Le métier d’écrivain, Hermann Hesse (par Didier Ayres)
Le métier d’écrivain, Hermann Hesse, Payot-Rivages, mai 2021, trad. allemand, Nicolas Waquet, 90 pages, 14,90 €
Exigence
L’exigence, tel est le mot qui vient vite à l’esprit au milieu de la lecture tout à fait originale de ce projet littéraire que l’on pourrait rapprocher des Lettres à un jeune poète de Rilke. Hesse y décrit ce que la littérature veut dire, ce dont l’artiste a besoin, au niveau du style déterminé par la foi et dans la composition graphique de l’écriture. C’est l’exigence d’inventer, de prendre garde à tout, de ne rien laisser au hasard, et de voir jusqu’en la graphie des manuscrits une sorte de secret haut, enclin à étoffer la personne de l’écrivain. Hesse reste sur un chemin escarpé, allant vers la perfection autant matérielle que transcendante, nécessitant la rigueur à employer pour construire une œuvre littéraire.
Il faut détailler un instant et regarder comment ce livre opère comme gésine de l’écriture. Pour cela le livre doit bénéficier d’une assiduité, celle d’un écrivain cherchant la représentation unique, laissant apparente la lutte contre la médiocrité, grâce à sa ténacité. L’auteur est sujet à la métamorphose, seul accomplissement de l’opiniâtreté.
Mais le choix du sujet est une question qui n’est plus pertinente lorsqu’il s’agit vraiment de littérature. L’écrivain ne choisit jamais son « sujet », c’est-à-dire les personnages principaux d’un livre et les problèmes spécifiques qu’il aborde. Au contraire, le sujet n’est autre que la substance originelle de toute œuvre littéraire, vision de l’écrivain et fruit de son expérience intérieure.
C’est très certainement vers une verticalité que Hesse écrit. L’écrivain suit une boussole imaginative, pour rencontrer une page, un texte, un livre, l’œuvre. L’artiste doit être intransigeant comme on l’attend d’une divinité. Donc, le démiurge est rendu possible, écrire étant cette thaumaturgie ancestrale qui guérit non seulement le lecteur mais l’artiste.
Non, dès lors qu’un homme se dit artiste, je préfère qu’il mène son combat et qu’il paye de sa personne dans les tâches que lui réserve son métier, pas ailleurs.
Et puis, je me suis penché sur cet ouvrage de Hesse car j’ai une relation avec l’auteur du Loup des steppes – texte que j’ai essayé d’imiter au sortir de l’adolescence – et du Siddhartha, lu une seule fois à l’âge de 15 ans. Les romans de Hesse ont eu des conséquences importantes dans ma jeune vie d’alors. On me pardonnera ce détail biographique, mais la leçon morale a été telle. J’ai vu dans Siddhartha la juste figure du bodhisattva et je reste inspiré par cette tendance de soin à autrui – plutôt qu’emprisonné par l’égoïsme d’une vocation monastique. Ce qui laisse comprendre que j’ai reçu pleinement ce Métier d’écrivain.
Le mot « écriture » me fait d’abord penser à une activité humaine et plus ou moins mentale, à la peinture, au dessin, au griffonnage de lettres ou de hiéroglyphes, à la littérature, à la correspondance, aux journaux intimes, aux factures, aux langues indo-européennes et rationnelles, ou aux langues imagées et concrètes de l’Asie du Sud-Est.
Didier Ayres
- Vu: 1980