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Roman

Infini. L’Histoire d’un Moment, Gabriel Josipovici (2ème critique)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 15 Juin 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Quidam Editeur

Infini. L’Histoire d’un Moment, janvier 2016, trad. anglais Bernard Hoepffner, 164 pages, 18 € . Ecrivain(s): Gabriel Josipovici Edition: Quidam Editeur

 

Gabriel Josipovici (1940) a, on le suppose, rencontré la musique de Giacinto Scelsi (1905-1988) et en a subi un choc, une fascination telle qu’il lui a fallu écrire un roman aussi bref qu’intense gravitant autour d’un compositeur, Tancredo Pavone, dont la biographie ressemble comme deux gouttes d’eau à celle de Scelsi. Cela va même plus loin, puisque dans une note en fin de volume « l’auteur aimerait remercier la Fondation Isabella Scelsi, Rome, de l’avoir autorisé à incorporer des fragements des écrits de Scelsi dans son récit ». Là, le lecteur potentiel s’interroge : n’aurait pas mieux valu écrire une biographie de Scelsi, lui qui a déjà fait l’objet de quelques essais ? Etant donné le résultat obtenu par Josipovici, la réponse est sans nul conteste négative : avec Infini. L’Histoire d’un Moment, l’auteur britannique est à la fois bien en-deçà et bien au-delà de l’exercice biographique. Le fait d’avoir créé un double fictionnel de Scelsi et, surtout, d’avoir choisi une forme romanesque originale, permet de centrer son propos sur le phénomène de la création artistique, musicale en particulier, et d’ainsi intéresser n’importe quel lecteur à son propos, pas juste les amateurs de Scelsi – dont les œuvres, il faut bien l’avouer sont quelque peu absconses aux oreilles du néophyte…

La Huitième Reine, Bina Shah (2ème critique)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Lundi, 13 Juin 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Asie, Actes Sud

La Huitième Reine, février 2016, trad. anglais Christine Le Bœuf, 360 pages, 23 € . Ecrivain(s): Bina Shah Edition: Actes Sud

Après de nombreuses années d’exil, suite à une amnistie, Benazir Bhutto atterrit à Karachi le 18 octobre 2007. Elle est pressentie pour devenir de nouveau premier ministre du Pakistan.

Ali Sikandar, à la fois étudiant à Bhutto University et reporter pour la chaîne de télévision privée City24 News, est chargé de couvrir l’évènement. Un attentat a lieu, tuant plus d’une centaine de personnes dont Haroon le cameraman d’Ali. Ce dernier qui sort très choqué de cette épreuve est amené à se poser des questions.

Personnage central, de ce livre, Ali a une vie un peu particulière. Expatrié pendant un certain temps à Dubaï pour suivre ses études, il est obligé de rentrer à Karachi pour aider sa mère et ses frères et sœurs. Son père, qu’il hait, a abandonné sa famille pour se remarier. Ali cache cette situation à ses proches et prétend que son père est mort. Il a peur d’être détesté non pas tellement pour le remariage de son père que pour les origines de ce dernier. C’est un Pir, un féodal appartenant à la classe dominante accusé d’exploiter le peuple. Ali, comme tous jeunes de son pays, se pose des questions sur la politique du Pakistan et ses dérives. Il se demande s’il doit rester ou préférer à nouveau l’expatriation. Dans sa chair, il vit douloureusement son amour pour sa fiancée hindoue à qui il a aussi caché ses origines.

A l’orée du verger, Tracy Chevalier

Ecrit par Anne Morin , le Samedi, 11 Juin 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Quai Voltaire (La Table Ronde)

A l’orée du verger, mai 2016, trad. anglais Anouk Neuhoff, 324 pages, 22,50 € . Ecrivain(s): Tracy Chevalier Edition: Quai Voltaire (La Table Ronde)

 

En dépit de son titre, A l’orée du verger est bien autre chose qu’un roman bucolique, c’est un livre de sueur et de sang, une histoire de fuite, et d’initiation, et au bout de la fuite, de retrouvailles et de réconciliation : le héros, Robert, prend la mesure de son passé, l’envisage pour le recomposer.

C’est un garçon de neuf ans, qui a vécu avec sa famille dans un environnement très rude, auprès de parents très durs, un père indifférent ne vivant que pour ses pommiers, les cinquante arbres qu’il doit faire pousser comme un défi dans une terre qui se refuse, une mère violente, la majeure partie du temps ivre morte, des frères et sœurs accordés au paysage, et puis lui, Robert et sa petite sœur Martha, trop tôt devenus adultes, trop tôt témoins.

A la mort violente simultanée des parents, et sur une dernière parole terrible de la mère : il n’est pas le fils de son père, Robert s’enfuit.

Un petit garçon de neuf ans fuit, pendant presque vingt ans son passé, ce secret révélé, et sa faute : il a abandonné sa petite sœur Martha.

Haute Tension à Palmetto, Erskine Caldwell

Ecrit par Didier Smal , le Samedi, 11 Juin 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Belfond

Haute Tension à Palmetto, novembre 2015, trad. de l’américain par Anne Villelaur, 250 pages, 15 € . Ecrivain(s): Erskine Caldwell Edition: Belfond

En caricaturant de façon plaisante, on peut diviser les amateurs de littérature en deux catégories : ceux qui adorent Erskine Caldwell (1903-1987) et ceux qui n’ont jamais lu La Route au Tabac (1932) ou Le Petit Arpent du Bon Dieu (1933). Les premiers savourent des romans truculents où toute la bonne société bien pensante du Sud des Etats-Unis est écornée au passage ; les seconds ont tout le temps de s’y mettre, d’autant que les éditions Belfond ont décidé de donner à la bibliographie de Caldwell une seconde jeunesse, et que, après Le Bâtard en 2013, c’est au tour de Haute Tension à Palmetto d’entrer dans la collection Vintage de cette maison d’édition.

Ce roman, publié en anglais en 1950, bénéficie désormais, outre d’un titre digne de la Série Noire aux grandes heures de Marcel Duhamel, d’une couverture pop-art représentant une jeune femme aussi avenante qu’alanguie, le tout avec une forte dominante rouge ; plus attirant pour l’œil, on fait difficilement mieux. Reste à vérifier si le ramage vaut bien le plumage et, comme d’habitude avec Caldwell, on est servi : Haute Tension à Palmetto est une charge féroce contre la bêtise, n’épargnant personne, à commencer par son héroïne, Vernona Stevens, jeune institutrice portant un pullover jaune moulant un peu trop bien ses formes voluptueuses et attirantes pour tous à Palmetto, riante bourgade de cinq cent quarante-huit habitants dont les bancs des deux églises, méthodiste et baptiste, sont pleins chaque dimanche.

Les rues d’hier, Silvia Tennenbaum

Ecrit par Stéphane Bret , le Vendredi, 10 Juin 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Gallimard

Les rues d’hier, avril 2016, trad. anglais (USA) Colin Reingewirtz, 623 pages, 24,50 € . Ecrivain(s): Silvia Tennenbaum Edition: Gallimard

 

Le titre de ce roman peut faire penser, de prime abord, à l’ouvrage de Stefan Zweig, Le monde d’hier. On y retrouve des éléments identiques : la description d’un bonheur éprouvé durant les années précédant immédiatement la première guerre mondiale, la nostalgie d’une époque, perçue comme cosmopolite, ouverte à toutes les influences.

C’est, à travers l’histoire de deux familles, les Wertheim et les Süsskind, une véritable fresque historique qui s’offre aux yeux du lecteur et l’entraîne dans les grands épisodes de l’histoire de l’Allemagne contemporaine.

Les Wertheim, dont le patriarche se nomme Moritz, sont des Juifs intégrés, ils participent à la vie économique du pays, ils sont à la tête, par l’intermédiaire de Moritz, d’une prospère entreprise de textile. Ils se rendent au Städel Museum, s’intéressent à la Nouvelle Sécession, mouvement de peinture contemporain du tournant des 19e et XXe siècles. Ils n’ont qu’un lointain souvenir de la Judengasse, l’artère où habitaient les Juifs du ghetto de Francfort, quelques siècles plus tôt…