Identification

Iles britanniques

Né au bon moment, David Lodge

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 08 Mars 2016. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Biographie, Rivages

Né au bon moment (Quite a Good Time to Be Born, A Memoir, 1935-1975) traduit de l’anglais par Maurice Couturier, février 2016. 561 p. 24 € . Ecrivain(s): David Lodge Edition: Rivages

 

Pour tous ceux qui connaissent essentiellement David Lodge à travers ses œuvres hilarantes (et elles sont nombreuses*1), il faut dire d’emblée que cette première partie de son autobiographie est largement dominée par un sentiment durable de mélancolie. Lodge raconte ici son enfance, ses parents, les années de guerre, sa jeunesse, ses débuts dans la carrière d’écrivain. Est-il besoin de dire qu’il s’agit là de l’essentiel, des mémoires de l’auteur (il annonce en préface un second volet à venir « si j’en ai le temps »), les fondements d’une vie et d’une œuvre.

Sans cesse, David Lodge établit le lien entre les deux. Il tisse les passerelles entre les émotions, les blessures, les peurs de l’enfance et les traces qu’elles laisseront en lui et dans l’écriture d’une œuvre désormais immense, romans (25 !), biographies, nouvelles, pièces de théâtre. Il écrit, à propos de ses souvenirs de « pension » (qui ne dura qu’une petite semaine !) :

« A présent, je n’arrive plus à distinguer de façon certaine les détails empruntés à ma propre vie, ceux dictés par d’autres œuvres qui ont traité du sujet, comme « Portrait de l’artiste en jeune homme » de Joyce et « Frost in May » d’Antonia White, et ceux de mon invention ».

Infini, L’histoire d’un moment, Gabriel Josipovici

Ecrit par Philippe Chauché , le Samedi, 05 Mars 2016. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Quidam Editeur

Infini, L’histoire d’un moment, janvier 2016, trad. anglais Bernard Hoepffner, 164 pages, 18 € . Ecrivain(s): Gabriel Josipovici Edition: Quidam Editeur

 

« La racine du mot inspiration est le souffle, a-t-il dit, et toute la musique est faite de souffle. Si j’ai donné quoi que ce soit à la musique, a-t-il dit, c’est lui rendre la conscience de l’importance de respirer, de la respiration. On l’appelle ruach en hébreu, et avec ce ruach Dieu a créé le monde et avec ce ruach Dieu a créé Adam, et c’est ce ruach qui nous fait vivre et aussi qui fait de nous des êtres spirituels ».

Infini est le roman d’un compositeur de notre temps, le portrait d’un musicien, Tancredo Pavone, révélé par Massimo, son ancien homme de confiance, son majordome. On découvre sa vie et sa musique, ses musiques, ses écarts, ses amours, ses envolées, ses passions – Purcell mais aussi Bach et Mozart, leurs petites oreilles écoutaient les sons intérieurs et pas les sons extérieurs – ses fictions sonores et ses frictions musicales – Schoenberg était un vrai musicien, a-t-il dit, mais il a été un désastre pour la musique. Schoenberg, a-t-il dit, a ramené la musique cinquante ans, sinon cent ans en arrière. Pavone compose au cœur de l’Europe, entre Londres, Monte-Carlo, Paris et Vienne, au centre de cette Europe qui vibre, puis se désaccorde dès les années 30 en Allemagne puis en Italie, alors il choisit la Suisse comme ligne de fuite.

Jeunes loups, Colin Barrett

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Vendredi, 19 Février 2016. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Rivages

Jeunes loups, février 2016, trad. anglais (Irlande) Bernard Cohen, 264 pages, 21 € . Ecrivain(s): Colin Barrett Edition: Rivages

 

Recueil de sept nouvelles, Jeunes loups (Young skins, selon le titre original) colle aux basques de jeunes irlandais qui traînent leur mal de vivre dans une petite ville imaginaire de la verte Érin.

Le parti pris de Colin Barrett est clair et net : des tranches de vie brutes de décoffrage, quelques rares repères dans l’histoire de ces antihéros, pas de chute inattendue. On les suit une nuit, quelques jours, rarement plus.

Des hommes, jeunes, chômeurs ou employés à de petits boulots, tous ou presque accros à l’alcool, aux filles, parfois à la drogue qu’ils consomment ou vendent, aux médicaments pour soulager leurs souffrances physiques ou stabiliser leurs sautes d’humeur, leurs maux de tête d’après biture.

Des hommes qui subissent avec un désarmant naturel le cours des événements, qui ne songent guère à se révolter, quitter leur bled aux multiples pubs, tant ils semblent formatés tout autant génétiquement que culturellement à une existence dénuée de sens. Résignés, en dépit d’une colère accumulée et que l’on sent toujours prête à exploser, mais qui se dilue dans une acceptation fataliste ou qui, lorsqu’elle explose, le fait de manière parfaitement aberrante et pulsionnelle.

La Belle et le Fuseau, Neil Gaiman

Ecrit par Didier Smal , le Vendredi, 12 Février 2016. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Albin Michel

La Belle et le Fuseau, octobre 2015, trad. anglais Valérie Le Plouhinec, ill. Chris Riddell, 68 pages, 19 € . Ecrivain(s): Neil Gaiman Edition: Albin Michel

Dans le recueil Miroirs et Fumée, traduit en français en 2000, se trouve une nouvelle extraordinaire, intitulée Neige, Verre et Pommes, dans laquelle Neil Gaiman (1960) réinvente, perturbe et inverse tout à fait l’histoire de Blanche-Neige ; pour s’attaquer à pareil pilier de l’inconscient collectif et sortir vainqueur par transmutation de la confrontation, il faut un talent littéraire plus que certain – ça tombe bien, c’est celui qu’on attribue à Neil Gaiman depuis qu’on a été confronté à sa plume, c’est-à-dire depuis De Bons Présages (1995 en français). Et on le lui attribue aussi pour ses livres à destination de la jeunesse, dont on sait que bien des adultes les lisent en cachette, voire au grand jour, et en retirent un plaisir sans mélange.

Ainsi donc de La Belle et le Fuseau, bref conte (une soixantaine de pages dont bon nombre contiennent des illustrations signées Chris Riddell) qui s’approprie et réinvente au moins deux histoires : La Belle au Bois Dormant, d’évidente façon (quiconque n’a pas souvenir d’une vague histoire de fuseau peut aller voir du côté des frères Grimm, de Perrault ou de Disney de quoi il retourne avant de revenir à Neil Gaiman), et, à nouveau, Blanche-Neige, puisque l’héroïne du présent récit a passé du temps dans un cercueil de verre, s’entend bien avec des nains et a une connaissance intime d’une « Sombre Majesté ».

La Petite Dorrit, Charles Dickens

Ecrit par Didier Smal , le Samedi, 05 Décembre 2015. , dans Iles britanniques, Les Livres, Livres décortiqués, La Une Livres, Roman

La Petite Dorrit, Archipoche, avril 2015, trad. de l’anglais par Paul Lorain, révisée par Géraldine Barbe, 2 tomes, 640 pages & 600 pages, 9,65 € & 9,65 € . Ecrivain(s): Charles Dickens

 

Seizième roman de Charles Dickens (1812-1870), souvent présenté, parmi d’autres, comme emblématique de son œuvre, La Petite Dorrit (1855-1857) connut une première publication en dix-neuf livraisons, réunies en deux tomes par l’auteur ; c’est cette subdivision en deux tomes, pratique, qu’ont choisi de respecter les éditions Archi Poche pour cette réédition à la traduction révisée.

Le premier tome est celui de la « pauvreté », ainsi que Dickens l’a intitulé, et l’on voit effectivement Amy Dorrit se vendre comme couturière pour faire vivre son père William, emprisonné à la Marshalsea depuis avant sa naissance ; cet emprisonnement montre le véritable sujet de ce roman : la stupidité, voire l’imbécillité de nombreuses institutions anglaises. Ainsi de la Marshalsea, prison pour dettes que fréquenta le père de l’auteur : on ne peut en sortir qu’une fois ses dettes réglées, alors qu’on ne peut travailler… En poussant le raisonnement jusqu’au bout, on se retrouve, comme le père de la petite Dorrit, à mener la vie d’un « père » putatif pour tous les pensionnaires occasionnels de cette prison…