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Poésie

Un refuge autre que l’exil, Theombogü (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mercredi, 24 Mai 2023. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Un refuge autre que l’exil, Theombogü, Éditions du Cygne, Coll. Voix au poème, février 2023, 60 pages, 10 €

 

Dès le début, avec un texte d’ouverture dédié au « pays » (le Cameroun), le lecteur comprend que l’exil était acté pour l’auteur de ce livre publié aux éditions du Cygne. Au fil des pages l’on entend le cœur d’un homme terrassé par la terreur, aux « frontières de cet immense pays tracées avec le sang des dominés subversifs » :

Au départ…

Ce n’était qu’une grève, une protestation, une revendication…

Et ils sont venus avec leurs armes. Ils ont demandé à tout le monde de se mettre à plat ventre, les deux mains posées sur la nuque.

Ils ont tiré… tiré… tiré… Huit cent mille déplacés… Quatre cent mille exilés… Quinze mille prisonniers… Cent mille morts…

Botaniska poesi, Pierre-Olivier Lambert (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 23 Mai 2023. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Botaniska poesi, Pierre-Olivier Lambert, éditions Ars-Poetica, mars 2023, trad. suédois, Laure-Hélène Dardelay, 111 pages, 18 €

 

Âpreté

Dire en quoi ma lecture s’est appuyée sur le style de l’auteur bordelais Pierre-Olivier Lambert, c’est désigner une pointe sèche, une âpreté de la touche, un caractère maigre (comme on l’oppose au gras en peinture), un lyrisme sourd, une pratique de l’épure, une absence d’emphase, somme toute une poésie taillée sans aucune exagération, une sorte de poésie d’une rigueur crue presque rude. Du reste, la répartition physique de l’ouvrage reprend bien l’idée d’un ordre esthétique. Calme énonciation distribuée en 10 sections de 4 poèmes, assorties d’une dernière section d’un seul poème, correspondant en un sens à la chronicité des saisons et des cycles de la nature. Ici, tout tourne autour du Jardin botanique de Göteborg – d’où la traduction en suédois (ce qui est original pour un livre publié en français).

Le jardin sous la neige, Jean-Michel Maulpoix (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 19 Mai 2023. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Mercure de France

Le jardin sous la neige, Jean-Michel Maulpoix, Mercure de France, mars 2023, 128 pages, 16 € . Ecrivain(s): Jean-Michel Maulpoix Edition: Mercure de France

 

Lyrisme et mélancolie se retrouvent dans ce cinquantième livre de l’auteur, né en 1952 et souvent fêté. Dernière bourse Goncourt de la poésie, Maulpoix est assurément l’un de nos meilleurs poètes de langue française mais aussi un essayiste exigeant, fervent défenseur de Bonnefoy, Verlaine. On lui doit ainsi le brillant Les 100 mots de la poésie (PUF, 2018).

Les poèmes repris sous le titre de la neuvième et dernière partie du livre disent combien la saison morte abreuve de chagrin, de nostalgie, pour l’âge, pour la femme aimée. « A la saison froide » sert d’anaphore à ces textes qui disent le délitement, la perte, les regrets, la solitude.

En brèves proses, tout est suggéré, évoqué dans une langue fluide, ponctuée des tirets d’un dialogue de l’auteur avec soi, puisqu’il ne faut pas « se résigner à tituber » mais poursuivre l’écriture coûte que coûte. Bien sûr, il y a les auxiliaires du rêve, de l’imagination et du sommeil, afin que tout ne soit pas perdu.

En minuscules, Marie-Clotilde Roose (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 15 Mai 2023. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

En minuscules, Marie-Clotilde Roose, éditions Le Taillis Pré, mars 2023, 82 pages, 14 €

 

Dieu en minuscule

Alors que j’entreprends ces lignes, j’écoute le Nisi Dominus de Vivaldi chanté par James Bowman – lequel vient de disparaître –, émouvante cantate sacrée, qui s’adresse à la beauté et à Dieu, ce que je retrouve en partie dans le dernier ouvrage de Marie-Clotilde Roose. Au surplus, ce sentiment de partage de la chose spirituelle construit bel et bien le poème, lui aussi appel métaphysique. Et je veux parler de deux immanences, celle du divin et celle de la créature, individu en conversation avec le général (si l’on suit cette idée dans Kierkegaard). Livre d’heures ainsi lié à la langue du poème qui devient quelque chose comme une prière, immanence qui se dirige vers le Créateur. Humilité de ces minuscules, effacement de l’égo, simplicité relative de la relation créateur/créature.

Œuvres poétiques, Yves Bonnefoy, La Pléiade-Gallimard (par Léon-Marc Levy)

, le Mercredi, 10 Mai 2023. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, La Pléiade Gallimard

Œuvres poétiques, Yves Bonnefoy, La Pléiade-Gallimard, avril 2023 (Édition d’Odile Bombarde, Patrick Labarthe, Daniel Lançon, Patrick Née, Jérôme Thélot), 1808 pages, 79 € jusqu’en octobre 2023 Edition: La Pléiade Gallimard

 

Inquiétude est le chemin sans cesse recommencé de Bonnefoy. Sa source, sa chair et, on peut se demander, sa quête. Car jamais il ne se plaint de cette angoisse de l’âme, parce qu’il sait que c’est là que naît sa poésie. Que naît la poésie.

Cette magistrale édition de l’œuvre de Yves Bonnefoy en La Pléiade-Gallimard met à jour l’immense diversité de son inspiration en même temps qu’elle révèle, comme une évidence, son immense unité. Toute l’œuvre, prose et vers, est frappée au sceau de l’inquiétude qui insère dans ses textes une tension extrême qui jouxte sans cesse la rupture de ton, de rythme, de respiration.