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Critiques

Chrétiens d’Orient : 2000 ans d’histoire, Collectifs,‎ Raphaëlle Ziadé

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 13 Février 2018. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Gallimard, Arts

Chrétiens d’Orient : 2000 ans d’histoire, Collectifs,‎ octobre 2017, 208 pages, 29 € . Ecrivain(s): Raphaëlle Ziadé Edition: Gallimard

 

Le christianisme est si bel et bien associé à l’Europe qu’on a presque fini par perdre de vue qu’il s’agit d’une religion aux origines orientales. Qu’y a-t-il de particulier sur cette terre étroite, entre Méditerranée, Mer Rouge et désert, pour qu’elle ait donné naissance au judaïsme, à son éthique indépassable, ainsi qu’à ce qui en constitue à la fois l’hérésie majeure, la plus durable et le vecteur d’une diffusion universelle de cette éthique, le christianisme ? Ensuite et ailleurs apparut l’Islam qui, comme l’a montré de façon convaincante Daniel Sibony (Coran et Bible en questions et réponses, Odile Jacob, 2017), ne prétend pas seulement dépasser le judaïsme et le christianisme, les récapituler, mais surtout les annuler. Aussi déroutant que cela nous paraisse aujourd’hui, les Juifs et les Chrétiens étaient nombreux dans la péninsule arabique, lorsque s’éleva la prédication de Mahomet – cette présence explique les références coraniques à Abraham et Ismaël (mais pas à Ézéchiel, Jérémie ou Isaïe), à Jésus et à Marie. Les premiers Musulmans, comme du reste les Chrétiens d’Arabie à la même époque, priaient en direction de Jérusalem. De nos jours, hors de l’État d’Israël, la présence de Juifs et de Chrétiens au Proche et au Moyen-Orient ne tient plus à grand-chose. De nombreux Chrétiens libanais se sont expatriés, bouleversant le fragile équilibre confessionnel et communautaire du pays.

Juste après la vague, Sandrine Collette

, le Mardi, 13 Février 2018. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Denoël

Juste après la vague, janvier 2018, 302 pages, 19,90 € . Ecrivain(s): Sandrine Collette Edition: Denoël

 

Rien ne vient contredire davantage cette belle et bien souvent très juste citation d’Alberto Manguel : « La lecture est une tâche confortable, solitaire, lente et sensuelle… » (1), que ce nouveau roman de Sandrine Collette. C’est que Juste après la vague n’est vraiment pas un roman comme les autres. Les récits d’anticipation dystopiques ne manquent pas, mais celui-ci, si c’en est un, ne convoque pas les éléments traditionnels qui les caractérisent et les distancient confortablement de notre monde réel. On n’y trouve pas de message politique à valeur prophétique ni de mise en garde. Et si les ancrages géographiques et temporels s’affranchissent volontairement de toute réalité, les tsunamis, typhons et autres catastrophes naturelles de ces dernières années ne peuvent que venir à l’esprit du lecteur, et ce, dès l’incipit. Le seul élément fantastique du récit est ce que des enfants décrivent comme un « monstre » et qui pourrait très bien n’être qu’un gros mammifère marin.

Derain, un Fauve pas ordinaire, Patrice Bachelard

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mardi, 13 Février 2018. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Biographie, Gallimard, Arts

Derain Un fauve pas ordinaire, septembre 2017, 128 pages, 15,30 € . Ecrivain(s): Patrice Bachelard Edition: Gallimard

 

Cette vie de Derain est un roman, tant on est porté par les divers épisodes qui en font le prix, et parfois aussi ont nourri certaines polémiques. En effet, il n’est pas de tout repos cet itinéraire d’un génie fauviste des années 1905-1906, très vite reconverti en amateur éclairé des classiques de tous bords, à commencer par Raphaël, puis beaucoup d’autres, jusqu’à Corot, Courbet.

Pourtant, pour cet artiste qui lâche « Un art n’a pas de théorie », il en allait tout autrement puisqu’il révolutionna avec quelques autres (Matisse, Marquet, Vlaminck, Van Dongen, Friesz) l’usage de la couleur, cette fameuse période fauviste, l’un des tournants de l’art moderne avant cubisme, futurisme… Chatou, Collioure nourrissent un Derain singulièrement audacieux, peut-être bien le plus sauvage coloriste du groupe. Il n’en reste pas là, puisque, dès ces années-là, il fonce à Londres pour se goinfrer de Turner et d’autres, tant sa gourmandise de nouveauté est grande.

Amour monstre, Katherine Dunn

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Lundi, 12 Février 2018. , dans Critiques, Les Livres, Livres décortiqués, La Une Livres, USA, Roman, Gallmeister

Amour monstre (Geek Love), février 2018, trad. (USA) Jacques Mailhos, 11,80 € . Ecrivain(s): Katherine Dunn Edition: Gallmeister

« Les êtres que nous appelons monstres ne le sont pas pour Dieu, qui voit dans l’immensité de son ouvrage l’infinité des formes qu’il y a englobées ; et il est à croire que cette forme qui nous frappe d’étonnement se rapporte et se rattache à quelque autre forme d’un même genre, inconnu de l’homme »

Les Essais, livre II, chap. 30, Montaigne

Dans ce roman il est question d’une famille, les Binewski, d’une troupe de cirque et de performances parfois sanglantes. L’anthropomorphisme le dispute à la monstruosité, par la veine fantastique et hors normes. L’on peut parler à propos d’Amour monstre d’une filiation avec l’univers de Doris Lessing (1919-2013), de métafiction – une fiction qui puise ses références à travers des expériences réelles –, de réalisme magique post-moderne proche d’Angela Carter (1940-1992). Cette tradition du fantastique et du merveilleux – des fééries – remonte à Shakespeare. Cette sorte de transhumanisme que manifeste l’œuvre, à l’envers, déborde d’énergie, transhumanisme non pas eugéniste rayant du monde les handicapés mais au contraire les ralliant à lui, dans le sens de uplifting, d’édification, d’élévation, de provolution, un courant transbiologiste. L’anomalie y occupe une place prépondérante, ainsi que le renversement des valeurs, le bébé « normal » prêt à être abandonné…

Microfilm, Emmanuel Villin

Ecrit par Cathy Garcia , le Lundi, 12 Février 2018. , dans Critiques, La Une Livres, Roman, Asphalte éditions

Microfilm, janvier 2018, 192 pages, 16 € . Ecrivain(s): Emmanuel Villin Edition: Asphalte éditions

 

L’atmosphère qui se dégage de microfilm n’est pas sans évoquer le film Brazil, mais la toile de fond c’est Paris, ses quartiers, ses musées, son métro. Centre névralgique du roman : la Place Vendôme, qui n’est clairement pas l’endroit préféré de l’auteur.

Il est évident aussi qu’Emmanuel Villin, en plus d’être amoureux de Paris, est aussi et surtout peut-être un grand cinéphile dont la passion imprègne continuellement le roman. D’ailleurs, microfilm n’est pas sans rapport, puisque le personnage central dont on ne connaîtra jamais le nom est Parisien et figurant de cinéma.

Un homme au « physique quelconque et visage commun ». Un profil neutre apparemment parfait pour être sélectionné par les ordinateurs de Pôle Emploi et embauché par la Fondation pour la Paix Continentale.