Samedi, 07 Décembre 2013. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Théâtre, Actes Sud/Papiers

Au monde, Actes Sud Papiers, octobre 2013, 72 pages, 12 € . Ecrivain(s): Joël Pommerat Edition: Actes Sud/Papiers

 

Au monde est une pièce magnifique, récemment exaltée – et comme exhaussée ; exhaussée jusque dans son mystère ; jusque dans la partie tout à la fois la plus ombreuse et la plus musicale de son mystère – par le théâtre de l’Odéon (avec Saadia Bentaïeb, Agnès Berthon, Lionel Codino, Angelo Dello Spedale, Roland Monod, Ruth Olaizola, Marie Piemontese et David Sighicelli ; scénographie d’Éric Soyer et Marguerite Bordat ; costumes de Marguerite Bordat et Isabelle Deffin ; lumière d’Éric Soyer).

Cette pièce n’a pas pour vocation à être difficile. Elle peut – veut – toucher chacune, chacun. Mais, bien qu’elle soit d’un abord aisé, il y a plusieurs niveaux de lecture. Puisque l’intertextualité y est omniprésente. Celle-ci concerne le théâtre, majoritairement (sans surprise, dira-t-on), mais aussi le cinéma. Pour faire court, citons juste quelques noms : Maeterlinck (la « petite trilogie de la mort », et surtout, en son sein, Les Sept Princesses…), Shakespeare (surtout Le Roi Lear), Molière (L’École des femmes), Bergman (notamment Cris et chuchotements) et Lynch. Mais aussi Strindberg et Ibsen (pour l’atmosphère bourgeoise). Et Pinter (pour le ton particulier qu’ont les répliques courtes).

Driven, James Sallis

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 05 Décembre 2013. , dans Critiques, Les Livres, Polars, La Une Livres, USA, Roman, Rivages/noir

Driven. Rivages/noir. Trad. (USA) Hubert Tézenas. Septembre 2013. 175 p. 7,15 € . Ecrivain(s): James Sallis Edition: Rivages/noir

 

Le Pilote* n’est pas mort. Bonne nouvelle pour les lecteurs de Drive (et aussi pour les spectateurs du très beau film de Nicolas Winding-Refn). Il a refait sa vie à Phoenix, s’est marié, voudrait tant rentrer dans l’ombre, se faire oublier. Mais que serait la tragédie sans le destin inexorable ? Un piètre drame.

James Sallis nous ramène d’entrée à la fatalité. Elsa, l’épouse du pilote, est tuée à la première page. Et ses tueurs traquent le pilote tout au long de ce bref opus. Bref, mais comme toujours avec Sallis, infini. James Sallis ne connaît pas la finitude : il raconte des histoires intemporelles dans un style qui est l’épure même du genre. Il renoue avec la scène grecque antique en condensant dans ses récits les syntagmes de la condition humaine dans son versant le plus noir.

Aucun élément narratif n’est limité à son temps, toujours rattaché à l’éternité. Comme les tags par exemple !

«  … nous nous démenons tous pour laisser des traces derrière nous, des signes de notre présence ici, de notre passage. Et que les marques comme celle-là, ou les graffitis qui foisonnaient sur les murs, les immeubles et les ponts autoroutiers étaient des équivalents urbains des peintures rupestres. »

J’étais nu pour le premier baiser de ma mère, Tchicaya U Tam’si

Ecrit par Theo Ananissoh , le Jeudi, 05 Décembre 2013. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Afrique, Poésie, Gallimard

J’étais nu pour le premier baiser de ma mère, Édition présentée et préparée par Boniface Mongo-Mboussa, Gallimard, coll. Continents noirs, novembre 2013, 595 pages, 22 € . Ecrivain(s): Tchicaya U Tam’si Edition: Gallimard

 

On étouffe et sombre à moins ! Imaginez : une séparation d’avec la mère à l’âge de quatre ans (mère et fils ne se reverront que près de cinquante ans plus tard), un père député du Moyen-Congo à l’Assemblée nationale française aux côtés de… Léopold Senghor et Aimé Césaire, une entrée au collège à Orléans à un âge (14 ans) où les autres s’apprêtent à le quitter, une infirmité que trahit chaque pas qu’il fait (pied bot)…

A sa mort en avril 1988, en Normandie, Tchicaya U Tam’si laisse une œuvre considérable faite de romans, de nouvelles, de pièces de théâtre et surtout de poèmes dont la publication aujourd’hui en un volume par Gallimard Continents noirs ne pèse pas moins de cinq cents pages. Ce tome I des œuvres complètes est donc uniquement consacré à sa poésie. L’écrivain et historien des littératures francophones, Boniface Mongo-Mboussa, a déployé beaucoup de talent et de patience pour rassembler des écrits éditorialement dispersés au long de trois décennies. Il lui donne judicieusement un titre emprunté au poète lui-même et qui dit sans aucun doute la genèse de son œuvre.