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Israël

Ma grand-mère russe et son aspirateur américain, Meir Shalev

Ecrit par Anne Morin , le Lundi, 09 Septembre 2013. , dans Israël, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

Ma grand-mère russe et son aspirateur américain, traduit de l’hébreu par Sylvie Cohen, mai 2013, 239 pages, 18,90 € . Ecrivain(s): Meir Shalev Edition: Gallimard

 

 

Fable fondée sur un terreau de réalité ou produit de l’imagination de son auteur, Ma grand-mère russe et son aspirateur américain donnent en 239 pages une idée de ce qu’était la vie au mochav pour les populations juives chassées de leurs pays respectifs et condamnées à assimiler une autre langue, à découvrir et adopter un nouvel horizon, à repartir de rien, en un mot à vivre à l’envers la création de Babel.

Tout cela, conté sur un ton léger, effleurant comme en passant la gravité et la dureté de la vie des personnages qui, tant bien que mal, et souvent dans des conditions extrêmes, apprivoisent une terre inhospitalière.

Toute histoire juive recouvre plusieurs interprétations, tout détail donnant lieu à débat :

Une femme fuyant l'annonce, David Grossman

Ecrit par Anne Morin , le Dimanche, 21 Juillet 2013. , dans Israël, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman, Seuil

Une femme fuyant l’annonce, traduit de l’hébreu par Sylvie Cohen, Août 2011, 666 p. 22,50€ . Ecrivain(s): David Grossman Edition: Seuil

Ce n’est pas un livre, c’est un choc. Un bouleversement, un éboulis et une résurgence, ou si l’on préfère, un effondrement et une résurrection. Tous les mouvements de la vie, superbement traduits, une partition.

Ora est cette « femme fuyant l’annonce » de l’éventuelle mort de son second fils, Ofer, au cours d’une opération spéciale pour laquelle, sa période terminée, il s’est porté volontaire. Ora, qui avait prévu de faire une randonnée en Galilée avec lui décide alors d’engager le destin : sa manière à elle de repousser des deux mains la porte sur ce qu’elle refuse de voir advenir. Entraînant de force avec elle Avram, père caché d’Ofer qu’il a toujours refusé de voir, elle se lance dans une pérégrination au cœur de paysages sublimes, enchanteurs, paradisiaques, éclatant de couleurs, baptismaux : « (…) En Israël, les chemins émettent des sons que je n’ai entendus nulle part ailleurs (…) » dit Ora, alors qu’Avram lui répond « tu veux dire que (…) le langage germerait de la terre ? » (p. 504).

S’imaginant conjurer le sort en racontant la vie d’Ofer à son père, nouant le fil et tissant la trame, en le disant elle espère le protéger : tant que l’évocation d’Ofer planera sur leur randonnée, rien ne lui arrivera, il faut détourner de lui le mauvais sort :

Les eaux tumultueuses, Aharon Appelfeld (2ème recension)

Ecrit par Anne Morin , le Samedi, 27 Avril 2013. , dans Israël, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman, L'Olivier (Seuil)

Les eaux tumultueuses, traduit de l’hébreu par Valérie Zenatti, L’Olivier, 188 pages, 19 € . Ecrivain(s): Aharon Appelfeld Edition: L'Olivier (Seuil)

 

C’est une pension où, cette année-là, les habitués se retrouvent en très petit nombre, un lieu symbolique, près de ce fleuve dont les eaux séparent : « Rentrons. Ce parvis me fait peur.

– Pourquoi as-tu peur ?

– Je ne sais pas. J’ai parfois l’impression qu’ils souhaitent venir, et qu’on les en empêche » (p.82).

Microcosme d’une certaine Europe sur le point de disparaître, bientôt enfouie sous la barbarie, d’un monde où tout semble encore possible : y aller ou pas ? Là-bas. Franchir le pas, comme ce fleuve tumultueux qui déborde, qui inonde ses rives, garder la main ou tout jeter aux orties. Recommencer.

En proie à leurs démons – celui du jeu qui les dépasse, addiction qui les réunit aussi si elle ne les unit –, les personnages d’Aharon Appelfeld misent tout sur cette saison de jeu où ils vont se retrouver pour boire et se ruiner, jouer et se dépouiller. Et d’abord, de leur passé.

Les eaux tumultueuses, Aharon Appelfeld

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 11 Avril 2013. , dans Israël, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman, L'Olivier (Seuil)

Les eaux tumultueuses. Traduit de l'hébreu Valérie Zenatti Mars 2013. 188 p. 19 € . Ecrivain(s): Aharon Appelfeld Edition: L'Olivier (Seuil)

 

 

Appelfeld – dans ce roman écrit il y a 25 ans et fort heureusement traduit aujourd’hui enfin par l’excellente et fidèle Valérie Zenatti – nous propose le tableau fascinant d’un monde qui ne l’est pas moins. Fascination qu’exerce la désagrégation, la fin car nous sommes conviés, dans une étrange pension de vacances pour juifs aisés, à assister à une séquence troublante de la fin d’un monde.

Rita arrive, comme chaque année, à la pension Zaltzer pour ses vacances traditionnelles, partagées entre les jeux d’argent, l’alcool et d’éventuelles rencontres érotiques. Elle est la première à arriver, rejointe par bientôt par trois ou quatre autres habitués. Et ils attendent les autres. Bien lents à arriver. Viendront-ils ? Ne viendront-ils pas ? Appelfeld va utiliser cette attente comme une scansion à suspense. Le petit groupe va même, pendant tout le début du séjour, aller régulièrement à la gare, attendre les « arrivants ». Qui n’arrivent pas.

Le bruit de nos pas, Ronit Matalon

Ecrit par Martine L. Petauton , le Lundi, 04 Mars 2013. , dans Israël, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman, Stock

Le bruit de nos pas, traduit de l’hébreu (Israël) par Rosie Pinhas-Delpuech, août 2012, 466 p. 22,90 € . Ecrivain(s): Ronit Matalon Edition: Stock

 

« Le bruit de ses pas : ni un cliquetis de talons, ou un raclement de sabots, ni un frottement de semelles ou de pieds qui traînent sur les pierres du trottoir conduisant à la maison, non. L’absence de bruit de ses pas, l’angoisse qui se répand à l’approche de sa venue, son entrée, le silence absolu, plein, mesuré à l’unité temporelle de douze minutes et qu’annonçait l’arrivée de l’avant-dernier autobus, celui de onze heures, dont elle descendait… ». Tout, presque tout, du livre, dès les premières lignes : longues phrases précises et meublées ; rythme travaillé, lourd et traînant comme le climat de là-bas ; on pourrait dire, une musique – du Slam, par exemple. Densité de tous les micro-faits – arrière-boutique d’un accessoiriste de cinéma, où l’on trouve exactement tout ; bouts de vêtements, couleurs, odeurs. Peu de personnages ; on le sent d’entrée, mais pesant, lourds comme l’or, sur un décor minimaliste, dessiné à la perfection. Langue hébraïque zébrant le récit, dont on garde l’accent, chantant et rauque à la fois, au creux de l’oreille : – ya tawli, ya rouh ! Que tu vives longtemps, mon cœur !