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Poésie

Cercles intérieurs, Thibault Biscarrat (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 09 Mai 2023. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Cercles intérieurs, Thibault Biscarrat, éditions Conspiration, janvier 2023, 70 pages, 9 €

 

Le sur-poème

Il y a bien plus que de la littérature dans ce recueil de poèmes de Thibault Biscarrat, car ses textes s’appuient sur une vie spirituelle dense et qui ouvre le poème à une espèce de « sur-poème », un poème du poème. Livre appuyé quant à lui sur Ibn Arabi, sur Thérèse d’Avila ou Jean-de-la-croix, en tout cas sur des textes fondateurs de la haute spiritualité humaine. Et cette sphère de l’intellection intuitive, si je puis dire, se conjugue en ajoutant au monde matériel l’univers de la pensée – et de la croyance. Ici, Noé, la Genèse, le Cantique des cantiques.

Je suis le secret des secrets, je suis la fin et l’origine. Mon souffle sculpte la voix des prophètes, je sculpte le chant de l’aède, des poètes. Le poème est une prophétie qui s’incarne à chaque instant. Le poème se dirige vers mon âme. Je connais les secrets, les mystères.

Méditer sans maître, Peter Hart (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 17 Avril 2023. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Méditer sans maître, Peter Hart, éditions Milagro, février 2023, 132 pages, 10 €

 

 

Texte hanté/texte enté

Voilà bien la démonstration en acte de ce que la poésie réserve à celui qui y prête attention. On y voit ici, certes, le contenant, la langue, l’expression ou le style, mais aussi, par transparence, comme en coalescence, le poète lui-même, son humanité, sa personne. Et cette expérience de lecteur revient à cohabiter évidemment avec le langage, mais aussi avec le monde – car le poème a ce double statut : être et paraître. Ainsi, cette fusion de la parole poétique avec la présence propre du poète, nous laisse apercevoir une personne hantée, comme souvent on est habité par le souvenir dans le jeu de la mémoire – organe plastique.

Le Livre des Laudes, précédé de Requiem, Patrizia Valduga (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Vendredi, 14 Avril 2023. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Arfuyen

Le Livre des Laudes, précédé de Requiem, Patrizia Valduga, Arfuyen, février 2023, trad. italien, Christian Travaux, 240 pages, 18,50 €

 

Une poète, à 38 ans, (1991), perd son père ; puis (2004), à 51, son compagnon (le célèbre poète Giovanni Raboni). Elle est déjà célèbre ; elle écrit des choses osées, instruites, maîtrisées. Osées (brillamment sensuelles, utilement scandaleuses) ; instruites (elle cite et traduit Proust, Shakespeare, Valéry, John Donne, Molière…) ; maîtrisées (elle aime s’exprimer en formes fixes de la tradition poétique : elle y puise de quoi évoquer inlassablement – dans de rituelles redites – ce qui ne peut se laisser penser pas même une fois ; et mendier aux Muses, ou aux anges, initiatives remédiatrices et interventions gracieuses, pour ce qu’on n’a pu accomplir pas même une fois). Et soudain, à l’occasion de l’un et l’autre deuil, correspondant aux deux ensembles poétiques ici réunis, la voici qui, improbablement, spectaculairement, et comme farouchement, supplie, régresse et s’humilie :

Elle regrette par exemple d’avoir écrit des poèmes érotiques, non qu’elle en soit honteuse, mais elle craint d’y avoir été inauthentique (d’avoir mis en scène ce que son expérience de la chair réelle n’aurait pu personnellement suivre, ni relayer).

Vous êtes ici, Renaud Ego (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 11 Avril 2023. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Vous êtes ici, Renaud Ego, éditions Le Castor Astral, 2021, 176 pages, 14 €

 

Englobement

Il est difficile pour le lecteur que je suis de résumer mes diverses impressions, tant les 15 poèmes de cet ouvrage nous donnent à découvrir 6 années de travail toujours animées du même entrain. Une poésie dynamique. Ce qui veut dire ici que, le procédé poétique restant le même, la ligature autour de laquelle tournent ces poèmes se déforme et se dilate dans la lecture. Est-ce la fleur manquante faisant le bouquet ? Sans doute, si l’on espère dans le rassemblement de la lecture, de l’inquiétude humaine et de la forme écrite, voyant dans le poème le poète comme fleur absente mais qui à lui seul fait entièrement le poème – c’est d’ailleurs pour moi le point essentiel : voir le poète sous le glacis de son poème. Forme du discours et espace abstrait.

Je reste plus longtemps dans la mer, Dražen Katunarić (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 03 Avril 2023. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Je reste plus longtemps dans la mer, Dražen Katunarić, éditions L’Ollave, décembre 2022, trad. croate, Martina Kramer, Vanda Mikšić, Brankika Radić, 88 pages, 15 €

 

Détails et sommes

J’ai très vite aperçu ce qui fait la forme prosodique de Dražen Katunarić, non pas parce que cela se devine facilement, mais parce que je me suis bercé de ses rythmes, allant du simple au compliqué, du détail à la somme. Je dis détail au vrai sens du terme, c’est-à-dire parfois jugé comme secondaire mais qui ici a toute son importance. Toujours est-il que ce balancement, je dirais du physique au métaphysique, m’a beaucoup séduit et m’a instruit sur ce que peut être la poésie européenne d’aujourd’hui. Je note au passage que la littérature croate semble très fertile, et des éditeurs français de poésie ou de théâtre par exemple font un travail autour de ce que l’on appellerait peut-être une nouvelle vague (?).