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L’enfant qui mesurait le monde, Metin Arditi

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 26 Août 2016. , dans La Une Livres, La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, Roman, Grasset

L’enfant qui mesurait le monde, août 2016, 304 pages, 19 € . Ecrivain(s): Metin Arditi Edition: Grasset

 

« Ecrivain francophone d’origine turque », comme le signale l’éditeur, Metin Arditi, auteur d’une quinzaine de romans et d’essais, moult fois primés, propose dans L’enfant qui mesurait le monde une plongée dans l’histoire grecque contemporaine, selon la double approche d’un enfant et d’un architecte qui a perdu sa fille. La crise, l’âme grecque, l’amour d’un père d’adoption, les aléas de la vie d’une petite île coupée de la modernité et des projets pour l’île, autant de thèmes qui traversent ce roman.

Sur l’île Kalamaki, vivent l’architecte étranger Eliot et une flopée de personnages : Maraki, la mère d’un enfant autiste Yannis, son mari dont elle est séparée, Andreas, le pope Kosma, le cafetier Stamboulidis, la fille d’Eliot, Dickie (Eurydice), sans oublier la journaliste Teophani.

Eliot a bien du mal à oublier la mort de sa fille, multiplie les attentions à l’adresse de Yannis, hyperdoué pour les calculs et les statistiques (nombre de clients chez le cafetier ou arrivage de poissons selon les pêcheurs). Peu à peu, il se rapproche de Maraki et de cet enfant, un fils de remplacement ?

Eclipses japonaises, Éric Faye

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 19 Août 2016. , dans La Une Livres, La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, Roman, Seuil

Eclipses japonaises, août 2016, 240 pages, 18 € . Ecrivain(s): Eric Faye Edition: Seuil

 

Nagasaki et Malgré Fukushima ont mis en lumière le talent d’Éric Faye (1963), auteur d’une trentaine de livres. Parfois, il faut un prix d’automne ou un séjour littéraire à l’étranger – ce fut le cas du Prix du roman de l’Académie française 2010 pour le premier titre cité, et pour le second, une résidence à la Villa Kujoyama à Kyoto – pour qu’un auteur accède à une notoriété de bon aloi.

Le nouveau roman de l’écrivain épris de culture orientale comblera plusieurs publics de lecteurs : tout d’abord, ceux qui éprouvent pour le style une ferveur particulière ; ceux pour lesquels un vrai roman ne fait pas d’impasse sur l’intrigue ; tous les vrais liseurs de littérature française de qualité d’aujourd’hui : voilà un nom à ajouter depuis quelque temps déjà à ces « jeunes » écrivains qui honorent les lettres romanesques françaises. Je citerai, entre autres, L. Mauvignier, O. Adam, L. Gaudé, M. Enard…

Comment faire d’une réalité historique brevetée par des témoignages un roman de fiction : voilà la mission littéraire que s’est donnée Faye pour traduire des faits de disparitions étranges dans les années 60 et 70 sur les côtes japonaises ou à la frontière coréenne. Le titre suggère déjà ces êtres qui se volatilisent un beau jour, dans le plus grand mystère.

Se souvenir des jours de fête, Christian Signol

Ecrit par Philippe Leuckx , le Lundi, 27 Juin 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Albin Michel, Roman

Se souvenir des jours de fête, avril 2016, 368 pages, 21,50 € . Ecrivain(s): Christian Signol Edition: Albin Michel

 

Avec Se souvenir des jours de fête, Christian Signol signe un vrai roman populaire, accessible et soigné, et un vrai roman historique. L’auteur de sagas et de romans plus intimistes maîtrise les histoires, et quand il s’agit de narrer celle qui a pour matière le conflit 39/45 autour de personnages simples, ordinaires, ballottés par les événements dramatiques, le romancier trouve d’emblée le ton juste.

Quand Etienne se retrouve emporté loin de sa ville de Toulouse et de sa famille, sa mère Marie, sa femme Mélina, son fils Jean, le conflit est au maximum de son intensité : les actes de résistance à l’ennemi allemand se jouent aussi bien dans l’Allemagne ou la Pologne de la déportation qu’à Toulouse, dans les rangs des résistants de tous les jours, clandestins qui tentent par tous les moyens de tromper l’ennemi, de gagner du temps et d’assurer aux leurs une sécurité, que les circonstances rendent souvent improbable.

Extra pure, Voyage dans l’économie de la cocaïne, Roberto Saviano

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mercredi, 22 Juin 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Folio (Gallimard), Essais, Italie

Extra pure, février 2016, trad. italien Vincent Raynaud, 544 pages, 8,20 € . Ecrivain(s): Roberto Saviano Edition: Folio (Gallimard)

Cinquième livre d’un auteur révélé en 2007 par son extraordinaire Gomorra, qui a fait couler tant d’encre et a valu à son auteur d’être un nouveau Rushdie pourchassé, Extra pure est un recueil d’enquêtes au plus près de cet enfer de la drogue, analysant lieux, moteurs et phases de production.

En 2016, Roberto Saviano, Robbè pour les intimes, poursuit son œuvre de dénonciation des mafias, du blanchiment de sommes colossales, des violences causées par ce gigantesque marché blanc. Il le fait par sa chronique de La Repubblica, il en dresse des analyses plus fouillées dans cet essai, divisé en 7 parties (aux titres de Coke#1 etc.)

A l’heure où notre auteur a le courage exemplaire d’écrire en dépit de tout – la solitude, la garde serrée – sept policiers de vigilance –, la quête si difficile de la vérité, et surtout les attaques de pure vilenie : ne le voilà-t-il pas accusé de tous les maux, et en prime dans les zones où il a dénoncé le mal ? à Secondigliano, à Scampia, à Napoli, il est traité de la pire espèce (par voie d’affiches, d’accusations publiques…), un peu comme si l’on reprochait à Marta Hillers de Une femme à Berlin d’avoir dénoncé les centaines de milliers de viols perpétrés par les Russes libérateurs en mars-avril 45, un peu comme si l’on rendait responsable du Goulag ce courageux Chalamov qui a vécu l’enfer gelé de la Kolyma (bagne sous Staline). C’en est à vomir tant les gens sont oublieux de la générosité et des risques pris. « Le premier qui dira la vérité sera exécuté » comme le chantait si bien Béart.

Le plus et le moins, Erri De Luca

Ecrit par Philippe Leuckx , le Samedi, 11 Juin 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Biographie, Italie, Récits, Gallimard

Le plus et le moins, mai 2016, trad. italien Danièle Valin, 208 pages, 14,50 € . Ecrivain(s): Erri de Luca Edition: Gallimard

Chez De Luca, l’ancrage dans la réalité napolitaine ou ouvrière ou encore alpine est au cœur de nombre de ses ouvrages. Naples, comme Montedidio (honoré du Prix Médicis étranger 2002) ou Le jour avant le bonheur, l’ont montré avec brio et inventivité. L’alpiniste accompli a trouvé moyen d’illustrer l’univers de sa passion par le biais de la fable dans Le poids du papillon.

Depuis, des recueils de nouvelles ou de récits ont accompagné les soubresauts de la vie du Napolitain, finalement relaxé dans un sombre fait divers, d’où il est sorti grandi et prompt à affronter d’autres combats, plus intérieurs sans doute, comme le révèle le dernier opus, ensemble de 37 récits, suivis de trois poèmes, au titre singulier – qui en éclaire la portée, disons, hautement morale, Le plus et le moins.

Entre récits autobiographiques et autres histoires à portée symbolique, l’auteur napolitain, né en 1950, ayant longuement vécu au sceau des réalités parfois très sombres de son parcours, sent l’intense désir d’évoquer, en pages réalistes, nourries d’expériences diverses, ce que fut un certain passé. Passé lointain de l’enfance comme événements plus récents liés aux faits de mai 68, d’un passage douloureux dans la France de 1982. Sans oublier le passé tout proche, lorsque sa mère, ainsi, dut remplacer sa carte d’identité. Chez De Luca, l’intime, le noyau familial rejoint sans cesse les préoccupations communautaires et/ou collectives de la cité.