« Je veux que la rencontre avec une personne ou une œuvre d’art change tout », disait-elle.
Sous-titré Renaître, le volume I de l’immense Journal de Susan Sontag, publié en 2010 par Christian Bourgois, couvrait les années 1947-1963. Désormais disponible chez le même éditeur, le deuxième volet du triptyque attendu, La Conscience attelée à la chair (1964-1980), entre de plain-pied dans la période de maturité intellectuelle, qui voit écrire celle qui se définit elle-même comme une « cagienne-franco-juive » parmi ses essais majeurs (Sur la photographie, 1977).
On y suit donc, sur un mode intime, le filigrane d’une œuvre et d’une pensée inquiète et en questionnement permanent à la fois sur les déchirements du monde comme sur la difficulté d’être, d’aimer, d’écrire, de vivre, c’est-à-dire de penser. Les notes sont très hétérogènes, parfois d’une brièveté laconique, parfois se développant au contraire sur des pages et des pages, parfois quotidiennes, parfois espacées de plusieurs semaines, plusieurs mois. Mais c’est, à travers cet « esprit d’escalier chronique » qu’elle avoue au hasard d’une brève, toujours une même exigence d’honnêteté qui s’y lit, un même désir de lucidité auquel l’exercice du journal offre le recours d’une écriture confidente.