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La Cloche de détresse (The Bell Jar, 1963), Sylvia Plath (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 22 Novembre 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, USA, Gallimard

La Cloche de détresse (The Bell Jar, 1963), Sylvia Plath, Gallimard, L’Imaginaire, 1988, trad. américain, Michel Persitz, 267 pages, 10,80 € . Ecrivain(s): Sylvia PLATH Edition: Gallimard

 

Cet ouvrage de la grande Sylvia Plath est ce qu’il est convenu d’appeler un roman-culte, au même titre que l’est L’Attrape-cœurs de J. D. Salinger, écrit une dizaine d’années auparavant. De nombreux éléments relient ces deux livres : ce sont les uniques romans de leur auteur, ce sont des autobiographies à peine déguisées, ce sont des séjours de leurs héros à New York et, nous y reviendrons, les correspondances dans les postures énonciatives sont fortes.

On peut y ajouter que, comme pour l’ouvrage de Salinger, on peut être déçu, du moins par le début du récit : les mésaventures d’une jeune fille fragile de province dans les milieux mondains de Manhattan, ses amourettes, ses crises de larmes, ses brefs enthousiasmes pour des broutilles, occupent une première moitié du livre et sont plutôt ennuyeux.

Un fils de notre temps, Ödön von Horváth (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 15 Novembre 2022. , dans La Une Livres, En Vitrine, Les Livres, Critiques, Langue allemande, Roman, Gallimard

Un fils de notre temps (Ein Kind unserer Zeit, 1938), Ödön von Horváth, trad. allemand, Rémy Lambrechts, 155 pages, 7,50 € Edition: Gallimard

Le temps des menaces qui a oppressé l’Europe dès le milieu des années 20 et surtout dans les années 30, fut fatal pour l’histoire mais riche en voix littéraires qui avec lucidité nous ont fait entendre le grondement du désastre qui s’annonçait. Joseph Roth, Stefan Zweig, Arthur Schnitzler, Hugo von Hofmannsthal, Robert Musil, Leo Perutz, ces écrivains magnifiques qui anticipaient la fin d’un monde et témoignaient de son effondrement en cours constitue un moment littéraire sublime. Von Horvath est moins connu mais sa voix pourtant, singulière, nous touche avec une acuité et une force remarquables. Une force d’autant plus puissante qu’elle est en douce, mezzo voce, comme une insinuation obstinée qui finit par bouleverser.

Par les propos d’un narrateur lambda, soldat d’une armée que l’on devine nazie, von Horváth va peu à peu déconstruire l’idéologie désastreuse qui dévaste son pays et va le mener au désastre le plus total. Patriotisme aussi aveugle qu’imbécile, haine de tout autre (y compris les femmes), culte du chef et du héros, culte de la violence stupide, notre narrateur décline, une à une, toutes les tares qui ont saisi et ravagé un peuple tout entier. Le marigot idéologique est complété par la société mâle que constitue la vie militaire, toujours en bordure d’une homosexualité malsaine, non assumée, non dite.

Bart le Magnifique, Shelby Foote (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 08 Novembre 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, USA

Bart le Magnifique (Tournament, 1949), Shelby Foote, éditions Rue d’Ulm, mars 2022, trad. américain, Paul Carmignani, 415 pages, 25 € . Ecrivain(s): Shelby Foote

 

Il s’agit du premier roman de Shelby Foote, publié en 1949, et traduit ici pour la toute première fois en français. C’est donc un événement littéraire de grand intérêt qui permet aux lecteurs français de découvrir les aurores de l’un des plus grands écrivains sudistes du XXème siècle. Dans une préface très personnelle et attachante, Shelby Foote situe l’histoire de ce roman dans son œuvre et dans sa vie personnelle. Il nous dit l’avoir abandonné quelques années après l’avoir proposé à Knopf en 1942 qui lui avait répondu quelque chose du genre : pas mal, pourquoi pas mais ce manuscrit mériterait peut-être d’être remanié. Ce que Foote fit, mais bien plus tard, après la guerre au cours de laquelle il fut engagé en Europe.

Shelby Foote dit en particulier avoir voulu, pour la version définitive, revenir sur les influences que tout jeune auteur subit pour son premier roman.

Mon oncle le jaguar & autres histoires, João Guimarães Rosa (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 25 Octobre 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Amérique Latine, Nouvelles

Mon oncle le jaguar & autres histoires, João Guimarães Rosa, éditions Chandeigne, 2016, trad. Portugais (Brésil) Mathieu Dosse, 432 p. 22€

 

Ce recueil de nouvelles (Histoires ? Contes ?) constitue un univers à part, tant dans l’œuvre du grand Guimarães Rosa que dans la littérature. Les situations, les scènes, les personnages, les histoires (il y en a neuf) nous mènent au cœur d’un dépaysement absolu, d’un monde stupéfiant, d’une langue propre à l’auteur où les mots sont recomposés souvent, créés de toutes pièces parfois, toujours lumineux cependant dans leur justesse sémantique. Ces neuf contes construisent un univers où les hommes sont au plus près de la Création, en osmose parfaite avec la nature et les animaux, comme dans une sorte de genèse biblique où le vivant forme un tout, indissociable et solidaire.

Bon nombre de ces histoires ont pour héros véritables des animaux. Féroces, domestiques, ennemis, amis, créatures monstrueuses ou fidèles compagnons, tous s’inscrivent dans un lien serré avec les hommes.

Mémoires d’Hadrien, Marguerite Yourcenar (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 11 Octobre 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Folio (Gallimard), Roman

Mémoires d’Hadrien, Marguerite Yourcenar, Folio, 316 pages . Ecrivain(s): Marguerite Yourcenar Edition: Folio (Gallimard)

 

Commencer ce roman constitué in extenso d’un flux de conscience de l’empereur Hadrien par son corps physique – malade, mourant – annonce clairement le choix fondamental de Marguerite Yourcenar : elle met en scène un homme – Vir,-is – pas le maître du monde. Un homme, un mortel, loin de l’immortalité proclamée par la vox populi aux empereurs romains déifiés.

Ainsi d’emblée, Yourcenar pose la surdétermination de ces mémoires imaginaires : la solitude d’Hadrien dans un monde romain qui n’a plus de dieux – les dieux antiques se sont peu à peu effacés des croyances populaires – et pas encore de Dieu : le christianisme est alors considéré par Rome comme une secte fanatique sans avenir. Le ciel est vide. Et la Rome matérielle et politique l’est autant : la République et ses figures illustres sont loin avec ses Caton, Cicéron, Agrippa. Les règnes de Néron et Caligula ont dévasté la fonction des empereurs, la livrant au bon vouloir ou à la folie des Princes. Les Barbares sont aux frontières, affaiblissant par leurs coups de boutoir les armées romaines et la Pax Romana, base du rayonnement de Rome sur le monde occidental connu.