Double négatif, Ivan Vladislavic
Double négatif, traduit de l’Anglais (Afrique du Sud) par Nina et Christian Surber, août 2013, 236 pages, 20 €
Ecrivain(s): Ivan Vladislavic Edition: Zoe
Afrique du Sud : une rétrospective
Les éditions Zoé nous offrent ici un véritable présent, d’autant plus que ce roman s’inscrit par sa thématique dans la saison culturelle dédiée à L’Afrique du Sud, qui a débuté en France au mois de mai 2013 et qui se termine bientôt en Décembre.
De quoi s’agit-il dans ce roman-ci ? Double négatif a une structure narrative qui épouse le parcours initiatique de Neville, jeune homme blanc vivant dans l’Afrique du Sud au temps de l’Apartheid. Le roman se scinde en trois grandes parties, et chacune de ces sections présente au lecteur la métamorphose de Neville. Dans « Lumière ambiante », le jeune homme abandonne l’université et revient vivre chez ses parents. Il erre et s’intéresse aux idées révolutionnaires qui secouent le pays et qui préparent le renversement de la situation politique sud-africaine. Il entre alors en conflit avec les Blancs, minoritaires dans le pays mais détenteurs du pouvoir économique et politique :
« Imaginez seulement que vous ayez travaillé toute votre vie au fond d’une putain de mine d’or et que vous n’ayez toujours pas de quoi nourrir votre famille. Vous pouvez vous l’imaginez ? Non, vous ne pouvez pas. C’est ça, le problème ».
Son invective à l’égard de son voisin raciste est aussi un reproche lancé à tous ses compatriotes blancs attentistes et égoïstes qui peuplent alors Johannesburg. Cependant, ce qui va marquer sa vie à cette époque est la rencontre rapide avec le photographe de renom Saül Auerbach. Les vingt-quatre heures passées avec cet homme vont changer sa vision de l’Afrique du Sud et de lui-même. De façon inconsciente, Saül Auerbach devient un modèle, un guide qui va orienter la vie et l’œuvre de Neville. La deuxième partie intitulée « Lettres mortes » met en exergue un Neville totalement étranger à sa ville et à l’Histoire de son propre pays. Dans cette partie, il a grandi, vieilli et a connu l’exil. « Lettres mortes » est une réflexion sur la place de Neville dans ce monde nouveau et post-apartheid dont il est relégué puisqu’il n’a pas participé à son édification :
« En voyant mon pays devenir un symbole d’espoir – qui l’aurait cru – je n’ai pas pu m’empêcher de me dire que j’avais laissé passer ma chance d’imprimer ma faible trace dans l’histoire ».
Quant à la dernière partie, « Bavardages », Neville, devenu un acteur de la vie économique et artistique de la nouvelle Afrique du Sud, s’adapte à la nouvelle économie mondiale en mutation et qui donne une part belle à l’Afrique du Sud puisqu’elle fait partie des pays émergents porteurs d’espoir.
Double négatif est un roman d’apprentissage qui suit l’évolution d’un jeune homme devenu adulte. Mais c’est aussi un roman qui met en exergue le parcours de l’Afrique du Sud, de l’Apartheid jusqu’à son abolition et son entrée dans l’économie de marché.
Le roman débute dans les années 80 pour s’achever sur les années 2009. Ivan Vladislavic déroule l’action sur trois décennies, et avec ce cinquième opus, il semble vouloir consacrer une rétrospective de sa nation. Il braque son focus sur un pays en ébullition et restitue au lecteur les évolutions, les métamorphoses et les mutations d’un peuple aux différentes facettes. Il montre la force et aussi la fragilité de cette Afrique du Sud à l’aube du troisième millénaire.
Victoire Nguyen
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