Identification

Seuil

Les Éditions du Seuil sont une maison d'édition française créée en 1935.

Maison très respectée dans le milieu de l'édition, entretient de bons rapports avec ses auteurs. Elle a notamment publié les œuvres de Jacques LacanRoland BarthesPhilippe Sollers (première période) ou plus tard Edgar MorinMaurice Genevoix ou Pierre Bourdieu.

Les Ecrits, Journaux et lettres (1941-1943), Etty Hillesum (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 11 Décembre 2024. , dans Seuil, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Pays nordiques

Les Ecrits, Journaux et lettres (1941-1943), Etty Hillesum, Seuil, 2008, trad. néerlandais Philippe Noble, Isabelle Rosselin, 1088 pages, 37 €

 

Etty Hillesum grandit plus vite que son ombre. Sa pleine humanité mûrit en deux ans (1941-1943), et de manière d’autant plus surprenante et émouvante qu’elle croît – en responsabilité, en justesse – déjà à peu près (historico-politiquement) condamnée, certaine de finir vite et lamentablement sa vie, comme Juive traquée de la Hollande vaincue. Bref : elle se sait grandir (d’esprit et de destin – puisque l’adolescence est terminée) pour autre chose que sa propre vie adulte (dont elle n’aura à peu près, comprend-elle, aucune chance de jouir). Son immense effort n’avait donc, consciemment, pas elle-même pour but. Une jeune femme de 27 ans, très sensuelle et infiniment vive, s’avouant – dès les premières lignes de son Journal – « je ne suis en tout cas pas mon but », cela étonne et promet.

Vivre à ta lumière, Abdellah Taïa (par Luc-André Sagne)

, le Lundi, 22 Mai 2023. , dans Seuil, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Maghreb

Vivre à ta lumière, Abdellah Taïa, Le Seuil, mars 2022, 208 pages, 18 €

 

Vivre à ta lumière, le dernier ouvrage paru d’Abdellah Taïa, met en scène une femme marocaine à la forte personnalité, Malika, des années 1950 aux années 1990. Met en scène au sens propre tant est forte l’impression d’être sur les planches d’un théâtre, devant une parole toute-puissante qui se livre, celle de Malika, en un long monologue que viennent parfois interrompre, mais toujours brièvement, d’autres paroles. Une oralité qui emporte tout. Si l’on suit ici un ordre plutôt chronologique (le précédent ouvrage de l’auteur en revanche, Celui qui est digne d’être aimé, remontait le temps), c’est peut-être parce qu’Abdellah Taïa a voulu faire de ce monologue un récit, historique autant qu’intime, celui de la vie de cette femme, de la jeune veuve de 20 ans à la « vieille » femme de 65 ans, dans un Maroc en pleine mutation, de la décolonisation au règne du roi Hassan II.

Le Glorieux et le Maudit, Olivier Charneux (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Jeudi, 20 Avril 2023. , dans Seuil, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman

Le Glorieux et le Maudit, Olivier Charneux, Le Seuil, mars 2023, 268 pages, 19,50 € Edition: Seuil

 

Quand l’imagination s’ankylose ou devient suspecte, l’autofiction est un recours facile. Autre commodité : écrire la biographie arrangée d’un auteur à demi obscur ; faire ajouter « roman » sur la couverture pour appâter le chaland ; se présenter comme un redresseur de torts, un réparateur d’injustices ; viser un public moyen – moyennement cultivé, moyennement intéressé, moyennement paresseux. Avec un peu de chance et une solide campagne de promotion, le succès sera au rendez-vous. On peut rêver, avec plus de chance encore, à une adaptation cinématographique ou, de façon plus modeste, à un téléfilm diffusé en prime time.

Après le médiocre Mourir avant que d’apparaître, de Rémi David (1), chroniqué ici-même, consacré à la relation passionnée entre Genet et Abdallah Bentaga, voici Le Glorieux et le Maudit d’Olivier Charneux qui retrace l’histoire d’amour (tumultueuse) entre Jean Cocteau et Jean Desbordes, né en 1906 à Rupt-sur-Moselle et qui succéda auprès de l’Oiseleur à Raymond Radiguet.

Le Bois de la nuit, Djuna Barnes (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 17 Janvier 2023. , dans Seuil, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman

Le Bois de la nuit (Nightwood, 1936), Djuna Barnes, Editions du Seuil, 2014, trad. américain, Pierre Leyris, 203 pages, 18 € Edition: Seuil

 

Djuna Barnes est américaine. Il est important de le rappeler d’entrée, tant sa prose, d’une beauté suffocante et d’une profonde poésie, et son approche des portraits, évoquent le style des grands romanciers et poètes anglais de l’époque élisabéthaine. Djuna est imprégnée aussi de littérature et de culture françaises et elle s’installe à Paris en 1920 : la dimension autobiographique de ce roman apparaît d’autant plus que c’est dans cette ville qu’il se déroule principalement.

Dans sa préface de 1937, T. S. Eliot dit que « seules les sensibilités exercées à la poésie pourront l’apprécier tout à fait ». Et il est difficile de prétendre le contraire. Tout l’art subtil et malin de ce roman est dans la langue, le style, les syncopes, le rythme. Les images utilisées font parfois sursauter, visiblement empruntées à l’art baroque ou au style de Shakespeare : Robine Vote, l’héroïne qui emprunte beaucoup à Djuna Barnes, est décrite comme « la vision d’un élan s’en venant dans une allée d’arbres, enguirlandé de fleurs d’oranger et d’un voile nuptial, un sabot levé dans l’économie et la crainte ».

Le Dernier des Justes, André Schwarz-Bart (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 21 Octobre 2022. , dans Seuil, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Points

Le Dernier des Justes, André Schwarz-Bart, Points, 448 pages

Est-il un roman plus bouleversant, plus poignant, plus accablant, plus désespérant que celui-ci ? On a écrit, on a dit, on a fait des documentaires et on a publié, à juste raison, des sommes de documents écrits, photographiques, audiovisuels sur la Shoah, sur l’Holocauste. Primo Levi en a livré un effroyable témoignage. Steiner a « raconté » Treblinka. Il y a eu Nuit et Brouillard, les minutes du Procès de Nuremberg. Des survivants ont témoigné, douloureusement. On a filmé, on a « visité » Auschwitz, Buchenwald… Qui affirme n’avoir aucune connaissance de l’horreur est ignare, hors du temps, ou menteur. Bien sûr, hélas il y a les immondes révisionnistes, les crapules négationnistes. Ceux-là, qu’ils aillent au diable ! La puissance du Dernier des Justes annihile leur puante existence. Car la haine antisémite n’est pas, l’expose ici magistralement Schwarz-Bart, « seulement une histoire du XXe siècle » : ça dure, ça se répète, ça revient, c’est récurrent, depuis les siècles des siècles de « l’ère chrétienne » fondée sur « l’amour du prochain ». Du début à la fin du récit que le présent ouvrage fait commencer précisément le 11 mars 1185, on constate, on confirme, on ne peut que reconnaître que notre « civilisation », loin de s’améliorer, de « s’humaniser », tombe et retombe, régulièrement, dans l’inhumanité, la bestialité, la barbarie, en particulier et de façon odieusement systématique à l’encontre des communautés juives.