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La dernière interview, Eshkol Nevo (par Anne Morin)

Ecrit par Anne Morin , le Mardi, 03 Novembre 2020. , dans Israël, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

La dernière interview, Eshkol Nevo, août 2020, trad. hébreu, Jean-Luc Allouche, 468 pages, 24 € Edition: Gallimard

 

La dernière interview… est en réalité une somme de questions – vraies, fausses, prétextes ? – posées à l’auteur – Eshkol Nevo, son double, imaginaire, fantasmé ? – exutoire ? – par des lecteurs supposés, sur Internet : « Ces anecdotes se sont tellement perfectionnées devant les publics successifs que je ne suis déjà plus certain de les avoir réellement vécues » (p.15).

En réalité une trame, une toile tissée abordant, par-delà la vie professionnelle et familiale de l’écrivain en question(s), les thèmes de la vie politique, culturelle, « cultuelle », les grands thèmes de l’armée, de son entrée par effraction dans la vie, du voyage, de l’amitié, de la mort, de l’amour, de la poursuite, en résumé, de l’identité : « (…) L’Israélien que je décrivais dans mes ouvrages ne coïncidait pas avec le cliché qu’ils espéraient voir – un Israël d’oranges, de danses folkloriques et de raid sur Entebbe » (p.102).

Le tunnel, Avraham B. Yehoshua (par Anne Morin)

Ecrit par Anne Morin , le Mardi, 12 Novembre 2019. , dans Israël, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Grasset

Le tunnel, février 2019, trad. hébreu Jean-Luc Allouche, 431 pages, 22,90 € . Ecrivain(s): Avraham B Yehoshua Edition: Grasset

 

Un tunnel n’est pas qu’un passage, c’est aussi un contournement. Cela peut être aussi une restriction de la vision, du sens, une réserve. Dans ce roman, il devient l’allégorie d’une échappée dont la fin, le bout justement, échappe : on en sait l’entrée, jamais la sortie. C’est d’abord un projet que Zvi Louria, ingénieur des Ponts et Chaussées en retraite, fait tout pour mener à bien, porteur lui-même de son propre petit tunnel, cette petite tache sombre qui s’agrandit, creuse son cerveau et sa mémoire, embrouille les données, crée des raccourcis.

Le roman s’ouvre sur la visite de l’ingénieur chez le neurologue à la suite d’une « petite » confusion : Zvi s’apprêtait à ramener chez lui, en lieu et place de son petit-fils, un autre enfant de la garderie. Tout est histoire de distraction : détourner une route, détourner son attention, ou plus exactement la porter ailleurs. Dans ce pays, les relations humaines sont à double tranchant. Ben-Zvi, un ancien président d’Israël dont le portrait trône dans l’ex-bureau de Zvi, en témoigne :

Ajours, Miron-C. Izakson (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mardi, 27 Août 2019. , dans Israël, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

Ajours, Éditions Levant, 2019, trad. Michel Eckhard Elial, Gravure Denis Zimmermann, 58 pages . Ecrivain(s): Miron-C. Izakson

 

« Voici les choses qui retournent à notre premier corps.

Main dans la main elles s’apprennent maintenant,

nous redevenons de tendres cellules

qui n’ont pas encore décidé quel organe servir. (…)

Un cri profond,

le corps d’un homme dans celui d’une femme,

griffure et cascade de pleurs sur le front d’un enfant.

Un homme sur les épaules d’un autre homme

pour franchir ensemble le feu.

Un bâtard en Terre promise, Ami Bouganim (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 02 Mai 2019. , dans Israël, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Un bâtard en Terre promise, Editions La Chambre d’Echos, février 2018, 173 pages, 16 € . Ecrivain(s): Ami Bouganim

La parution de Sérotonine, de Michel Houellebecq, fut l’occasion de rappeler ce principe bien connu des études littéraires : la distinction entre auteur et narrateur. Non, ce n’est pas Houellebecq qui a critiqué telle ville de l’Ouest de la France, mais son narrateur ; de même que c’était le narrateur d’Extension du domaine de la lutte qui affirmait que « Rouen a dû être une des plus belles villes de France ; mais maintenant tout est foutu. Tout est sale, crasseux, mal entretenu, gâché par la présence permanente des voitures, le bruit, la pollution. Je ne sais pas qui est le maire, mais il suffit de dix minutes de marche dans les rues de la vieille ville pour s’apercevoir qu’il est complètement incompétent, ou corrompu » (chapitre 3).

D’un côté, on ne peut s’empêcher de penser que cette distinction entre auteur et narrateur dégage un net parfum de sophistique, qui permet à l’auteur d’écrire ce qu’il a envie d’écrire et de s’abriter ensuite derrière un être de papier. Mais, d’un autre côté, admettre l’existence d’un narrateur permet de résoudre d’inévitables contradictions, voire des apories (qui est le porte-parole de l’auteur, à supposer qu’il y en ait obligatoirement un ?). Le narrateur des Particules élémentaires ou de Sérotonine est et n’est pas Michel Houellebecq. Du point de vue de la logique aristotélicienne, c’est difficile à admettre, mais si Aristote jugeait la fiction supérieure à l’histoire au point de vue de la vérité, il aurait pu en dire autant de la fiction par rapport à la logique.

Un bâtard en Terre promise, Ami Bouganim (par Zoé Tisset)

Ecrit par Zoe Tisset , le Jeudi, 17 Janvier 2019. , dans Israël, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Bassin méditerranéen, Roman

Un bâtard en Terre promise, Editions La Chambre d’Echos, février 2018, 173 pages, 16 € . Ecrivain(s): Ami Bouganim

 

C’est l’histoire d’un exil voulu espéré, ce couple mère et fils quitte Casablanca dans les années soixante pour rejoindre Israël. Ils font partie de la diaspora juive marocaine, le fils est un bâtard judéo-berbère : « Une partie en moi haïssait l’autre en moi. Le juif, l’arabe ; l’arabe, le juif. Je n’ai pas connu la haine de soi. Mais une double haine de soi ». C’est la voix du fils qui s’épelle dans ce livre, douloureusement, car jamais il ne trouvera la paix et la joie. « Je n’ai pas la patience de vivre. Ce n’est pas absurde, c’est incongru ».

On assiste peu à peu à une sorte de désincarnation du narrateur qui perd toute relation avec ce monde étranger qui le renie et l’ignore. Sa seule source « d’être » est de se retrouver sur une terrasse comme s’il était encore à Casablanca. Là-bas, il était promu pour faire des études, il aurait eu une bourse, ici, en Israël, on l’a retoqué à des travaux de champs. On lui refuse la possibilité de devenir médecin. « C’était la même personne que le boursier de l’Alliance, endurcie par les corvées agricoles et galvanisée par trois ans de service militaire, qu’on recalait. Sans raison ; sans excuse ».  Sa mère, volontaire pour ce voyage vers la terre promise, n’osera jamais se révolter ou même critiquer ouvertement le pays d’accueil.