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Le Chevalier vert, Iris Murdoch (par Marie-Pierre Fiorentino)

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Mercredi, 22 Mars 2023. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Folio (Gallimard)

Le Chevalier vert, Iris Murdoch, Folio, 1999, trad. anglais, Paule Guivarch, 736 pages, 12,60 €

 

Iris Murdoch, peintre-romancière de natures vivantes.

Les premières pages de ce roman qui emprunte son titre, Le Chevalier vert, au tableau accroché au-dessus du lit de l’une des protagonistes, Moy, font penser à une comédie romantique de cinéma, l’histoire d’une bande d’amis formée durant leurs études, et de leurs enfants. Les aînés ont autour de la cinquantaine ; les plus jeunes sortent de l’adolescence, Harvey, le fils unique de Joan Blacket, Aleph, Sefton et Moy, les filles de Louise Anderson. Le premier abandonné par son père lorsqu’il avait cinq ans, les secondes orphelines du leur, Teddy, à peu près au même âge, Clement Graffe, Bellamy James et Emil (malgré la réticence de son compagnon Clive) pallient cette double absence paternelle. Tessa Millen, jeune-femme engagée dans le social, les Adwarden, Cora Brock et Anax, le chien, complètent ce groupe soudé autant par la connaissance que chacun a des autres que par les secrets unissant plus intimement certains d’entre eux.

Une lecture des Considérations morales (3) Mais si Arendt s’était trompée ? (par Marie-Pierre Fiorentino)

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Mercredi, 19 Octobre 2022. , dans La Une CED, Les Chroniques

Considérations morales, Hannah Arendt, Rivages Poche, trad. anglais, Marc Ducassou, trad. anglais, Nancy Huston, 96 pages, 7,50 €

 

Levons tout de suite toute ambigüité : du point de vue des historiens, Arendt s’est trompée sur la personnalité d’Eichmann. Pourquoi alors présenter et même recommander au plus haut point la lecture de cet essai dont on pourrait dire, en simplifiant, qu’il s’évertue à justifier une erreur ? D’une part car l’erreur d’Arendt sur le cas particulier d’Eichmann n’invalide pas le principe général de sa thèse sur la pensée. D’autre part, la richesse de cet essai interdit de le réduire à un simple plaidoyer ; il constitue aussi une introduction à la philosophie d’Arendt mais plus largement à la philosophie. Que cette introduction soit parfois un peu ardue et très personnelle joue en faveur de ce texte dont la brièveté permet que l’on y revienne facilement.

En quoi Arendt se serait-elle précisément trompée ? Elle définit ainsi la « banalité du mal » : « un phénomène de forfaits commis à une échelle gigantesque et impossibles à rattacher à quelque méchanceté particulière, à quelque pathologie ou conviction idéologique de l’agent ».

Hannah Arendt, Une lecture des Considérations morales (2) (par Marie-Pierre Fiorentino)

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Mercredi, 12 Octobre 2022. , dans La Une CED, Les Chroniques, Essais

 

Eichmann ou Socrate

Un homme descendu du bus marche au bord d’une route, quelque part près de Buenos-Aires. Surgissent les phares d’une automobile dont les passagers bondissent pour l’embarquer de force. Ce 11 mai 1960, les services secrets israéliens viennent de kidnapper Adolf Eichmann, logisticien de la déportation très actif dans l’exécution de la Solution finale, l’extermination des juifs. Ainsi commence Hannah Arendt, le film de la réalisatrice allemande Margarethe Von Trotta (2012). Ce film de commande, la cinéaste qui a lu l’œuvre, voyagé sur les lieux où vécut Arendt et rencontré ses proches survivants, a failli y renoncer : que filmer à propos d’un personnage dont l’activité principale est de penser ? Comment ? Puis l’idée s’est imposée de représenter ce que l’on pourrait appeler, dans la carrière de la philosophe, l’affaire Eichmann, dont les Considérations morales sont en quelque sorte le prolongement.

Une lecture des Considérations morales d'Hannah Arendt (1) (par Marie-Pierre Fiorentino)

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Mercredi, 05 Octobre 2022. , dans La Une CED, Les Chroniques

Considérations morales, Hannah Arendt, Rivages Poche, 1996, trad. anglais, Marc Ducassou

 

La pensée pour quoi faire ?

Dommage que le titre original, Thinking and Moral Consideration, A Lecture, ait été amputé dans cette traduction de Marc Ducassou, par ailleurs agréable à lire, du mot « pensée ». La pensée est en effet au cœur de cet opuscule dans lequel Arendt rend « hommage à la capacité la plus haute et la moins visible : l’activité de l’esprit », comme l’annonce Mary McCarthy en préface.

Ces quelques pages signées de la journaliste et écrivaine étasunienne, amie fidèle jusqu’à la dernière heure de la philosophe, sont traduites par Nancy Huston. Souvenirs de la première, style de la seconde nous plongent un moment dans l’intimité d’Hannah avant que nous découvrions l’argumentaire de la philosophe Arendt, aussi documenté qu’original, sur la nature et la finalité de la pensée. Les caractéristiques les plus évidentes de la pensée pourraient, au premier abord, la disqualifier. D’une part en effet, Arendt insiste sur le fait que la pensée est hors de l’action.

L’élève du philosophe, Iris Murdoch (par Marie-Pierre Fiorentino)

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Mercredi, 14 Septembre 2022. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Iles britanniques, Roman, Gallimard

L’élève du philosophe, Iris Murdoch, Gallimard, 1985, trad. anglais, Alain Delahaye, 606 pages, 23,20 €

 

George et Stella McCaffrey rentrent sous une pluie battante, passablement ivres, d’un repas de famille. L’habitacle retentit de leur dispute lorsque l’accident se produit. Le véhicule dont George a pu s’extraire tombe dans le canal. Mais le mari a-t-il aidé l’engin à basculer dans les eaux troubles avec l’intention d’assassiner sa femme ? Le Père Bernard, témoin inattendu de la scène, en a peut-être une idée.

La question primordiale est pourtant celle-ci : pourquoi la colère de George est-elle devenue incontrôlable lorsque Stella a évoqué l’arrivée annoncée de Rozanov ? Et ce célèbre philosophe, ancien professeur de George installé aux Etats-Unis, revient-il dans sa ville natale pour écrire le livre de sa vie ou pour une raison plus obscure ? Ce qui est certain, c’est qu’il provoque l’émoi de toute la population de cette station thermale que le narrateur, parce qu’il tient à rester anonyme sous l’initiale de N., décide de nommer Ennistone. Ses habitants, des plus marginaux comme Diane, prostituée maîtresse de George, aux notables, se retrouvent hebdomadairement aux thermes. Ne pas paraître autour des piscines, bassins, cascades fait autant jaser qu’y paraître faussement serein ou mortellement contrarié. Rozanov s’y montrera-t-il ou préfèrera-t-il prendre les eaux dans l’une des chambres dont peuvent disposer les baigneurs désireux de discrétion ?