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Bertrand Russell, penser avec et au-delà des mathématiques Épisode 2 : De l’amour des mathématiques à La conquête du bonheur

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Mercredi, 07 Octobre 2015. , dans La Une CED, Les Chroniques

 

Dans la très abondante bibliographie de Russell, des ouvrages probablement jugés mineurs par certains universitaires apparaissent rarement. Ce ne sont ni des traités de mathématiques ni des essais de philosophie analytique. Parce qu’ils semblent impossibles à classer, ces textes sont repoussés comme des divagations dans une carrière sérieuse. Tel est le cas de La Conquête du bonheur que Russell publie en 1930 lorsqu’il a 50 ans. C’est dans ce livre aux accents parfois autobiographiques qu’il raconte brièvement comment les mathématiques l’ont sauvé du suicide. Dans ce bref traité se révèle un philosophe original et attachant comme savaient l’être de grandes figures de l’Antiquité, au premier rang desquelles Socrate. Mais Russell est un penseur de son temps ; scrutant les mutations politiques, économiques et sociales résultant du triomphe de l’âge industriel, il propose une philosophie du bonheur adaptée à une époque où le mécanisme a libéré les hommes des travaux les plus pénibles mais aussi engendré des maux inattendus.

Bertrand Russell, penser avec et au-delà des mathématiques Épisode 1 : Du mathématicien au prix Nobel de littérature

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Jeudi, 03 Septembre 2015. , dans La Une CED, Les Chroniques

 

En 1950, le Prix Nobel de littérature est attribué au mathématicien et philosophe britannique Bertrand Russell. Ses 78 ans l’ont écarté de la médaille Fields décernée depuis 1924 à de jeunes chercheurs en mathématiques et la philosophie ne fait quant à elle l’objet d’aucune distinction particulière.

Est-ce donc comme pis-aller que le penseur se voit remettre le Nobel ? Il est certain que son œuvre n’a rien de commun avec celle de ses compatriotes déjà récompensés, parmi lesquels Rudyard Kipling ou George Bernard Shaw. C’est pourquoi Russell confie, dans son Autobiographie, la surprise qui fut la sienne : « Quand je dus me rendre à Stockholm, à la fin de 1950, afin d’y recevoir le prix Nobel – de littérature, ce qui m’étonna, pour mon livre Mariage et Morale – je n’étais pas sans appréhension car je me rappelais que trois cents ans auparavant, presque jour pour jour, Descartes avait été invité en Scandinavie par la reine Christine en hiver et qu’il y était mort à cause du froid » (1).

Jardins de papier. De Rousseau à Modiano, Évelyne Bloch-Dano

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Samedi, 11 Juillet 2015. , dans La Une Livres, Anthologie, Les Livres, Critiques, Stock

Jardins de papier. De Rousseau à Modiano, Évelyne Bloch-Dano, avril 2015, 250 pages, 19,50 € . Ecrivain(s): Évelyne Bloch-Dano Edition: Stock

Qu’est-ce qu’un jardin ? Le lexique ouvrant la première partie de Jardins de papier. De Rousseau à Modiano, égrène le vocabulaire : clos, parc, verger et même paradis, tous ces lieux expriment à la fois la nature originelle de l’homme et son inépuisable capacité à la dépasser. L’auteur invite donc d’abord à une excursion dans le temps, de la préhistoire jusqu’aux jardins à l’anglaise en vogue à partir du XVIII° siècle, car la première culture pratiquée par l’homme fut celle de la terre, et les civilisations peuvent se comprendre à partir de leur façon particulière de faire fructifier celle-ci.

Mais la culture, c’est aussi l’art et la littérature. Alors les « jardins de papier » – objet de la seconde et principale partie du livre – sont le décor parfois primordial, parfois en arrière-plan mais jamais anodin de scènes de romans. Parterres fleuris, haies, tonnelles et autres compositions végétales racontent des jeux de rencontres et d’évitement, de confidences murmurées et de secrets préservés, enfin se font coquins comme dans Le Lys dans la vallée où Balzac, à propos d’un bouquet, ne lésine pas sur les connotations érotiques : « du sein de ce prolixe torrent d’amour qui déborde s’élance un magnifique double pavot rouge accompagné de ses glands prêts à s’ouvrir ». Dans Le ravissement de Lol V. Stein de Marguerite Duras, la façon dont Lol et Tatiana ont dessiné, chacune, allées et massifs, nous en apprend plus sur leur psychologie qu’une analyse verbale car les jardins sont « des révélateurs, des projections de notre moi dans l’espace ».

D1 - Troisième et dernière partie

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Jeudi, 02 Juillet 2015. , dans La Une CED, Ecriture, Ecrits suivis

 

 

Juin est passé. J’ai quitté l’île de Vancouver, Pacifique Nord, et traversé le continent d’ouest en est. En survolant l’Atlantique, je n’ai pas besoin de me pencher vers le hublot pour deviner sous la carlingue l’étendue bombée de l’océan épouser la couleur du ciel et, en son sein, d’autres troupes d’orques. De retour des fjords norvégiens, elles croiseront peut-être la troupe D de Colombie-Britannique au hasard de leur route.

J’ai scruté, durant mon séjour, avec une résignation croissante l’horizon. La troupe D est arrivée comme prévu. Pas Dalva. J’ai voulu imaginer que ses compagnons me chantaient de ne pas être triste, que c’est la vie. La vérité tient toute dans cette banalité, c’est la vie. Tant pis pour ceux qui l’idéalisent. Depuis quand et comment est-elle morte ? On meurt un jour parce qu’il le faut, voilà tout.

D1 Deuxième partie sur trois

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Jeudi, 25 Juin 2015. , dans La Une CED, Ecriture, Ecrits suivis

 

En attendant d’embarquer un de ces jours, je scrute les tourbillons. Le varech y dessine des chevelures gluantes comme en porteraient des sirènes qui se négligent. Peut-être Dalva va-t-elle surgir brusquement, cette perruque sur la tête, projetant en l’air une proie qui aurait eu la folie de s’y croire à l’abri. Mais les orques ne surgissent brusquement que pour qui ne les a pas guettées et je guette, ratissant du regard les flots jusqu’à l’autre berge et ses forêts de thuyas. Souvent, ma vue se heurte contre des bateaux promenant leur cargaison de touristes avides de photographies.

Si j’étais aventureuse, je soudoierais le cétologue pour qu’il m’emmène avec lui à Crozet. Dans le jabotement des manchots et le rugissement des lions de mers, il y observe une progéniture apeurée mourir, dès sa première sortie, dans la gueule des épaulards – cet autre nom de l’orque. Mais quand, longeant la rive, je suis doublée joyeusement par l’aileron de Dalva ou d’autres, je cultive le secret de ma passion pour elles.