« Cela vit, s’agite, semble me cerner de toutes parts, moi et ma torpeur. Et par un phénomène intérieur assez fréquent, j’ai l’impression d’être, au-dehors, autre chose que moi-même, qui se mêle au jeu silencieux et mouvant du jardin ; de me perdre et de m’ignorer sans trop de peine. Je suis donc pour finir, un jardin qui t’aime, et rien d’autre : c’est trop fatigant » (Feydeau, lundi 23-24 mars 1959).
Dominique Rolin est la grande aventure romanesque et physique de Philippe Sollers, l’absolue complicité. Cette correspondance (le premier acte, les autres sont annoncés) est le cœur en mouvement de deux écrivains inclassables, un premier acte saisissant de justesse, de vérité et de beauté. Et que l’on ne s’y trompe pas, il faut, pour réussir ce pari inouï, s’accorder au mouvement musical de la vie, la faire sienne, et rejeter dans les ténèbres les compromissions, les mensonges, les petits arrangements littéraires, les peurs et les hontes, et ne garder que le bonheur d’être. Je suis, donc j’écris. Je suis, donc j’aime. Je suis, donc je mets tous mes muscles à l’écoute de ce qui se révèle là sous mes yeux, semble-t-il dire.