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Les Livres

Elvis à la radio, Sabine Huynh (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Mercredi, 14 Décembre 2022. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman, Editions Maurice Nadeau

Elvis à la radio, 304 p. 22€ . Ecrivain(s): Sabine Huynh Edition: Editions Maurice Nadeau

 

Dans le cadre de leur jeune collection « A vif », les Editions Maurice Nadeau – Les Lettres nouvelles viennent de publier cet ouvrage de Sabine Huynh, fortement autobiographique, dans lequel auteure, narratrice et personnage principal se confondent, même si, à intervalles réguliers, le JE devient EllE, en une sorte de dédoublement, d’une mise en miroir et d’une distanciation à l’occasion de quoi la narratrice, ayant déporté sa propre personne, fait d’elle un sujet d’observation pour se donner l’illusion d’en saisir plus objectivement les caractéristiques.

Le texte met en scène Sabine, née au Vietnam dans une famille vietnamienne francophone, petite bourgeoise, qui se retrouve socialement déclassée après la victoire du Vietcong et le départ de l’armée américaine.

Sabine a quatre ans, et vit une petite enfance paisible chez sa grand-mère lorsque ses parents prennent le risque de fuir le pays avec leurs enfants jusqu’en France où ils vont vivre une insertion difficile et désenchantée. La période heureuse de l’enfance chez l’aïeule est maintes fois évoquée avec une profonde nostalgie, accompagnée de ressentiment à l’encontre des parents pour l’avoir arrachée à cette femme aimée qu’elle croyait être sa mère.

Shifumi, Laurent Albarracin (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 14 Décembre 2022. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Poésie

Shifumi, Laurent Albarracin, Pierre Mainard éditeur, octobre 2022, 80 pages, 13 €

 

« Poule renard serpent

pierre feuille ciseaux

prendre sans être pris

ou bien plutôt

et mieux dansant

prendre et être pris » (p.62)

 

Shifumi, c’est l’original de notre jeu d’enfants pierre/feuille/ciseaux, avec ses trois signes manuels correspondants, sa règle de présentation simultanée et aléatoire, son principe de dominant-dominé : chaque figure, vaincue par une deuxième, bat la dernière (et s’annule devant elle-même).

Spinoza, Œuvres complètes. La Pléiade Gallimard (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 13 Décembre 2022. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, En Vitrine, La Pléiade Gallimard

Spinoza, Œuvres complètes. Dirigé par Bernard Pautrat. 1952 pages. La Pléiade. 76 € jusqu’au 31/12/2022 puis 82 €. Edition: La Pléiade Gallimard

 

L’œuvre de Spinoza était déjà disponible en Pléiade depuis 1955. Mais la traduction d’alors sentait bien trop l’académisme rigide des universitaires du temps, les canons d’une lecture rigoriste de l’original et surtout l’usage d’une langue très marquée par le jargon philosophique.  Avec cette édition, nous pouvons dire que Spinoza entre, si ce n’est dans La Pléiade, du moins dans le XXIème siècle, et de plain-pied ! La fluidité, la précision, souvent même la poésie de l’écrit spinozien sont ici servis avec un talent réjouissant. Oubliés les erreurs de traduction, les maladresses et contre-sens et surtout oublié l’appareil critique de 1955 qui accumulait les commentaires approximatifs et les erreurs d’interprétation. Spinoza, entier, vibrant de toute la puissance de sa pensée, de toute la séduction de son style. Bernard Pautrat et son équipe ont fait de la belle et bonne ouvrage, les spinoziens et les néophytes peuvent se réjouir. Ils trouveront ici un texte traduit avec grande rigueur et sobriété et dans une langue française clairement abordable pour tout lecteur ayant un peu de culture philosophique, loin de toute érudition inutile et pesante. Bernard Pautrat, le maître d’œuvre de cette traduction, dit :

Flush, Virginia Woolf (par Martine L. Petauton)

Ecrit par Martine L. Petauton , le Mardi, 13 Décembre 2022. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Folio (Gallimard)

Flush, Virginia Woolf, Gallimard Folio, octobre 2022, trad. anglais, Catherine Bernard, 136 pages, 2 €


Tout petit livre – une grosse nouvelle – qui a tout d’un grand livre, puisqu’à l’instar de la formidable Virginia, rien n’est sacrifié, ni l’histoire, ni les personnages, ni le style et l’écriture, juste parfaits. On est comme devant ces – anciens – livres pour enfants qui rabattaient un volet dépliant illustré particulièrement soigné sur l’histoire écrite en gros caractères. Car ce Flush se regarde, s’entend, se sent bien autant qu’il se lit…

C’est l’histoire de la plus sensible et émouvante histoire d’amour qui soit, celle qui lie un animal et sa maîtresse (ceux qui sont imperméables au genre passeront leur chemin). Flush est un cocker anglais, roux, issu des plus anciennes et nobles lignées d’épagneuls.

« De ce brun foncé qui au soleil se couvre d’éclats dorés ; ses yeux de candides yeux noisette, ses oreilles se finissaient en un gland, ses pattes fines s’ornaient d’un dais de franges, sa queue était large ».

Croire aux vampires au Siècle des Lumières, Entre savoir et fiction, Stella Louis (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 12 Décembre 2022. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Classiques Garnier

Croire aux vampires au Siècle des Lumières, Entre savoir et fiction, Stella Louis, Classiques Garnier, mai 2022, 268 pages, 32 € Edition: Classiques Garnier

 

Montaigne, le sage, le pondéré et l’érudit Montaigne, fut le témoin effaré de la chasse aux sorcières (un phénomène qui, contrairement aux idées reçues, ne remonte pas au Moyen Âge), une forme tragique d’hystérie collective qui apparut et s’éteignit d’elle-même, sans que l’on sache pourquoi. Les Essais furent contemporains de la Démonomanie des sorciers de Jean Bodin et de la Démonolâtrie de Nicolas Remy, un juge lorrain dont on aimerait dire qu’il fut à moitié fou, car cela lui fournirait au moins une circonstance atténuante. Au Siècle dit des « Lumières », Voltaire et Rousseau furent les témoins consternés d’une autre forme de psychose collective qui, cette fois, demeura limitée à l’Europe de l’Est et n’affecta pas la France : la croyance selon laquelle des morts pouvaient sortir de leurs tombes pour revenir tourmenter les vivants. Il ne s’agissait pas, si l’on ose s’exprimer ainsi, de banales histoires de fantômes ou de spectres apparaissant aux heures indues, mais de revenants dotés d’un corps matériel, quoique dégradé par leur séjour sous terre.