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Les Livres

La Valise vide, Kaveh Ayreek (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 12 Décembre 2022. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Poésie

La Valise vide, Kaveh Ayreek, éditions L’Espace D’un Instant, février 2022, trad. du dari (Afghanistan), Guilda Chahverdi, 54 pages, 11€

 

Topographie

Disons, tout d’abord, que cette pièce écrite en dari ne tombe pas dans les clichés. Elle se déroule dans des lieux, qui, pour un simple lecteur, s’agglomèrent, agissent par coalescence. Sommes-nous dans un espace rêvé depuis l’Afghanistan, ou depuis l’Iran, ou encore depuis l’Europe ? C’est là que réside l’intérêt pour l’existence de ces quelques personnes, de ces quelques exilés. Car, au-delà de l’exil se trouve la souffrance. Des êtres déracinés, déterritorialisés, transplantés involontairement. Est-ce la terre natale qui envahit par vagues le lieu d’accueil où se trouve l’auteur (et surtout avec lui le lecteur ou le spectateur) ? Est-ce le désir d’être accueilli ? Est-ce la condition primaire de toute émigration ? Qu’en est-il de cette expatriation ? N’est-elle pas essentiellement un rêve de la terre originelle ? Il faut signaler aussi que ce livre est renseigné par la traductrice et par l’éditeur, même si le texte vaut pour lui-même sans autre explication. On sait donc qu’il s’agit d’une séparation, d’une coupure avec l’ascendance, du tiraillement du sang natif dans les veines de ces êtres de papier.

Des jours de pleine terre, Pierre Perrin (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 09 Décembre 2022. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Poésie, Al Manar

Des jours de pleine terre, Pierre Perrin, septembre 2022, 170 pages, 23 € Edition: Al Manar

 

Quelle âpreté dans ces poèmes qui de l’enfance à aujourd’hui consignent les blessures et les apprentissages d’un enfant, d’un poète, apte à saisir à pleins mots la violence des apprentissages. Les images tombent comme des constats cinglants, pas une trace de sentimentalisme ni d’once de complaisance. C’est « l’odeur d’urine », c’est le « saccage », l’enfant « brûle sans feu », c’est « la nuit qui ravale l’orgueil de l’enfant que nul n’écoute ». La mère n’étreint jamais le petit.

Construit en cinq sections – autant d’étapes d’une vie, le livre choisit une écriture qui puisse au mieux traduire les états d’âme, les sentiments, les effusions, toute émotion née dans le flux des jours, en campagne, dans l’usage de la terre et des bêtes, à l’aune des saisons, au rythme des plaisirs, des peines, des découvertes. L’amour y a une place de choix et les nombreux poèmes adressés à l’aimée disent assez cette période faste où la rencontre a renvoyé bien loin derrière les traumas.

L’écriture, en effet, privilégie les poèmes longs, fortement charpentés, aux images lyriques et à la scansion sûre des classiques :

Vagabonde, Fumiko Hayashi (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 09 Décembre 2022. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Vagabonde, Fumiko Hayashi, éditions Vendémiaire, septembre 2022, trad. japonais, René de Ceccatty, 192 pages, 20 €

 

Sans adresse

Fumiko Hayashi (1903-1951) n’a que 25 ans quand elle écrit Vagabonde. Ballottée « de lieu en lieu à travers tout Kyûshû », elle se sent prédestinée à errer, à l’instar de ses parents commerçants ambulants. Être vagabonde a une signification péjorative et discriminante particulièrement au pays du soleil levant, souvent synonyme de clochardisation (à la suite d’un parcours chaotique, d’une vie de fugitive), ce que l’on nomme aujourd’hui les SDF (sans domicile fixe).

Ce précieux journal-roman offre un descriptif des villes nippones, par exemple la ville de Nôgata, brumeuse, pluvieuse, « dont les corniches des maisons toutes brûlées semblaient bâiller obscurément, et dont les rues étaient parsemées de charbon qui crissaient sous les pieds », et un aperçu pathétique de la population : « ce n’était ici qu’un défilé de femmes maladives qui lançaient des regards perçants. Celles qui sortaient sous le soleil brûlant de juillet étaient vêtues de jupes sales et de vestes de coton léger sans manches ».

Portrait en bleu *, Eve Roland (par Olivia Guérin)

Ecrit par Olivia Guérin , le Jeudi, 08 Décembre 2022. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Nouvelles

Portrait en bleu, Eve Roland, Éditions l’Ourse brune, 2020, 40 pages, 12 €

 

Délicat. C’est le qualificatif qui vient immédiatement à l’esprit pour ce joli petit livre que nous propose la toute jeune maison d’édition L’Ourse brune, qui a ouvert ses portes en août dernier et a fait le choix de publier uniquement des nouvelles. Ce Portrait en bleu d’Eve Roland est d’abord un bel objet, qui tient au creux de la main avec son format menu d’une quarantaine de pages. Papier de qualité, graphisme élégant, couverture aux douces nuances crème et bleues, illustrée par l’artiste Louis-Marie Catta.

Délicatesse : voilà également ce qui caractérise l’écriture de cette nouvelle toute en nuances, dont la quatrième de couverture résume ainsi la trame : « Lorsqu’elle trouve la photo d’une inconnue parmi les affaires de sa tante décédée, la narratrice ne sait pas qu’elle entrouvre la porte d’un secret bien gardé ».

De Perle et de Corail, Tome 1, La Fiancée Varéniane, Mara Rutherford (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 07 Décembre 2022. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Jeunesse, La Martinière Jeunesse

De Perle et de Corail, Tome 1, La Fiancée Varéniane, Mara Rutherford, La Martinière Jeunesse, août 2022, trad. anglais (USA) Céline Morzelle, 496 pages, 20 € Edition: La Martinière Jeunesse

 

Il y a plus d’un siècle, S.S. Van Dine publia dans un article les vingt règles pour écrire des romans policiers, genre alors en plein essor et en vogue aux Etats-Unis ; à charge pour les auteurs talentueux, inventifs, créatifs, de sortir de ces règles, voire de les pervertir – ce sont ceux que l’histoire littéraire a retenus, ceux dont on prend aujourd’hui encore plaisir à lire les romans et nouvelles. Aujourd’hui, nul doute que pourraient être publiées (peut-être le sont-elles, peut-être sont-elles même enseignées durant des séminaires de creative writing) les vingt règles pour écrire un roman de fantasy – et probablement que Mara Rutherford, précédemment journaliste, les aurait imprimées et affichées au-dessus de son bureau avant d’écrire La Fiancée Varéniane, premier tome d’une duologie intitulée De Perle et de Corail.