Étude d’éloignement, Emmanuel Moses (par Philippe Leuckx)

Le poète est sans doute « cet errant de Thèbes », qui s’est aveuglé au contact de la réalité, et qui se donne d’autres voies pour cerner les certitudes. « La solitude est un étrange don des dieux », dit-il, comme une vérité à creuser. N’est-elle pas aux origines de l’écriture ? de la création ? Le poète, pris de doute, entre rêve et réalité, sonde le monde, et par l’enjeu d’une phénoménologie ordinaire, celui-ci lui répond, divers, singulier, étrange lui aussi.

Sans doute faut-il lire ce petit livre comme une manière d’aveu distancié, brechtien en somme. Sans doute le poème ne s’adresse-t-il pas directement à nous, qui devons le désosser, « on pense à ce qu’on ne voit pas » (p.52). Le poète se pose nombre de questions, et Dieu n’en est pas absent, sur lui-même, sur le chemin, sur l’être, sur le devenir.

C’est toute la beauté de ce petit recueil singulier, qui traite du temps, évoque des souvenirs, des rencontres, trace « une fissure dans l’aube » et qui a « oublié d’où (il) vient ».

Etude d’éloignement :

Observer chaque pas

Les temps d’arrêt et la cadence

L’inflexion de la jambe et l’angle de contact avec le sol

La vitesse et la posture

L’heure et le jour où le mouvement s’est enclenché

Le tout s’avérant parfois difficile

A travers le rideau des larmes (p.58).

Certes, la mélancolie baigne le livre mais les ressources du voir et du dire l’assurent de ne pas tomber ni dans le déni ni dans la confusion. Il reste, au bout, au cœur du monde, l’espérance, celle de mieux vivre, celle de bien comprendre le chemin.

Philippe Leuckx

Emmanuel Moses, écrivain français, a à son compte une quarantaine de volumes, dont : Le rêve passe ; Rien ne finit ; Comment trouver comment chercher ; Monsieur Néant ; Un dernier verre à l’auberge. De nombreuses récompenses littéraires.