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Articles taggés avec: Abraham Patrick

Revue Contrelittérature, n°6, année 2023, Anarchie souveraine (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Mercredi, 31 Janvier 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Revues

Revue Contrelittérature, n°6, année 2023, Anarchie souveraine, Contrelittérature éditions, 2023, 197 pages, 15 €

 

L’anarchie, et l’anarchisme, n’ont pas bonne presse aujourd’hui. On pourrait même qualifier la pensée anarchiste de quasi absente dans le paysage idéologique contemporain – dans le paysage visible du moins. Ou, lorsqu’on l’évoque, c’est pour la révoquer : on l’associe au chaos, au tumulte, à la désagrégation. L’avenir, on le sait, est plus que jamais au spectacle, c’est-à-dire à la marchandisation, matérielle comme humaine, à la réduction des individus à leur capacité à consommer et à la numérisation (qu’on prenne ce terme en son sens le plus vaste). Astolphe de Custine, dans La Russie en 1839 (réédition Classiques Garnier, 2018), parle des villages de façades qui faisaient croire à Catherine II, lors de ses voyages dans les provinces reculées, à la prospérité de son Empire. Nos démocraties de façades, bien qu’elles ne dupent personne (excepté ceux qui ont intérêt à être dupés, ou à le laisser entendre), ont plus de solidité que les bourgades inexistantes destinées à leurrer la tsarine.

Raymond Radiguet, Un jeune homme sérieux dans les années folles, Chloé Radiguet, Julien Cendres (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Jeudi, 18 Janvier 2024. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Robert Laffont

Raymond Radiguet, Un jeune homme sérieux dans les années folles, Chloé Radiguet, Julien Cendres, Robert Laffont, octobre 2023, 306 pages, 24 €

 

La récente biographie de Raymond Radiguet par Chloé Radiguet (nièce de l’écrivain) et Julien Cendres a le mérite de resituer l’auteur du Diable au corps dans un contexte familial, social et culturel d’une extrême précision et donc de détruire quelques mythes. Non, Radiguet n’apparut pas dans le ciel littéraire du début des années 20 telle une comète imprévisible. Il ne fut pas non plus un génie paresseux, produisant son œuvre presque malgré lui ou parce que Cocteau l’y aurait contraint : sortant certes beaucoup, s’amusant avec ses amis peintres, poètes ou musiciens à Montmartre, Montparnasse ou ailleurs, il s’astreignit cependant par périodes à un labeur méthodique lui permettant, en si peu d’années, de noircir un nombre impressionnant de pages se rattachant aux genres les plus variés, de la poésie au roman en passant par des saynètes, des articles et des essais ou ébauches d’essais – dont un bref et troublant « Les Prodiges » (pp.475-476 des O.C., Grasset, septembre 2023), daté de l’automne 1920, édité par Cocteau en 1956. Et rien dans cette œuvre ne fut le fruit d’une sorte d’auto-génération spontanée puisque, comme Rimbaud ou Ducasse, dès l’adolescence, il lut (et assimila, s’appropria) énormément.

Prélude à son absence, Robin Josserand (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Vendredi, 12 Janvier 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Mercure de France, Roman

Prélude à son absence, Robin Josserand, Mercure de France, août 2023, 167 pages, 17,50 € Edition: Mercure de France

 

« Voyeur, voyeuse : personne qui aime observer les choses, les gens ; personne qui se plaît à découvrir des choses cachées » ; « voyeurisme : comportement dans lequel se complaît le voyeur ».

Le narrateur de Prélude à son absence, premier roman de Robin Josserand, a trente ans. Il travaille comme bibliothécaire à Lyon et est (ou se prétend) écrivain. Il aperçoit un jour, assis près d’une pharmacie, un garçon d’une vingtaine d’années qui fait la manche. Il s’éprend de lui, lui paye l’hôtel, l’héberge, le finance, l’emmène en vacances à l’île de Groix, n’obtenant, en échange de son assiduité et de sa sollicitude, que de vagues étreintes et des demi-baisers monnayés.

Nous avons donc ici le récit d’une fascination – pour le corps du garçon, prénommé Sven avec opportunité, et aussi sans doute pour quelque chose de plus flou, de plus lointain, de moins défini, comme si le consentement de Sven, retardé et illusoire, devait annuler pour le narrateur, en les transfigurant, déceptions, manques, échecs antérieurs.

Sur les Œuvres complètes de Raymond Radiguet (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Jeudi, 21 Décembre 2023. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Roman, Grasset

Raymond Radiguet, Œuvres complètes, édition définitive établie par Chloé Radiguet et Julien Cendres, Bibliothèque Grasset, octobre 2023, 942 pages, 30 €

 

Le principal reproche que l’on pourrait faire à cette nouvelle publication des Œuvres complètes de Radiguet, c’est qu’elle est dépourvue d’appareil critique, excepté une brève préface et des repères biographiques et bibliographiques assez précis : le lecteur découvre ou redécouvre l’intégralité des textes écrits par Radiguet durant sa courte vie sans intercesseur, sans qu’une interprétation préalable lui soit imposée ; il entend une voix.

La disparition de Radiguet, le 12 décembre 1923, lui a joué un mauvais tour. Comme pour d’autres « passants considérables », pour Rimbaud, pour Ducasse, pour Srecko Kosovel, le poète slovène, vaincu par une méningite à vingt-deux ans en 1926, pour Andrés Caicedo, le magnifique auteur de Que vive la musique !, suicidé le 4 mars 1977 à vingt-cinq ans, le mythe Radiguet a parfois occulté l’œuvre, la reléguant à l’arrière-plan, comme si elle n’était que l’illustration négligeable d’une existence foudroyée.

Je t’aime jusqu’à la mort, Correspondance avec Jean Desbordes, 1925-1938, Jean Cocteau (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Vendredi, 01 Décembre 2023. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Je t’aime jusqu’à la mort, Correspondance avec Jean Desbordes, 1925-1938, Jean Cocteau, éditions Albin Michel, octobre 2023, 273 pages, 22,90 €

 

 

Sur une Correspondance

Lisez Je t’aime jusqu’à la mort, Correspondance de Cocteau avec Jean Desbordes, 1925-1938 ; ne lisez pas Le Glorieux et le Maudit d’Olivier Charneux, chroniqué dans cette revue il y a quelques mois ! Comme le souligne Marie-Jo Bonnet qui a rassemblé cette correspondance et qui la présente avec talent et érudition, la rencontre entre Cocteau et Desbordes a été autant érotique, au plein sens du mot, que littéraire. Le jeune homme de dix-neuf ans qui a écrit à Cocteau en 1925 pour lui exprimer son admiration après la parution du Grand Écart puis qui lui rend visite frappe l’auteur du Cap de Bonne-Espérance à la fois par sa beauté et par les textes qu’il lui soumet, que Cocteau contribuera plus tard à faire publier.