Microfilm, Emmanuel Villin
Microfilm, janvier 2018, 192 pages, 16 €
Ecrivain(s): Emmanuel Villin Edition: Asphalte éditions
L’atmosphère qui se dégage de microfilm n’est pas sans évoquer le film Brazil, mais la toile de fond c’est Paris, ses quartiers, ses musées, son métro. Centre névralgique du roman : la Place Vendôme, qui n’est clairement pas l’endroit préféré de l’auteur.
Il est évident aussi qu’Emmanuel Villin, en plus d’être amoureux de Paris, est aussi et surtout peut-être un grand cinéphile dont la passion imprègne continuellement le roman. D’ailleurs, microfilm n’est pas sans rapport, puisque le personnage central dont on ne connaîtra jamais le nom est Parisien et figurant de cinéma.
Un homme au « physique quelconque et visage commun ». Un profil neutre apparemment parfait pour être sélectionné par les ordinateurs de Pôle Emploi et embauché par la Fondation pour la Paix Continentale.
« – Qu’est-ce que ça veut dire ?
– Je n’en ai pas la moindre idée, mon cher monsieur. Tout ce que je sais, c’est que je viens de recevoir leur annonce aujourd’hui même et que vous êtes le seul dans ma base à avoir des compétences en microfilms.
– En microfilms ?
– Oui, vous avez oublié ce que vous avez écrit dans votre CV ? Je lis : rédacteur pour la revue Microfilm et son site web. (…)
– Je vous arrête de suite, vous faites fausse route : Microfilm est une revue de cinéma. Et pour votre gouverne, elle n’existe même plus.
– Vous chipotez, là !, s’impatiente l’autre ».
Et voilà comment notre personnage se retrouve, sans qu’il ne sache réellement ce qu’il est censé faire, dans un petit et sombre bureau de la Fondation pour la Paix Continentale, sise au 1, Place Vendôme, où on trouve également Nadège, la secrétaire aux Tupperware, Lydie Soucy, la DAF et Jean-Serge de Plas, le Directeur Général. Plein de bonne volonté, il tente de remplir au mieux une fonction incompréhensible et visiblement sans aucune utilité, sentant toutefois croître autour de lui une atmosphère de plus en plus bizarre et menaçante.
microfilm est une comédie noire et grinçante, une jubilatoire et loufoque démonstration de l’absurdité de certains fonctionnements du monde contemporain et de comment la servitude volontaire peut conduire n’importe qui à faire office de figurant dans sa propre vie.
L’auteur a du talent pour mettre en scène et rendre le subtil crescendo de l’aberration dans laquelle est happé malgré lui son personnage, c’est là tout l’intérêt de microfilm dont on ne fait qu’une bouchée.
Et comme toujours avec les éditions Asphalte, la playlist en fin d’ouvrage sélectionnée par l’auteur, pour prolonger l’ambiance, surtout le morceau thème du film Le samouraï de Melville, par François de Roubaix.
Cathy Garcia
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