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Afrique

J’étais nu pour le premier baiser de ma mère, Tchicaya U Tam’si

Ecrit par Theo Ananissoh , le Jeudi, 05 Décembre 2013. , dans Afrique, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Gallimard

J’étais nu pour le premier baiser de ma mère, Édition présentée et préparée par Boniface Mongo-Mboussa, Gallimard, coll. Continents noirs, novembre 2013, 595 pages, 22 € . Ecrivain(s): Tchicaya U Tam’si Edition: Gallimard

 

On étouffe et sombre à moins ! Imaginez : une séparation d’avec la mère à l’âge de quatre ans (mère et fils ne se reverront que près de cinquante ans plus tard), un père député du Moyen-Congo à l’Assemblée nationale française aux côtés de… Léopold Senghor et Aimé Césaire, une entrée au collège à Orléans à un âge (14 ans) où les autres s’apprêtent à le quitter, une infirmité que trahit chaque pas qu’il fait (pied bot)…

A sa mort en avril 1988, en Normandie, Tchicaya U Tam’si laisse une œuvre considérable faite de romans, de nouvelles, de pièces de théâtre et surtout de poèmes dont la publication aujourd’hui en un volume par Gallimard Continents noirs ne pèse pas moins de cinq cents pages. Ce tome I des œuvres complètes est donc uniquement consacré à sa poésie. L’écrivain et historien des littératures francophones, Boniface Mongo-Mboussa, a déployé beaucoup de talent et de patience pour rassembler des écrits éditorialement dispersés au long de trois décennies. Il lui donne judicieusement un titre emprunté au poète lui-même et qui dit sans aucun doute la genèse de son œuvre.

African Tabloïd, Janis Otsiemi

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Mardi, 03 Décembre 2013. , dans Afrique, Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, Roman, Jigal

African Tabloïd, septembre 2013, 208 pages, 16,80 € . Ecrivain(s): Janis Otsiemi Edition: Jigal

 

Le titre du roman est à la hauteur de l’humour de son auteur. Si Janis Otseimi a sans nul doute une profonde admiration pour l’œuvre de James Ellroy, African Tabloïd n’est certes pas l’équivalent d’American Tabloïd, si ce n’est par l’effet d’une profonde dérision, voire de l’autodérision.

Nous sommes à Libreville, capitale du Gabon, ville opulente en façade, avec ses immeubles de verre et de marbre, mais qui abrite à sa périphérie « des agglomérations hétéroclites, des bidonvilles marécageux, infestés de rats et de moustiques ». Dans cette ville cosmopolite, dans un pays où se côtoient, sans pour autant s’entendre, au sens propre comme au figuré, près de 50 ethnies aux dialectes différents, policiers et gendarmes vont enquêter sur une série de délits et de crimes qui permettent à Janis Otsiemi d’illustrer avec une verve réjouissante quelques uns des maux qui rongent l’ancienne colonie française d’Afrique subsaharienne.

Au menu : corruption des forces de l’ordre, exécution d’un journaliste d’investigation dans un pays où la presse est à la solde du gouvernement, pédophilie et trafic de médicaments, inefficacité de l’administration dépourvue de méthodes et de moyens matériels et financiers, intrusion du pouvoir en place dans les enquêtes et collusions liées au népotisme…

Éducation d’un enfant protégé par la Couronne, Chinua Achebe

Ecrit par Theo Ananissoh , le Vendredi, 29 Novembre 2013. , dans Afrique, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits, Actes Sud

Éducation d’un enfant protégé par la Couronne, traduit de l’anglais (Nigéria) par Pierre Girard, novembre 2013, 191 p. 21,80 € . Ecrivain(s): Chinua Achebe Edition: Actes Sud

 

Chinua Achebe est sans doute l’auteur du roman le plus connu des Africains, toutes langues d’écriture confondues. Things fall apart est son titre. Il est paru en 1958 chez William Heinemann en Angleterre. Achebe avait 28 ans. Les éditions Présence Africaine le traduisent en français en 1966, sous le titre Le Monde s’effondre. Titre meilleur, à notre avis, que celui que les éditions Actes Sud donnent à une nouvelle traduction qui vient de paraître : Tout s’effondre.

Le Monde s’effondre ou Tout s’effondre, c’est l’histoire de la pénétration coloniale dans l’univers cohérent et indépendant d’un clan du peuple Igbo (sud-est du Nigéria actuel) à la fin du XIXè siècle.

La quatrième de couverture de l’édition de 1966 parle d’un des romans « les plus riches et les plus pondérés » qu’ait donnés l’Afrique noire. Ce roman est si magistral qu’on a fêté, en 2008, le cinquantenaire de sa parution à travers le monde anglophone et africain.

Un balcon sur l'algérois, Nimrod

Ecrit par Theo Ananissoh , le Vendredi, 12 Juillet 2013. , dans Afrique, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman, Actes Sud

Un balcon sur l’Algérois, avril 2013, 174 pages, 18 € . Ecrivain(s): Nimrod Bena Djangrang (Nimrod) Edition: Actes Sud

 

 

Début des années quatre-vingt. Paris – c’est-à-dire, essentiellement Montparnasse, Saint-Germain-des-Prés et Montmartre. Nimrod, un jeune étudiant tchadien, arrive de son pays et s’inscrit à la Sorbonne. Les rapports avec sa directrice de mémoire, d’académiques, virent à la passion amoureuse et charnelle. Jeanne-Sophie est fille de colonel et issue de la grande bourgeoisie. Lui est boursier. Il est marié – Maureen, l’épouse, est au Tchad avec leur fille ; elles le rejoindront peut-être. Jeanne-Sophie a toujours eu ce qu’elle voulait et est habituée à posséder ce qu’elle désire. A côté de ces deux personnages, il y a quelques autres dont Bakary, éboueur malien de son état et père d’un garçon qu’il a eu avec Sylvie, une amie de Jeanne-Sophie. Sylvie, également prof à la Sorbonne, est une « fille d’aristos » ; son père est un banquier… Voici comment pense et parle Bakary – au grand dam de sa compagne ; enfin compagne est une façon de parler parce que Bakary a sa fierté d’éboueur. Il tient à son foyer de travailleurs d’Arcueil-Cachan et refuse d’emménager avec Sylvie dans son appartement du 16ème. Bakary donc – il s’adresse à Nimrod :

Le griot de l'émir, Beyrouk

Ecrit par Theo Ananissoh , le Jeudi, 04 Juillet 2013. , dans Afrique, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman

Le griot de l’émir, Editions Elyzad (Tunis), mars 2013, 167 pages, 16,90 € . Ecrivain(s): Beyrouk

 

Le Silence de la mer de Vercors. Une famille française, pendant l’Occupation, est obligée de loger un officier allemand. Celui-ci impose sa présence quotidienne dans le séjour, parle à ses « hôtes » qui lui opposent un mutisme obstiné. Un soir, l’Allemand se met devant les rayons de la bibliothèque. « Toute cette maison a une âme », observe-t-il. Il caresse les reliures. Balzac, Baudelaire, Chateaubriand, Corneille, Descartes… Il s’exclame : « Quel appel ! ». Le lecteur s’arrête un instant, perplexe : on a quand même voulu assujettir une maison pourvue d’une telle « âme », pour reprendre le mot de l’intrus lui-même… Il aurait fallu que, par extraordinaire, le feu permanent que constituent tous ces noms dans la bibliothèque n’éclaire ou ne chauffe plus du tout pour que fût réellement envisageable le succès d’une telle entreprise… Non ?

C’est d’un refus de la même sorte que traite Le griot de l’émir du Mauritanien Beyrouk. Dans un Sahara des temps anciens, un griot, héritier d’une vieille et exceptionnelle tradition artistique, est pour ainsi dire empêché par la qualité et la richesse culturelle dont il émane de se résigner à l’humiliation de la défaite.