« Des chenilles ? Facile, pensa Katya. Même celles-ci, qui recouvrent l’arbre du tronc jusqu’à la cime, en grappes serrées, leurs poils orange tout tremblotants. Les chenilles, elle en fait son affaire.
Mais cet arbre qui se tortille, quel étrange spectacle tout de même : un arbre gangrené. Surtout ici, avec cette pelouse parfaite qui descend jusqu’à la grande maison blanche en contrebas, entre des parterres de fleurs bien taillés piquetés de rose et de bleu. Sur le côté, juste dans son angle de vision, un jardinier tond le bord de la pelouse, les yeux sur Katya et le garçon, pas sur sa cisaille. En arrière-plan, se dresse la Constantiaberg. C’est un jour d’automne, frais mais clair. Les montagnes font leur âge, ridées, usées et écrasées par un ciel exubérant. Belle journée pour une garden-party.
Au centre du tableau, il y a pourtant cette chose abominable. Cet unique arbre emmailloté d’une couche de matière invertébrée, d’une multitude de corps à pointes molles couleur de sucre brûlé. On dirait que l’arbre entier a été dévoré et remplacé par une réplique grossière de lui-même tout en chair de chenilles » (p.9).