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Septembre ! Septembre !, Emmanuelle Maffesoli, Clément Bosqué

Ecrit par Martine L. Petauton , le Jeudi, 12 Septembre 2013. , dans La Une Livres, La rentrée littéraire, Les Livres, Recensions, Roman, Léo Scheer

Septembre ! Septembre !, 12 septembre 2013, 262 pages, 19 € . Ecrivain(s): Emmanuelle Maffesoli, Clément Bosqué Edition: Léo Scheer

 

Un premier roman ; un Léo Scheer-éditeur souvent inspiré ; un titre et ses deux points d’exclamation comme une scansion un peu étrange ; cela suffit peut-être au cœur de l’été pour tenter le voyage… et pour en ressortir tout simplement heureux, ce petit livre restant en mémoire comme une promesse de qualité pour le Septembre littéraire à venir…

Ils sont deux auteurs – mystère de leurs pattes respectives… – pour un seul petit fleuve de pages qui, fièrement, ne ressemble à – presque – rien d’autre. Court et riche ; couleurs qu’on imagine entre vert et gris – la Seine, probablement ; récit à la fois tonique et murmurant ; quelques forts personnages jouant au bord… une balade des « jeunes du temps actuel », osons ! L’écriture est maîtrisée, juste classique ce qu’il faut ; elle sert cette petite histoire à merveille comme une petite sonate ciselée.

Paris – belle escapade qui ravira ceux qui l’aiment, de la Grande Bibliothèque aux quais de Seine ; la place de la Nation à contre-jour ; Notre-Dame en fond d’écran ; rues, échoppes, quartiers… huit clos d’appartements à peine boboïsés : « il avait envie, très envie de couvrir de son allure, comme un loup son enclos, ce territoire large, cet enchevêtrement de gris d’huitre et de jaune d’œuf qu’est Paris… ».

Un renoncement, René de Ceccatty

Ecrit par Martine L. Petauton , le Vendredi, 06 Septembre 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Récits, Flammarion

Un renoncement, mars 2013, 422 pages, 21 € . Ecrivain(s): René de Ceccatty Edition: Flammarion

 

Habitué des biographies, dont il dit qu’il ne fait que celles qui croisent, ou sont en écho avec lui-même, René de Ceccatty – un écrivain, un vrai – attend les dernières pages de cet étonnant récit pour nous dire pourquoi Garbo ? « Quand un écrivain prend pour sujets de tels monuments, il s’expose à la banalité et même à une certaine vulgarité. L’unique paravent, c’est la précision ». Ce chapitre à lui seul, vaut l’arrêt ; c’est si rare chez les biographes, et cela va pourtant tellement de soi ! pourquoi « j’ai » parlé d’elle, comment (en cercles concentriques, au risque d’une certaine redondance, et non pas de façon banalement linéaire – elle est née, elle a fait…).

Cercle réduit, que ce long récit étonnamment précis et renseigné de la vie de cette unique « divine » (entendons par là, « d’ailleurs ») puisque son épicentre est – en 1949 – la décision de son retrait, du cinéma, d’une sorte de vie publique, d’une visibilité qu’on dirait de nos jours médiatique ; à résonances multiples, au point que le terme utilisé par Ceccatty, « le renoncement », s’éclaire de quelque chose de solennel, de religieux.

L'aube noire, Mario Falcone

Ecrit par Martine L. Petauton , le Jeudi, 29 Août 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Italie, Roman, La Table Ronde

L’aube noire (Alba nera), traduit de l’Italien par Carole Cavalera, février 2013, 416 pages, 22 € . Ecrivain(s): Mario Falcone Edition: La Table Ronde

C’est un « livre-catastrophe », comme il y a des films-catastrophes. Mêmes ressorts : une marche inexorable vers une fin annoncée ; on accompagne plusieurs personnes ou groupes qui font partie du voyage ; un peu de tout, quelques héros, quelques salauds ; entre les deux, des métamorphoses qui peuvent être inattendues. Comme les films – les bons, du moins –, on lit à grandes lampées ; le transfert fait fortune ; on tremble si délicieusement à l’abri de nos couettes… remarquable produit à trouver son public, donc.

Mais, ce livre-ci relève encore d’autres espèces. La catastrophe est un événement historique bien réel – le tremblement de terre de Messine en décembre 1908 ; ville quasiment rayée de la carte ; morts et disparus par milliers ; les derniers chapitres balayent ces heures terribles à la façon d’un documentaire réussi, quartier par quartier, heure par heure. Les images télévisuelles du récent séisme d’Haïti font, en nous, comme une mémoire parallèle époustouflante : « une, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix, onze… la première secousse, terrible, dure trente et une secondes. Une éternité, qui transforme une ville de presque cent vingt mille habitants en un immense cimetière à ciel ouvert »… Du Pline Le Jeune, décrivant à Tacite l’éruption fatale de 79, s’invite, par à-coups, à notre mémoire…

Le bonheur pauvre rengaine, Sylvain Pattieu

Ecrit par Martine L. Petauton , le Jeudi, 22 Août 2013. , dans La Brune (Le Rouergue), La Une Livres, La rentrée littéraire, Les Livres, Recensions, Roman

Le bonheur pauvre rengaine, 21 août 2013, 290 pages, 21,50 € . Ecrivain(s): Sylvain Pattieu Edition: La Brune (Le Rouergue)

 

Un historien c’est déjà un sacré client pour nous raconter quelque chose. Un écrivain (sachant écrire, évidemment) c’est une autre entrée dans une histoire ; alors, si l’écrivain – qui sait écrire, c’est sûr – utilise aussi sa casquette d’historien de belle valeur, ça donne ce livre-là : on s’y croirait, on s’y plaît, et – comme on dit d’un beau produit – c’est du solide, monsieur ! du vrai bois dont on sent le fil de page en page – pas de la camelote de bazar…

On plonge avec notre imaginaire mais aussi notre appétit d’une « vraie histoire » dans un Marseille plus réaliste que la meilleure collection de cartes postales anciennes, juste sépia – ce qu’il faut ; on s’embarque et cela, jusqu’à la dernière page à regret avalée…

Rien que le titre chante comme une de ces chansons réalistes de l’entre-deux guerres : une « Goualante du pauvre Jean » – ici, de toutes ces Yvonne, Yves, l’égaré de Bretagne et ce Cyprien, « nègre du Dahomey » passé souteneur de petites femmes, comme d’autres deviennent maçons… « Le bonheur, pauvre rengaine » dans une France sortie tout fraîchement de la boue des tranchées, cul par-dessus tête – on dirait de nos jours, avec une mimique de psy, « pantelante du trauma de la Grande Guerre ».

La fiancée libanaise, Richard Millet

Ecrit par Martine L. Petauton , le Vendredi, 26 Juillet 2013. , dans La Une Livres, La rentrée littéraire, Les Livres, Recensions, Roman, Gallimard

La fiancée libanaise, 20 €, août 2011 . Ecrivain(s): Richard Millet Edition: Gallimard


Comme on dit en sciences humaines, on peut lire ou regarder avec le regard du structuraliste ; c’est le cas ici ; ce livre est un Millet/structural ; un somptueux spécimen, qu’on ouvre, émerveillé d’y trouver un refrain réussi de tous ses autres livres.

Tout y est : l’écriture exceptionnellement aboutie – chef-d’œuvre d’un compagnon du tour de France – mieux, classiquement parfaite : « l’ombre gagnait les jardins de Siom où l’on ne distinguait que le dos luisant des toits d’ardoise et les masses plus sombres des sapins, de l’autre côté du lac qui ressemblait à une pièce de soie grise légèrement froissée » ; l’architecture si particulière à la respiration littéraire de Millet : pas moins de 38 lignes pour une phrase à la hauteur de la page 149 ! Balzac, quelque part.

Le cadre ; Millevaches et le haut plateau limousin ; l’écoute de R. Millet, son approche à nulle autre pareille, sa capacité à donner le sentir, le voir, bien sûr, le toucher aussi : « vous n’avez pas l’habitude du silence, de l’obscurité, des bêtes qui détalent dans les fourrés… vous ne savez rien de la terre, ni des ombres… vous êtes… une urbaine effrayée par l’obscurité ».