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Histoire

De la santé des gens de lettres, Samuel-Auguste Tissot (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 23 Septembre 2019. , dans Histoire, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Classiques Garnier

De la santé des gens de lettres, avril 2018, 212 pages, 24 € . Ecrivain(s): Samuel-Auguste Tissot Edition: Classiques Garnier

Le traité du médecin suisse Samuel-Auguste Tissot (1728-1797) constitue, dans le meilleur sens du terme, une curiosité littéraire. Il n’est pas de ces œuvres médiocres que l’on arrache à leur sommeil séculaire dans les bibliothèques où elles eussent mieux fait de rester. De la Santé des gens de lettres connut plusieurs rééditions au XVIIIe siècle, une traduction en anglais (1762), quatre réimpressions aux XIXe et XXe siècles. L’ouvrage est représentatif d’un triple mouvement. D’abord, la vulgarisation du discours médical par le recours à la langue française, prolongeant ce qu’avait accompli Ambroise Paré : si les médecins, pour conquérir leurs grades, soutenaient toujours leurs thèses en latin, ils diffusaient ensuite leurs idées dans des ouvrages français, qui rejoignaient les bibliothèques des non-spécialistes (« Pas de livres que je lise plus volontiers, que les livres de médecine, pas d’hommes dont la conversation soit plus intéressante pour moi, que celle des médecins ; mais c’est quand je me porte bien », écrivait non sans humour Diderot, cité p.42). Tissot avait dans un premier temps publié un Sermo academicus de valetudine litteratorum (1766), qu’il traduisit et amplifia. Ensuite, le livre de Tissot apparaît représentatif de l’avènement d’une nouvelle cléricature, les « gens de lettres » laïcs (qu’on n’appelait pas encore les « intellectuels ») doublant d’abord, puis remplaçant l’ancienne, les religieux lettrés.

Histoires extraordinaires du jour le plus long, Tomes 1 & 2, Philippe Bertin (par Vincent Robin)

Ecrit par Vincent Robin , le Jeudi, 19 Septembre 2019. , dans Histoire, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Histoires extraordinaires du jour le plus long, Tomes 1 & 2, Edition Ouest-France, 2016, 440 pages, 12,90 € . Ecrivain(s): Philippe Bertin

 

Une génération au moins, celle des naissances étendues sur les cinquante ans consécutifs à la seconde guerre mondiale, ne saurait oublier la date du 6 juin 1944, dont le soixante-quinzième anniversaire était salué sans trop de fastes inutiles durant juin dernier sur les plages normandes.

Pour cette tranche d’âge et au sein de la population normande, l’implication de membres familiaux, de proches, d’amis ou de certains cercles de connaissances, aura entretenu jusqu’à aujourd’hui le souvenir des rudes chroniques de la libération côtière et régionale. Sous la poussée invasive et militaire, celle-ci s’était alors réalisée plutôt rapidement. Mais elle allait bientôt compter aussi de redoutables jours d’épreuves et de souffrances pour des habitants déjà sous le joug depuis quatre ans. Chez ces non-combattants, premiers témoins ou victimes des circonstances soudaines, sur place ou parfois même à distance, récoltant ensemble d’inoubliables blessures occasionnées par des affrontements parfois totalement aveugles, un déclic lumineux et réconfortant balayant plusieurs années d’ombres mortifères viendrait pourtant à terme prendre le pas – bien sûr, par abnégation et abandon d’esprit vengeur – sur ces révoltantes et sacrificielles douleurs.

Terre natale, Exercices de piété, Jean Clair (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Jeudi, 22 Août 2019. , dans Histoire, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Gallimard

Terre natale, Exercices de piété, juin 2019, 416 pages, 22 € . Ecrivain(s): Jean Clair Edition: Gallimard

 

 

Dans ce livre savant, référencé, Jean Clair nous fait partager vingt-quatre exercices de piété à la manière d’un symposium, banquet propice à la dissertation, par rétrospection et par le biais de « l’écriture [qui] est un filet de mots pour attraper les papillons de l’âme », et ce, en dépit de « ce temps de pauvre littérature ». Le texte de Jean Clair participe d’une recherche paradoxale de la part absente du moi, invisible à soi – à la fois conscience (révélée par la psychanalyse), récapitulatif de ce qui nous nourrit (l’instruction, le savoir, l’art), et altérité. Ces traités sont le prétexte de considérations sur le voile des femmes, ce qu’il recouvre, sur le miroir qui révèle à l’envers, brouille également ou trompe le regard, tout en captant des apparences et des présences fantomatiques, notamment.

Ainsi fut Auschwitz, Témoignages (1945-1986), Primo Levi (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 04 Juin 2019. , dans Histoire, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Anthologie, Les Belles Lettres

Ainsi fut Auschwitz, Témoignages (1945-1986), février 2019, texte établi par Fabio Levi et Domenico Scarpa, trad. Marc Lesage, 304 pages, 14,90 € . Ecrivain(s): Primo Levi Edition: Les Belles Lettres

 

Même s’il en a publié d’autres, Primo Levi demeure pour la postérité l’homme d’un seul livre, Si c’est un homme, auquel tous les autres semblent subordonnés, comme les branches à un tronc. Rien a priori ne destinait ce chimiste turinois à devenir écrivain. Rien, sauf une expérience indicible et l’impératif moral de porter témoignage au nom de ceux qui jamais ne revinrent. Il avait compris que le silence de chaque rescapé était un cadeau posthume offert au nazisme.

Recueil de textes brefs, écrits pour les journaux ou à la sollicitation des autorités soviétiques et de la justice, Ainsi fut Auschwitz est un livre composé en partie à quatre mains, avec un autre homme de science, ou plutôt de l’art (les médecins considèrent ainsi leur discipline), Leonardo De Benedetto. Le titre du premier texte, signé des deux hommes, « Rapport sur l’organisation hygiénique et sanitaire du camp de concentration pour juifs de Monowitz (Haute-Silésie) », publié dans la Minerva Medica, un hebdomadaire de praticiens bien connu de l’autre côté des Alpes, trahit une tension vers l’objectivité scientifique.

La Fabuleuse découverte de la tombe de Toutânkhamon, Howard Carter (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 17 Mai 2019. , dans Histoire, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Libretto

La Fabuleuse découverte de la tombe de Toutânkhamon (traduit de l’anglais par Martine Wiznitzer), 2019, 176 pages, 8 euros 10 . Ecrivain(s): Howard Carter Edition: Libretto

 

« Depuis qu’il médite, a reconnu l’écrivain et musicien Jacques Drillon en l’un de ses – précieux – ouvrages, l’homme se demande s’il trouvera plus rapidement ce qu’il cherche derrière la "porte d’or de l’imagination", ou derrière la "porte basse et honteuse de l’expérience" dont parle Proust ». Mais il est un lacis de couloirs qui fait se rejoindre porte basse et porte d’or. Ce sont les labyrinthes de passages, de tunnels et de chambres, ornés de scènes dont la beauté se doit d’accompagner le roi défunt dans son voyage vers l’autre monde, où il sera accueilli par Osiris.

Nous songeons aux tombes égyptiennes, bien sûr (coordonnées : 25° 44′ 27″ nord, 32° 36′ 08″ est). Soit, par exemple, celle de Ramsès II, ainsi décrite par Claude Obsomer : « Un escalier d’une vingtaine de marches à glissière centrale donne accès à la porte, dont le linteau est orné de l’astre solaire […]. Un premier corridor en pente offre des parois consacrées à la renaissance journalière du roi […].