Rarement l’écriture d’un livre, d’un roman authentique, n’a autant mérité le nom de travail que cet opus de Kate Summerscale. La somme de recherches, fouillées jusqu’à la plus extrême minutie, entreprises par l’auteure, est proprement fascinante. Imaginez un instant Michel Foucault écrivant un roman à partir de sa reconstitution documentaire célèbre d’un multi crime non moins célèbre, « Moi, Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma sœur et mon frère » (et quand on connaît le talent stylistique de Foucault, cela eût été tout à fait imaginable). Eh bien c’est là le tour de force de ce roman – car c’en est bien un, même si chacun de ses éléments est rigoureusement fondé sur une vérité historique quasi méticuleuse. Nous avons tous les documents de police, de médecins, de juges, d’avocats, de compagnons, de voisins, de maîtres d’école etc. qui vont venir constituer le dossier de cette affaire, commencée en 1895.
Le lundi 8 juillet 1895, pour être précis, Robert Coombes a tué sa mère dans son lit de plusieurs coups de couteau, avec la complicité (passive ?) de son jeune frère Nathaniel. On est en Angleterre, « à Plaistow, quartier ouvrier, pauvre mais respectable, du vaste arrondissement des docks d’East London. » Robert a 13 ans, son frère, 12.