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Roman

Corps à l’écart, Elisabetta Bucciarelli

Ecrit par Cathy Garcia , le Mardi, 21 Janvier 2014. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Italie, Asphalte éditions

Corps à l’écart, janvier 2014, traduit de l’italien par Sarah Guilmault, 224 p. 21 € . Ecrivain(s): Elisabetta Bucciarelli Edition: Asphalte éditions

 

Corps à l’écart, corps au rebut, comme la plupart des personnages principaux de ce roman de la désillusion, qui se déroule principalement dans une immense décharge, accolée à une usine d’incinération dans une ville sans nom du nord de l’Italie. Qu’ils soient des adolescents en rupture, comme Iac et Lira Funesta, ou des adultes accidentés de la vie, comme Saddam le Turc, le géant Argos du Zimbabwe, ou le Vieux, alcoolique au dernier stade de la clochardisation, tous ont en commun de vivre dans ce qu’ils appellent la « zone de vie », située dans une partie de ce no man’s land sordide, qui accueille chaque jour, dans les allers-retours incessants de camions et de pelleteuses, tous les déchets de la ville. La décharge elle-même est un personnage à part entière du roman, avec tout son cycle organique d’absorption, déglutition, transformation de tout ce que la société ne veut pas, ou plus, voir. Déchets pour les uns, source de richesse pour les autres, qui savent comment recycler l’inutilisable, redonner une deuxième, voire une troisième vie au grand tout jetable. La décharge ainsi recèle souvent au sein de la crasse bien des trésors et comme tout microcosme, elle a ses habitudes, ses rythmes, ses règles et ses mythes. Ainsi la Chose qui règne dans ce lieu où l’on évite d’aller : la Putride. Sorte de marécage fangeux pestilentiel qui avale tout ce qui passe à sa portée et régurgite parfois d’étranges choses.

Encore cinq minutes Mariá, Pablo Ramos

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Lundi, 20 Janvier 2014. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Amérique Latine, Métailié

Encore cinq minutes Mariá, traduit de l’espagnol (Argentine) par Bernardo Toro, octobre 2013, 160 pages, 17 € . Ecrivain(s): Pablo Ramos Edition: Métailié

 

Encore cinq minutes… c’est le délai que s’accorde Mariá… là, dans son lit, quelque part dans la banlieue de Buenos Aires, avant que l’aube ne pointe ses pâles lueurs et que le train-train de sa vie ordinaire ne reprenne ses droits ; cinq minutes qui vont se renouveler au fur et à mesure que Mariá, soixante ans, entrouvre les pages de sa mémoire à ce que fut son existence, son parcours d’épouse et de mère. À ses côtés, « cet homme  qui ne se réveille jamais, même si un train lui passait dessus, il continuerait à dormir ». Et dans ce rêve éveillé qui n’en finit pas, dans cette petite chambre sans fenêtre, la voix de Gabriel, l’un des enfants, sans doute le plus chéri « – Et toi, même morte, tu continuerais à exécuter ses ordres maman ».

Cinq minutes… notion du temps qui se délite et un mélimélo de souvenirs… qui, peu à peu et dans un désordre chronologique comme il sied aux divagations nocturnes, brosse le portrait d’une femme qui sous l’apparente banalité d’une vie dédiée au quotidien des tâches ménagères, à la soumission à un homme travailleur, mais parfois violent, à l’éducation de quatre enfants, affectueux mais également rebelles ou suicidaires et dont les relations avec le père sont minées par le silence et l’incompréhension, a vécu aux frontières d’une vie qui aurait pu être radicalement différente.

Mort et vie de Lili Riviera, Carole Zalberg

Ecrit par Victoire NGuyen , le Lundi, 20 Janvier 2014. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Babel (Actes Sud)

Mort et vie de Lili Riviera, 8 janvier 2014, 154 pages, 7 € . Ecrivain(s): Carole Zalberg Edition: Babel (Actes Sud)

 

Une descente aux enfers

Lili Riviera, née Liliane Rivière, est une jeune fille ordinaire et rêveuse. Cependant, les fées qui se sont penchées sur son berceau lui ont assigné un destin tragique. En effet, livrée à une mère au cœur de glace et soutenue par un père aimant mais lâche, la petite fille grandit dans un univers étriqué et sans amour. Son besoin d’affection la pousse dans les bras des petites frappes et souteneurs. Ceux-ci, flairant sa fragilité, l’exploitent et la jettent à la pâture d’une foule en délire, tantôt fascinée par ses formes monstrueuses tantôt dégoûtée par son audace de freak. Son mal-être et ses failles psychologiques l’emmènent aux confins de la folie et l’abandonnent à la froide solitude du monde.

Dans un style simple et dépouillé de toute artifice littéraire, Carole Zalberg s’emploie à décrire l’univers pathétique et misérable qui environne la vie et la mort de cette « star » de l’effeuillage érotique et pornographique. Le roman s’ouvre sur sa mort. Sans concession, l’auteur entraîne son lecteur dès les premières pages dans l’univers glauque et poisseux de la défunte :

Sphinx, Christine Falkenland

Ecrit par Victoire NGuyen , le Samedi, 18 Janvier 2014. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays nordiques, Actes Sud

Sphinx, trad. du suédois par Anne Karila, 8 janvier 2014, 228 pages, 21 € (et 15,99 € en version numérique) . Ecrivain(s): Christine Falkenland Edition: Actes Sud

 

Obsession

Une femme, quittée par son époux, un certain Félix, apprend par une connaissance que ce dernier a refait sa vie avec une femme riche nommée Claire avec qui il a un fils, Adam.

La femme, dépitée et profondément dépressive, décide de s’introduire dans la vie de ce couple. Elle entreprend alors d’écrire de longues lettres à Claire qu’elle appelle « la deuxième épouse » pour lui révéler la vraie nature abjecte de son mari. Cependant, au fil de la lecture, on perçoit de plus en plus les failles de cette femme. Artiste ratée, extrêmement possessive envers sa fille Ma, obsédée par le prix des choses et par l’argent, elle ne cesse de ressasser, de souligner maladivement ses échecs et ses manquements. Ses parents l’évitent bien qu’ils subviennent à ses besoins. Le père de Ma la fuit. Sa fille est elle aussi perturbée, sûrement contaminée par la folie de sa mère et sa relation fusionnelle avec elle. La femme sait que quelque chose a déraillé en elle. Elle verbalise d’ailleurs son mal avec une certaine lucidité : « Il s’est passé quelque chose qui me fait perdre l’équilibre ».

C’est quoi ce roman ?, Corinne Devillaire

Ecrit par Martine L. Petauton , le Samedi, 18 Janvier 2014. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Thierry Marchaisse

C’est quoi ce roman ?, janvier 2014, 224 pages, 19 € . Ecrivain(s): Corinne Devillaire Edition: Thierry Marchaisse

 

Titre adapté, tant dans les mots que dans le point d’interrogation. C’est ce qu’on se dit en abordant les premières pages, mais très vite on complète – c’est quoi ? on veut savoir ! et de lire – grandes enjambées enthousiastes… une pincée d’heures de lecture jouissive !

Roman de littérature « française » (cette compétence labellisée à faire surgir les remous des familles). Comme tant d’autres, plus ou moins attachants, ou même réussis ? Et bien, non ! Tout autre chose, presque indéfinissable : une ratatouille, un salmigondis de sentiments, de relations et rapports entre les uns, les autres, et même le chien. Famille « brouillée », signaux compliqués ; chemins sans repères. Labyrinthe… dans lequel Corinne Devillaire se plaît à nous perdre de la première à la dernière de ces étranges pages.

Tableau posé en quelques lignes : le père, la mère – attention, psy de métier ! un gamin attachant – très –, Pierre, deux filles, Clarisse et Clotilde – grandes ados oscillant entre secrets et mal être qui sied à l’âge, à l’abri d’un scolaire surdoué. Génération qui précède : une grand-mère d’un genre particulier, un grand-père d’un second mariage, Robert –  attention, le chien se nomme aussi Robert – encore plus à part…