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Articles taggés avec: Ayres Didier

Hautes Huttes, Gérard Pfister (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 17 Août 2021. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie

Hautes Huttes, Gérard Pfister, éditions Arfuyen, juin 2021, 384 pages, 19,50 €

Le poème obombré

J’avais quelques scrupules à indiquer que ce recueil de 1000 poèmes, de Gérard Pfister, a agi en moi comme un moment de dialectique, interaction donc dynamique et profonde entre le sujet qui raconte et ce que raconte le sujet. Puis, en consultant des définitions – philosophiques –, j’ai pensé que ces poèmes pouvaient vraiment articuler une part du réel et un univers, une vision, un style – se démarquant ainsi de la terminologie d’Engels sur le raisonnement dialectique. Car en regardant quelques mots de ces quatrains comme cendre, lampe, la brume, la pénombre des eaux, je crois que l’on peut dire non seulement que cette poésie fait mouvement intellectuel autour d’un dialogue philosophique, mais également fonctionne comme un glacis.

Cendre qui indique l’essence des choses prises dans une ordalie poétique, cendre de la cendre (chère à Derrida) ; matière résiduelle et impalpable de la brume, gouttelettes de pluie formant un écran vernissé ; ou encore lampe qui dans son cercle tremblant confine l’âme du poète dans une inquiétude et presque une douleur ; pénombre de l’eau, où l’écran des eaux du ruisseau fabrique une couche aqueuse sur le lit de pierre du cours d’eau.

L’Espoir musicien, Alain Lévêque (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 07 Juillet 2021. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

L’Espoir musicien, Alain Lévêque, éditions La Coopérative, mai 2021, 80 pages, 12 €

Chercher

Chercher est le premier mot qui m’a traversé à la lecture de L’Espoir musicien. Et cela grâce à une implication poétique de l’auteur, qui signe ici son deuxième recueil de poésie, mais qui a publié des études, des essais, des livres traitant de l’art contemporain par exemple.

Univers ? Sans doute. Surtout, poète qui va à la découverte intérieure (du soi-même, si je puis dire) et qui, de cette manière, reste fluide, ouvert, mouvant, meuble. La découverte de soi en passe là par l’étude poétique d’un mouvement, d’une équation vectorielle.  De là encore l’impression d’un allant, d’un amble du poème, flux capable de faire cohabiter le lecteur avec l’idée du seuil, du passage.

Et cet écoulement, cet exorde amoureux qui se poursuit en quelque sorte, sollicite autrui, l’autre, l’Autre peut-être. Toujours est-il qu’il y a une adresse à l’Aimée (fût-elle celle du Cantique). L’amour de l’autre étant devenu une mémoire des gestes, des humeurs, de la joie et de la tristesse. Il demeure une figure de lumière. Ce qui me rappelle nettement mon premier sentiment à l’égard des Yeux d’Elsa. On y reconnaît avec inquiétude presque, l’empreinte d’une sensation d’amour, et ce faisant, d’une quête.

Le Manscrit, Olivier Domerg (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 05 Juillet 2021. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Le Manscrit, Olivier Domerg, éditions Le Corridor Bleu, avril 2021, 232 pages, 18 €

 

Le poème itinérant

Je découvre avec ce livre le travail d’Olivier Domerg en son obsession poétique autour du Puy de Manse. Texte poétique que je rapprocherais des Eaux étroites de Gracq. C’est bel et bien une forme d’envahissement de la montagne du massif des Écrins qui coule dans le poète. Cette infusion ressemble à l’immersion de l’Èvre, fleuve fameux du voyage de Gracq dans le Maine-et-Loire. Ce Puy-là va au-delà de sa présence physique devant le poète. Mais avec un surgissement, une surabondance d’épithètes, de liens avec l’aspect pierreux, les tons et les couleurs végétales. Cette montagne est plus sujet qu’objet, car elle fertilise le poème et lui donne sa nature : non pas une contemplation mais un labeur actif (comprenant celui de l’ascension physique).

Nous sommes donc devant un texte transversal, qui va horizontalement de l’écriture au paysage et inversement. Phénomènes de va-et-vient. Construire la montagne par sa lecture. Reconstruire sa promenade par la littérature. Poésie itinérante. Écriture presque matérialiste dans laquelle la parole ne quitte pas son motif. Le spectacle des lieux comme page blanche.

La fête invisible, Gabrielle Althen (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 30 Juin 2021. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

La fête invisible, Gabrielle Althen, Gallimard, mai 2021, 128 pages, 14,50 €

 

La fête du désir

Le temps, en avance d’une paix sur notre bonne volonté, attend le cœur. Pourquoi ne pas savoir que la terre est toute rouge, la nuit, quand le ciel soulève un peu sa chape et qu’un chant se réserve, né d’on ne sait où, entre le plomb de l’air et nos soupirs, et le désir, qui se sait devancé, parfois s’immobilise et s’étonne.

C’est à une poésie désirante que nous avons affaire avec le dernier recueil de G. Althen. Poèmes désirants donc, ce qui tend l’écriture sur un arc au-dessus du vide – si l’on admet que le désir crée une vacance, qu’elle lui est coextensive. L’absolu n’existe que relativement à la finitude ; le poème donc n’existe que par sa relation avec l’arrière-monde, l’univers du poète. Donc dans une dialectique entre le profond et l’apparent.

Ouvrière durée, Gilles Lades (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 28 Juin 2021. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie

Ouvrière durée, Gilles Lades, éditions Le Silence qui roule, avril 2021, 104 pages, 15 €

Le poème-paysage

Dès les premiers vers du recueil Ouvrière durée, l’on est pris par l’attention que porte le poète à son pays. Je dirais même que l’on y trouve le goût d’une espèce de road-movie à la française, devenant ici un road-poetry. Cette durée notamment signifie la patience qu’il faut avoir pour vagabonder dans les collines et les bois d’un pays que j’ai identifié comme un paysage du Lot. Vagabonder ne voulant pas dire paresse, mais au contraire travail au-dedans du poète en ses images, en son répertoire, en sa vision et son chant (champs devenant contrechamp du poème). Oui, un herbier, mais composé de plantes et de végétaux simples, abordables, pas exotiques, ceux d’une terre sobre et laborieuse. Car il s’agit tout à fait de l’habitation du poète, de celui qui veut habiter le monde en poète.

Cette durée bergsonienne, celle du sucre qui se défait lentement de sa compacité pour infuser dans un liquide, prend, sature, infuse justement la durée du labeur du poète. Écrire le paysage, c’est abandonner son temps pour le temps primordial du poème, de la naissance du texte au milieu d’une colline et de sa fin dans le livre. C’est une question d’infusion.